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L’écologie urbaine des parcs départementaux

Au Chemin de l’Île, à Nanterre, l’eau de la Seine est épurée dans une série de bassins végétalisés avant d’irriguer le parc, les surplus retournant au fleuve. Photo : © CD92/Willy Labre

Dans le département le plus urbanisé de France, les espaces verts concilient accueil du public et respect des milieux naturels.

Ces fagots de branchages servent de délimitation naturelle et de coupe-vent.© CD92/Stephanie Gutierrez-Ortega

En 2013, les parterres de broderies du château de Sceaux étaient à peine restaurés d’après le dessin d’origine de Le Nôtre, que la pyrale du buis faisait son apparition. Pour empêcher cette chenille de les transformer en dentelle mitée, un bacille microscopique est désormais pulvérisé sur les massifs. Dans l’ensemble des parcs et jardins départementaux, le remède contre les nuisibles et les maladies est ainsi fourni par la nature elle-même. Cette démarche d’abandon des produits phytosanitaires a été mise en œuvre dès 2007.

Quinze millions de visiteurs prennent chaque année un bol d’air dans les vingt parcs et jardins départementaux. Ces sites font l’objet d’une gestion environnementale, récompensée, pour dix-huit d’entre eux, par l’obtention du label « Espace vert écologique » (Eve). « Pour le Département, l’enjeu est d’apporter davantage de nature en ville tout en prenant en compte les contraintes liées à la densité de la population dans l’un des territoires les plus urbanisés de France », explique Laetitia Kerbouz, en charge de l’unité Patrimoine naturel au Département. C’est un organisme indépendant, Ecocert, qui attribue le label, sur la base de plus de cent points à valider dans de nombreux domaines : qualité du paysage, de l’air, protection de la biodiversité, gestion économe de l’eau et de l’énergie, consommation d’eau potable, réduction du bruit, tri et valorisation des déchets, respect du sol, bilan carbone des tontes d’entretien et enfin satisfaction du public. Ainsi en 2019, soixante-dix pour cent des sondés se déclaraient « satisfaits à très satisfaits » de l’entretien des parcs départementaux.

Avec la gestion dite différenciée, caractéristique de cette nouvelle ère, la page des paysages uniformes, pelouses rases et arbres taillés au cordeau, est tournée. « Nous appliquons dans nos parcs quatre codes d’entretien qui correspondent à une gestion plus ou moins extensive et à autant d’ambiances végétales. Dans un même parc, chacun peut ainsi trouver son bonheur : faire du sport, pique-niquer, lire, contempler la nature ou simplement se détendre », explique Laetitia Kerbouz. Cette gestion qui permet de ne pas intervenir plus que nécessaire est également source d’économies. À Sceaux, les différentes strates prévues par le plan de gestion paysager sont bien visibles. Aux environs du château, ifs en topiaires et broderies de buis signalent le code horticole visant à « préserver la dimension ornementale des lieux », comme le souligne José Girard, le gestionnaire du parc. À mesure qu’on s’éloigne du cœur historique, l’entretien s’allège. Le code jardiné, « agréable, ordonné mais moins minutieux », caractérise les perspectives historiques et les bosquets entourés de charmilles, propices à la lecture ou à la rêverie. Dans la partie nord-ouest, entretenue en code rustique, règne une ambiance champêtre. Quant aux zones naturelles protégées « créées après la tempête de 1999 qui avait dévasté de nombreux boisements, ce sont les plus sauvages ». Ces taillis, classés en code naturel, se régénèrent sans intervention humaine.

