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L’art de la belle parole

Dix-huit collèges se sont portés volontaires pour participer au premier concours d’éloquence organisé par le Département sur le thème du développement durable. CD92/Olivier Ravoire

Avant le concours en juin, six cents collégiens se forment à l’art de l’éloquence à l’initiative du Département. Thème choisi : le  développement durable.

Des pleurs retentissent crescendo au collège Voltaire à Asnières. Alerte de niveau 4 pour la moitié de la classe de 6e 5 qui, suivant les consignes de l’intervenante Roxane Pour, doivent jouer la tristesse à différents degrés d’intensité. Ce travail sur les émotions est primordial pour ces élèves qui ont lancé le compte à rebours : en juin, ils participeront au premier concours d’éloquence organisé par le Département sur le thème du développement durable. « Ce sujet suscite beaucoup d’engagement chez les élèves et permet de valoriser les initiatives déjà menées dans les établissements », explique Chloé Davy, chargée du dispositif ENC au Département. À Voltaire, classé éco-collège, on trie déjà les déchets et on collecte les bouchons ; une fois n’est pas coutume, on passe donc des actes… à la parole. Parmi ces beaux parleurs, Adam a déjà un slogan en tête : « Plus belle la verdure ». Après seulement trois séances, il est déjà très éloquent sur l’éloquence. « Ici on a le droit de parler, de s’exprimer librement et de défendre un sujet important. J’ai appris par exemple qu’il y avait plusieurs types de langages et que c’est toi qui choisis ta voix. C’est toi qui décides en fait ! »

Dans une autre salle, avec le deuxième demi-groupe, l’interjection « euh » est barrée sur le tableau blanc, à côté d’une citation de Cervantès : « parler sans penser, c’est tirer sans viser ». Tel est le credo de Launy Bostok, psychologue et formateur en rhétorique, qui veut remettre au goût du jour l’isegoria de la Grèce antique. « Il s’agit du principe d’égalité devant la parole. Le fait que tout le monde puisse s’exprimer est un principe fondamental de la démocratie. » Sa phrase s’inscrit dans la pédagogie « Porter sa voix », de l’association Eloquentia qui, jusqu’en juin, donnera près de 450 heures de formations aux 18 collèges volontaires. Anne-Sophie Lefèbvre, sa directrice générale, invoque aussi la Grèce antique et veut « refonder l’agora » dans la société. « C’est-à-dire exprimer son point de vue et écouter celui des autres. Nous ne leur apprenons pas à parler mais à s’exprimer. Nous cherchons à donner confiance aux jeunes, à leur apprendre l’esprit critique et à construire leur discours, peu importe la forme choisie. » À cet objectif individuel s’ajoute un autre, plus collectif. « On apprend à travailler sur une dynamique de groupe et sur l’empathie. Les retours des professeurs sont très positifs puisqu’ils notent une évolution du comportement des élèves », poursuit Claire Maydieu, responsable des opérations France. À Asnières, le professeur de technologie Kamel Ledraa, l’un des deux encadrants de la classe, a déjà constaté les bienfaits des ateliers. « On a beaucoup d’élèves discrets, timides, effacés en cours à qui l’atelier permet de travailler l’oral. J’ai aussi remarqué que les élèves ne communiquaient pas entre eux et que cela entraînait des conflits. S’ils apprennent à se parler et s’écouter, il y aura moins de soucis. » « Pouvoir exprimer et partager ses idées, c’est lutter contre la violence et être moins dans l’agressivité physique, confirme Médéric Godey, principal adjoint de l’établissement. Dans un monde de virtualité et d’écrit, la place de l’oral reste centrale. » En plus d’Eloquentia, les élèves peuvent être accompagnés par la Joute de Vinci, une association de jeunes étudiants du Pôle universitaire Léonard-de-Vinci qui intervient sur la forme de leur discours.

Ces ateliers permettent ainsi de prendre confiance en soi mais aussi de se préparer pour les futures échéances scolaires. « Les collégiens arrivent ainsi mieux préparés aux oraux du baccalauréat et du brevet. Et un bon oral, c’est également un bon écrit », prévient Mariane Tanzi, directrice académique adjointe des services de l’Éducation nationale des Hauts-de-Seine, moteur dans ce projet aux côtés du Département.

Répartis en demi-groupes, les élèves suivent douze heures de formation à l’art oratoire assurées par l’association Eloquentia..© CD92/Olivier Ravoire
Le jour J du concours, une poignée d’entre eux passeront devant un jury pour deux épreuves : une d’argumentation et un duel face à un autre candidat.© CD92/Olivier Ravoire

Trois minutes chrono

Six cents collégiens de tous niveaux, dont une classe de Segpa et des élèves en situation de handicap scolarisés en Ulis, suivent de janvier à mai six séances dont deux de « coaching » plus centrées sur les épreuves qu’ils passeront le jour J où seulement quelques-uns se confronteront au jury. Pour « l’argumentation », ils construisent un discours autour de quatre questions imposées. L’une d’entre elles sera tirée au sort et l’un des élèves devra dérouler ses arguments en trois minutes maximum sans préparation. Pour le « duel », ils travaillent sur quatre plaidoiries et quatre réquisitoires, là encore sur des sujets décidés en amont. Le jour de l’épreuve, deux candidats s’affronteront, chacun défendant un point de vue différent.

Enfin une troisième épreuve aura déjà eu lieu au printemps, celle du « casting » avec une capsule vidéo ou une émission de radio à enregistrer sur le même principe que l’une des deux autres épreuves. Pour cela, les classes utilisent le matériel reçu dans le cadre de l’appel à projets numériques départemental. « L’idée est d’utiliser le numérique comme un outil à des fins pédagogiques, conclut Chloé Davy. Ce matériel permet de faire en toute autonomie une émission de télé ou de radio qui donne aux élèves des compétences numériques mais également du recul sur leur prestation pour voir les points à améliorer. » Là, ce sont les professeurs qui ont été accompagnés en janvier par des comédiens sur l’art oratoire puis formés aux outils numériques par le Département, la Dane (Délégation académique au numérique éducatif) de l’Académie de Versailles et le réseau Canopé. Les trois épreuves entrent en compte dans le classement final et la notation se basera sur l’interprétation, la clarté des propos et la pertinence des arguments. Soit la même place donnée au fond comme à la forme. 

Mélanie Le Beller
www.hauts-de-seine.fr

 

Une traque dans les eaux usées

Dès le printemps 2020, le constat a été fait d’un lien entre le nombre d’hospitalisations et la présence du virus dans les canalisations. Depuis, la communauté scientifique se mobilise à ce sujet. Avec le CSTB, le Département apporte sa contribution par la mise au point d’une méthode de surveillance inédite « en pied d’immeuble ». L’enjeu des tests aux collèges Pompidou et André-Malraux a été d’aboutir à une méthode de détection simple, fiable à moindre coût, et transposable à grande échelle. Cette méthode, qui n’avait montré la présence d’aucun virus dans les deux collèges, a confirmé sa fiabilité en banc d’essai. Le Département étudie actuellement le meilleur moyen de mettre à profit ces résultats. 

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