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À L’OMBRE DU SOLEIL LEVANT

Adoptées pour leur esthétique et leurs propriétés réfléchissantes, les teintes du revêtement ont permis de réduire de 40 % l’absorption de la lumière de la cour. CD92/Julia Brechler

Dans le cadre du programme départemental « Îlots verts », le collège Georges-Pompidou de Courbevoie a été doté d’une cour à l’ambiance japonisante. Un projet exemplaire, notamment par sa gestion intelligente des eaux pluviales.

Avec son maigre bosquet d’arbres, son goudron propice aux îlots de chaleur, et ses quelques bancs pour 680 élèves, les espaces extérieurs de ce collège rendaient nécessaire une intervention d’ampleur. « Nous avons tenu à respecter l’esprit originel des lieux, explique Édith Vallet, paysagiste-conceptrice chargée de leur mue intégrale. Il ne s’agissait pas de partir d’une feuille blanche : autant dire que l’architecture du bâti n’était pas neutre, avec ses coursives plantées et ses ocres en façade… » Tout aussi inspirante s’est révélée la spécificité cultivée par cet établissement. Hébergée depuis 2020 en son sein, la section internationale japonaise offre à une poignée d’élèves une poursuite de scolarité à domicile, après un passage aux écoles maternelle des Fauvelles et primaire Jean-de-La-Bruyère. « Dans un premier temps, nous pensions nous inspirer du jardin du musée départemental Albert-Kahn, mais peu d’éléments s’avéraient transposables, raconte Édith Vallet. Au fil de la réflexion, le dessin animé japonais s’est imposé comme le vecteur le plus marquant d’un lieu aux influences transversales. » Il en va en tout cas de sa signature graphique, qui s’inspire librement de la griffe picturale des studios Ghibli, à l’origine des chefs-d’œuvre du genre signés Hayao Miyazaki. Entre les averses de mars et les giboulées d’avril, les sommités florales des prairies sauvages répondent ainsi à la palette de bleus du Château dans le ciel ; une « œuvre poétique, où il est toujours question de paysage. »

Occultant les rayons du soleil, des voiles d’ombrage ont été tendues au-dessus des lieux de rassemblement.© CD92/Julia Brechler

Un revêtement innovant

Emblèmes, s’il en est, de l’image idéalisée d’un Japon pastoral, les cerisiers et leurs effusions de rose layette précèdent de quelques mois la floraison printanière des arbres de Judée. Eux aussi préexistaient à la refonte du bouquet végétal, enrichi depuis d’une trentaine de spécimens issus de pépinières angevines et, pour les plus australs, d’Italie. Avec son nuancier lilas tirant vers le fuchsia, le revêtement en béton poreux, teinté dans la masse, renvoie plutôt au Voyage de Chihiro et au charme fleuri des parterres de phlox, indissociables du lac Motosu. Fabriqué à la demande, il est le résultat d’un procédé inédit. Ses déclinaisons de tons pastel, reposant sur un concassé de gravier percolant, viennent rehausser cet espace de 2 600 mètres carrés, fruit d’une ambitieuse métamorphose menée dans le cadre du dispositif départemental « Îlot vert ». « Derrière la nécessaire dimension paysagère, ces opérations de rénovation de cour de collège prévoient de créer des espaces de convivialité et de détente, où chacun peut se retrouver sur les différents temps de la journée, explique le président du Département Georges Siffredi. C’est pourquoi nous souhaitons que 38 collèges soient ainsi réaménagés à l’horizon 2027 : un investissement auquel notre Département consacre 40 M au bénéfice des élèves et de la résilience de notre territoire. » À présent, trois îlots décloisonnés structurent cet espace singulier, avec pour ligne de démarcation, une nouvelle référence empruntée cette fois au design nippon : le « Wa », soit une série de cercles superposés, symboles d’harmonie et de paix. « Ce motif circulaire était un prétexte pour raconter des histoires, indépendamment du fait que la cour se montre fonctionnelle, au même titre que ses équivalents traditionnels », souligne Édith Vallet.

3 900 mètres cubes d’eau de pluie ont été absorbés en un an, soit l’équivalent d’une piscine olympique.

Plantés de graminées, de vivaces et de grimpantes, les parterres fleuris multiplient les échelles arbustives, au pied des copalmes d’Amérique.© CD92/Julia Brechler

Multiplier les assises

Dans les marges, les revêtements des coursives ont été entièrement ragréés, révélant une résine magenta venue esquisser au loin une « ligne d’horizon diffuse ». Un clin d’œil aux lames de fond de l’artiste Hokusai, à moins qu’il ne s’agisse des eaux vineuses de l’Odyssée… Conformément aux attentes des collégiens, de nouveaux équipements sont venus égayer les pauses récré. Parfois détournés de leur usage premier, les bancs en forme de galet se font plateaux de jeu pour des parties de cartes, quand les tables de pique-nique ou de ping-pong apportent leur lot d’assises improvisées. Leur nombre est porté à trois cents, si on ajoute les bancs ordinaires et les « traverses de chemin de fer », qui cernent quatre plates-bandes ombragées au moyen de pergolas végétalisées. Une classe en plein air et un mur d’expression complètent l’ensemble, sans oublier un potager des plus foisonnants, niché dans un interstice jouxtant le futur centre horticole de Courbevoie et ses serres luxuriantes. Au total, ce sont 2 M qui ont été investis dans ce projet exemplaire, mené en partenariat avec l’Agence de l’Eau. « Les averses, déjà tamponnées par les toitures végétalisées, sont désormais drainées par le revêtement au sol, puis captées par une réserve placée à la rencontre d’un maillage de tuyaux perforés », explique Denis Anger, chef d’unité scolaire nord au Département. Dimensionné pour une pluie trentenaire, le contenu de cette cuve innovante, faite de structures alvéolaires ultra-légères (SAUL), se diffuse par écoulement naturel jusqu’à la nappe phréatique. En cas de trop-plein, l’eau est redirigée vers une surverse raccordée au réseau de collecte départemental et étroitement surveillé par un capteur numérique. « Aucun rejet n’a été effectué en un an, atteste Denis Anger. Cette installation pilote permet de soulager l’effort de traitement des eaux usées assuré par notre délégataire, la Sevesc ». Depuis la rentrée 2022, date de la livraison des installations, plus de 3 900 mètres cubes ont été infiltrés sur site, perturbant d’autant moins le cycle naturel de l’eau. Soit l’équivalent d’une piscine olympique, siroté dans la cour par ses jeunes arbres à la silhouette acuminée, mais aux ramures pleines de promesses, et dont l’hydratation est ajustée en temps réel à l’aide, là encore, de capteurs innovants reliés à un logiciel de suivi hydrométrique. Comme une évocation fortuite du Japon ultra-moderne d’aujourd’hui.

Nicolas Gomont

 

Quatre nouveaux « Îlots verts »

Le dispositif « Îlots verts » associe les collégiens et leurs aspirations dès la phase de conception de leur future cour de récréation. De même que pour les chantiers des collèges Paul-Éluard, à Nanterre, et Georges-Pompidou à Villeneuve-la-Garenne, débutés à l’été, les équipes de paysagistes sont retenues sur des critères d’aménagement paysager et de réemploi des matériaux, pour leur expertise dans la gestion de l’eau et enfin leur sensibilité aux problématiques d’inclusion de tous les élèves. Le Département maintient son objectif d’aménager quatre « Îlots verts » adaptés au réchauffement climatique chaque année.

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