Il n’est plus incongru de voir des troupeaux tondre les pelouses à la place des machines.© CD92/Julia Brechler

Respect du végétal

À Nanterre, au parc du Chemin de l’Île, cette approche respectueuse du végétal se traduit par une palette privilégiant les essences locales, plus résistantes. Les sentiers sont dominés par le frêne, le bouleau, le tilleul, le chêne et, par endroits, les alisiers et les sorbiers. En bord de Seine croissent l’aulne et le saule. Les haies mêlent le lilas, le charme et l’aubépine dans un fouillis qui doit beaucoup aux jardiniers. « La taille au sécateur prend en compte le rythme de chaque végétal, le rendu est naturel et irrégulier », précise Arnaud Khau Van Kien, responsable du parc. La fauche des prairies s’est aussi espacée, les visiteurs ont pris l’habitude de s’asseoir sur des herbes plus hautes. L’éco-pâturage a été adopté, avec à la clé, des économies de carburant et un environnement moins bruyant. Aux Chanteraines, où des moutons de la ferme départementale se chargent d’une partie de la tonte, un panneau d’information est installé à chaque rotation du troupeau.

Le circuit de l’eau au Chemin-de-l’Île fait la particularité du dernier-né des parcs départementaux et lui donne son identité visuelle. Il participe aussi à la préservation des ressources naturelles. Pompée par une vis d’Archimède, l’eau est épurée dans une succession de bassins végétalisés avant de parcourir et d’irriguer le site, les éventuels surplus retournant au fleuve. Il n’y a pas de forage, ni d’eau de ville consommée. Quant au chantier de réaménagement des allées, placettes et autres surfaces minérales mené en 2019 aux Chanteraines, il répond, là encore « à la question cruciale des ressources, qui est l’un des enjeux du XXIe siècle ». Grâce à un processus circulaire, au lieu d’être évacués, les gravats issus des anciens cheminements du parc ont pu être transformés et concassés sur place, avant d’être réemployés dans les revêtements et sous-couches des allées et pour réaliser des murs en gabions, ce qui a permis de limiter les apports de nouveaux matériaux et les nuisances. Plus de 8 000 tonnes de granulats et près de 300 000 euros ont pu être ainsi économisés. Ces fragments de béton sont aussi intégrés aux accotements, sous forme de tranchées drainantes qui rétablissent le cycle naturel de l’eau dans le sol et permettront, durant leur durée de vie, de piéger jusqu’à 900 tonnes de CO2 atmosphérique. Le ballast du chemin de fer des Chanteraines devrait être remplacé selon le même procédé. « Une démarche tout à fait transposable sur d’autres sites », estime Farid Chikh.

Ce nichoir offre aux insectes, auxiliaires des jardiniers, le confort de ses rondins percés.© CD92/Stephanie Gutierrez-Ortega

Faune ordinaire, faune sensible

Les parcs départementaux, îlots de nature en ville, le sont aussi pour toute une faune ordinaire, dont on peut, avec un peu de chance, croiser le chemin : renards, belettes, batraciens, petits rapaces… « Nos parcs sont des réservoirs de biodiversité. Ce sont des lieux de vie ou des lieux de passage qui permettent aux espèces de traverser la grande matrice urbaine », indique Laetitia Kerbouz. À ce titre, nombre d’espaces verts départementaux sont intégrés à la trame verte et bleue, qui prévoit des continuités écologiques au niveau régional. Aux espèces familières se mêlent des spécimens considérés comme sensibles, parfois protégés, dont la présence est une « preuve de bonne gestion », tels, chez les chauves-souris, la pipistrelle de Nathusius, chez les oiseaux, le pic noir, le faucon pèlerin ou le martin-pêcheur, chez les insectes, le criquet des roseaux et le tétrix des carrières, observés pour la première fois en 2016. L’étang des Tilliers, aux Chanteraines – labellisé, comme dix autres parcs, « refuge LPO jardin d’oiseaux » par la Ligue de protection des oiseaux –  voit par exemple nicher sur ses radeaux flottant des sternes pierregarins, espèce migratrice rarement présente en petite couronne.

Pauline Vinatier
Plus d’informations sur les dix-huit parcs labellisés sur
www.hauts-de-seine.fr

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