Nathalie Léandri, vice-présidente chargée de l’éducation, a présenté la stratégie départementale de prévention du risque prostitutionnel chez les jeunes. Photo : CD92/Olivier Ravoire
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AGIR CONTRE LA PROSTITUTION DES JEUNES

Le Département met en place un plan de lutte et de prévention contre la prostitution des jeunes afin de mieux repérer, protéger et accompagner les enfants et leurs familles.

Ils seraient entre 7 000 et 10 000 mineurs prostitués en France mais le phénomène reste encore difficile à mesurer précisément. « Il prend une ampleur inquiétante sur l’ensemble du territoire national et il serait naïf de penser que notre département est épargné », souligne Nathalie Léandri, vice-présidente chargée de l’éducation. Si le nombre de jeunes concernés reste difficile à établir dans les Hauts-de-Seine, un portrait-robot – identique à celui observé au niveau national – se dégage : une très grande majorité de filles, âgés pour la plupart de 15 à 17 ans, souvent en grande vulnérabilité voire en rupture familiale. « Il y a des blessures, des traumatismes vécus au sein de la cellule familiale mais pas seulement, constate Bérangère Wallaert, déléguée générale de l’ACPE (Agir contre la prostitution des enfants). Elle peut être liée à un harcèlement à l’école et toucher tous les milieux sociaux. » Ces jeunes tombent sous la coupe de proxénètes eux aussi de plus en plus jeunes et restent difficiles à repérer car passés, avec l’usage du numérique, d’une prostitution de rue à une prostitution hébergée, plus discrète. « Cette activité s’est totalement banalisée avec la pornographie, ajoute Catherine Champrenault, ancienne procureure générale de la cour d’appel de Paris et présidente du groupe de travail gouvernemental sur la prostitution des mineurs. Les victimes ne se considèrent pas comme telles, sont peu coopérantes et vivent même la prostitution comme une sorte de promotion sociale, ce que l’on appelle “l’effet Zahia” (du nom de l’escort-girl impliquée dans une affaire de mœurs avec des joueurs de l’équipe de France de football, Ndlr). » Les réseaux sociaux amplifient ce phénomène de « racolage numérique », d’après Thomas Rohmer, fondateur de l’Observatoire de la parentalité & de l’éducation numérique (Open) qui travaille depuis près de cinq ans sur le sujet. C’est un phénomène nouveau par son ampleur, son identification et son repérage. On constate une mise en relation sur des réseaux grand public qui bascule sur des espaces plus restreints et peu investis par les adultes comme Snapchat. L’envoi de nudes (une photo de soi prise avec son smartphone en étant nu ou partiellement dénudé, Ndlr) est une pratique sur laquelle nous n’avons pas de chiffres et qui est en voie de totale banalisation. Le numérique nous bouscule en tant qu’adultes n’ayant pas toujours connu ce monde ultra-connecté. Heureusement, les enjeux éducatifs ne sont pas liés à une maîtrise technique de ces réseaux mais plutôt à la mise en place d’un cadre et d’une réflexion. »

Stratégie ambitieuse

Face à ce constat, le Département se mobilise pour améliorer la prise en charge de ces jeunes grâce à une stratégie ambitieuse qui s’articule autour de quatre piliers : prévention auprès des jeunes et de leurs parents, protection des mineurs en cas de danger, signalement des proxénètes et formation des professionnels médico-sociaux. « Elle participe à une politique départementale ferme et résolue en faveur de nos jeunes, pour les aider à construire leur avenir, les accompagner vers une vie d’adulte épanouie, et leur permettre de dépasser leurs fragilités et d’exprimer tous leurs talents », souligne Nathalie Léandri. Certains moyens sont déjà opérationnels comme les consultations « sexo jeunes » depuis mai 2020, des ateliers collectifs dans les centres de planification ou d’éducation familiale (CPEF) ou encore le « michetomètre », un outil de sensibilisation mis au point par l’ACPE et destiné à faire prendre conscience aux jeunes d’activités prostitutionnelles parfois minimisées. « Il fonctionne sur le même principe que le “violentomètre” pour les femmes victimes de violences. Les professionnels de l’enfance peuvent l’utiliser avec des jeunes pour évaluer où ils en sont de leurs pratiques », explique Bérangère Wallaert. L’an dernier, plus de 250 professionnels ont été sensibilisés à l’utilisation de cet outil.

Enfin, la prévention se fait aussi dans les collèges grâce au forum itinérant Giga la Vie de l’Institut des Hauts-de-Seine en association avec le Mouvement du Nid qui propose des stands d’information sur la sexualité. Au quotidien, ce sont aussi 83 médiateurs éducatifs déployés dans 74 collèges qui identifient et accompagnent dans les établissements les élèves vulnérables exposés à ces risques. « Une mallette pédagogique va également être déployée dans les collèges pour aborder la vie sexuelle et affective des jeunes, complète Anne Clerc, préfète des Hauts-de-Seine déléguée à l’égalité des chances. Cet outil va permettre de repérer et prendre contact avec des jeunes en situation de prostitution. »

Le Département entend ainsi mobiliser et fédérer l’ensemble des professionnels intervenant auprès des jeunes afin de mieux identifier et accompagner les jeunes et les familles confrontés au phénomène prostitutionnel. Cette stratégie départementale fait écho au plan national annoncé le 15 novembre dernier par le gouvernement. 

Mélanie Le Beller
Lire aussi notre reportage sur le Mouvement du Nid.
Les conférences sont en ligne sur www.linkedin.com/company/departement-des-hauts-de-seine

 

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