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DE L’ÉCRIT À LA SCÈNE, LE TRÉPIDANT PARCOURS DES COLLÉGIENS

CD92/Stéphanie Gutierrez-Ortéga

Trois classes du collège Louis-Pasteur de Gennevilliers se sont lancées dans un projet artistique multidisciplinaire accompagnées par des médiateurs de la Maison de Chateaubriand et deux comédiens, qui débouchera sur un spectacle ce 1er juin.

De la rencontre entre un texte, un lecteur et une situation naît le plaisir du jeu. Une découverte pour beaucoup d’entre eux.© CD92/Stéphanie Gutierrez-Ortéga

Il y a eu l’échauffement, des jeux d’impro autour d’un ballon imaginaire, puis les élèves se sont mis, à partir de textes distribués aléatoirement, à réfléchir à la mise en scène. Après ces conciliabules, ils prennent possession de l’amphithéâtre. « Chut », intiment les comédiens à ceux qui chahutent dans les gradins. Dans la première histoire, un carré amoureux digne d’une telenovela, deux couples d’amis vont au cinéma. À la faveur de l’obscurité, un rapprochement a lieu qui mènera à un mariage dans le cadre enchanteur du domaine départemental de la Vallée-aux-Loups à Châtenay-Malabry. Hasard de la distribution qui fait rire tout le monde, il n’y a que des garçons dans cette saynète. « J’étais surpris d’avoir à dire ce texte, la situation est un peu rocambolesque, confirme Ryan, l’un des interprètes. J’aime jouer et être sur scène, on s’amuse bien » 

Deux classes de sixième et une classe de troisième s’investissent dans ce projet « Donnez voix aux Mémoires » à raison d’une séance par mois depuis octobre, ce qui en fait une vraie course de fond. « C’est un projet complet qui met en jeu des compétences scolaires mais aussi comportementales, avec des ateliers encadrés par des professionnels », apprécie Nelly Rivals, professeur de français des 3e et d’une classe de 6e. Associant le collège Louis-Pasteur et la Maison de Chateaubriand avec le soutien de la Drac Île-de-France, ce parcours multidisciplinaire a débuté par plusieurs ateliers d’écriture. Invités à s’inspirer de l’univers de Chateaubriand et du thème de la mémoire, cher au grand écrivain, les collégiens ont laissé libre cours à leur imagination : « Les sixièmes sont très influencés par les réseaux sociaux et ont puisé dans leur quotidien. En troisième, il y a une écriture participative avec de vraies histoires ; ils parlent de leurs vies mouvementées ou bien il se passe des aventures dans la Maison de Chateaubriand. » « Ces récits de fiction, pour la plupart dans une veine “fantaisie-horreur”, seront intégrés dans une édition papier remise à chacun d’entre eux en souvenir », indique aussi Blandine Leclerc, médiatrice à la Maison de Chateaubriand. À l’oral, retravaillés par les comédiens, ils constitueront autant de récits, de voix reliées par la trame du rêve, interprétées sur scène par les jeunes sur le modèle des Mille et Une Nuits.

Les récits issus des ateliers d’écriture, retravaillés et oralisés, serviront de socle au spectacle final.© CD92/Stéphanie Gutierrez-Ortéga

Quatrième mur 

L’exercice du jour, partir des textes pour aller vers des personnages et des situations théâtrales, ne leur est pas familier. « Ils doivent, en les lisant, se réapproprier des paroles qui ne sont pas les leurs et s’interroger sur la façon dont ils peuvent les faire apparaître sur scène », détaille le comédien Maxime Renaud. D’abord bousculés, les collégiens se montrent curieux et enfin impliqués. Ainsi, face aux aventures d’une jeune fille enfermée dans un château, que l’on qualifierait de nos jours d’escape game, Mélia, Jade et Jed ont su exploiter une veine burlesque, Jed brandissant avec jubilation devant l’héroïne un inoffensif couteau à beurre. « Au théâtre, on peut exagérer ses mouvements. » Zaki, Dina et les autres, après avoir hérité d’une série de phrases éparses, en offrent, alignés face au public, des interprétations contrastées à leur image : timide, solennelle, rêveuse ou bredouillante… Si les erreurs sont inévitables, pourquoi ne pas en jouer et même les commenter ? « Ils découvrent qu’ils peuvent briser le 4e mur (qui sépare les acteurs et les spectateurs, Ndlr) ! », sourit Stéphanie Lesager, la professeur documentaliste qui se « régale» de les voir à l’œuvre. Entre ces écrits fantaisistes s’est aussi glissé un extrait des Mémoires d’outre-tombe que les collégiens disent avec concentration, butant sur certains mots vieillis ou à rallonge. Chateaubriand s’y raconte en garnement, grimpant dans un arbre pour y subtiliser les œufs d’une pie. « C’est un texte sur la tentation de l’interdit où se mêlent des émotions contraires. Il est intéressant de voir comment cela résonne pour les jeunes d’aujourd’hui », estime la comédienne Marie Schmitt. 

Conseillers artistiques 

Dans cette trame pourraient être introduits d’autres extraits d’œuvres du XIXe siècle – journal de Céleste, l’épouse de Chateaubriand, Victor Hugo, Lamartine… – tandis que les productions des élèves devraient évoluer vers un style plus oral. Dans l’esprit participatif de mise depuis les débuts, chacun est invité à suggérer ses pistes en matière de scénographie, de costumes et de musique. S’agissant pour les troisièmes d’une classe à horaires aménagés musique (ou classe Cham) comptant dans ses rangs guitaristes, batteurs ou percussionnistes, de l’avis de Maxime Renaud, « on pourrait ajouter un groupe sur scène ». Parce que tous ne voudront ou ne pourront se produire sur la scène de la Maison de Chateaubriand, des « conseillers » ont aussi été postés en observation afin que cette restitution soit l’œuvre de tous. 

Pauline Vinatier

 

Un « marathon de lectures » participatif, samedi 1er juin

Sur le principe d’une course de fond, l’idée est de proposer des lectures en continu sur une scène ouverte. La restitution du projet « Donnez voix aux Mémoires » a lieu ce 1er juin à l’occasion du « marathon de lectures » au domaine départemental de la Vallée-aux-Loups – Maison de Chateaubriand, à Châtenay-Malabry, labellisé Olympiade culturelle par Paris 2024. Elle coïncidera avec les Rendez-vous aux Jardins. Les collégiens gennevillois inaugureront cette manifestation gratuite à 14 h (durée du spectacle : 45 minutes environ) puis adultes et jeunes, amoureux des mots, poètes et slameurs, reprendront le flambeau jusqu’à 18 h 30. La plaine sera investie par la compagnie « Les souffleurs commandos poétiques », tandis que maison et parc accueilleront des ateliers tout public : poésie, personnalisation de sacs en toile, etc. Ultime lecteur à partir de 20 h 30, le comédien Lambert Wilson prêtera sa voix à de grands textes des XIXe et XXe siècles magnifiant la nature (spectacle payant).

vallee-aux-loups.hauts-de-seine.fr 

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