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LES COLLÈGES DE DEMAIN CÔTÉ COUR ET CÔTÉ JARDIN

Illustration Laurent Duvoux

Dans le cadre de son programme de végétalisation « Îlot vert », le Département investit dans le réaménagement des cours de collèges, pour répondre aux enjeux climatiques et améliorer le bien–être des élèves, dans une démarche participative.

Une fine pluie vient de s’abattre sur l’asphalte. Suintant à peine, le goudron ne révèle pas aisément l’écoulement de l’eau à sa surface. « On profite de l’averse tombée à l’instant pour juger de l’imperméabilité des sols et observer la formation des flaques, explique l’urbaniste Caroline Mihulka, accompagnée d’une collègue paysagiste. Dommage, il n’a que bruiné… Mais on nous a assuré que lors de forts épisodes pluvieux, une partie de la cour est parfois  inondée. »

La cour en question est celle du collège Saint-Exupéry de Vanves, qui se prépare à faire l’objet d’un projet de rénovation financé par le Département. Parce qu’il perturbe le cycle de l’eau, accentue les îlots de chaleur et est mis à rude épreuve par les racines des arbres, le revêtement de la cour est placé au cœur du projet de transformation des espaces extérieurs. Si les premiers coups de pelle ne devraient intervenir qu’à l’été 2024, l’étude des lieux a d’ores et déjà débuté. Comme lors de cette visite informelle, en septembre dernier, des professionnels chargés du projet. L’heure était alors à l’approfondissement des besoins et des contraintes de l’établissement. « L’objectif est similaire pour l’ensemble des cours de collège. En l’occurrence, désimperméabiliser et végétaliser le plus possible, pour limiter le réchauffement des sols en été, précise Caroline Mihulka, également chef de projet pour l’agence LD, mandatée pour la réfection de plusieurs cours de collèges départementaux. L’idée est aussi d’améliorer le cycle des eaux de pluie, en favorisant leur ruissellement dans le sol, grâce à des bétons infiltrants, en en récupérant une partie pour l’arrosage des plantes ou l’alimentation des sanitaires et en en limitant le rejet dans le réseau d’évacuation. »

Des ateliers participatifs

Adapter les cours des collèges au changement climatique, en intégrant les principes du développement durable, c’est tout le sens du programme « Îlot vert », initié en 2021 par le conseil départemental. À l’horizon 2027, ce sont 38 collèges du territoire qui auront bénéficié d’une véritable métamorphose de leurs cours. Un des atouts de ce dispositif est de placer les premiers concernés, professeurs comme élèves, au cœur de la réflexion. Cette démarche, qui se concrétise par la tenue de concertations et d’ateliers participatifs, permet de tirer parti de l’expérience et des attentes de chacun. « Il ne s’agit pas là d’une mesure cosmétique et vaguement « participative » mais d’un dispositif qui promeut réellement l’implication des élèves en les invitant à faire preuve d’imagination, de réalisme et de pragmatisme, puisque les projets qu’ils élaborent ont vocation à être réalisés », souligne Georges Siffredi, le président du Département.

Aidés d’une paysagiste, les élèves du collège Paparemborde imaginent des jeux d’ornementation végétale pour leur future cour.© CD92/Stephanie Gutierrez-Ortega

Dans un premier temps, un questionnaire en ligne est adressé aux élèves afin d’obtenir une vision globale de leur utilisation de la cour, de leurs habitudes de déplacement et de leur usage des équipements sportifs ou ludiques existants. En s’appuyant sur les données recueillies, les premières ébauches du projet peuvent enfin naître et laisser entrevoir les pistes privilégiées, tant pour le gros œuvre que pour les ornementations (assises, bosquets, terrains de sport…).

Plus de biodiversité

Les esquisses préliminaires sont ensuite affinées grâce à des ateliers, encourageant l’interaction entre les élèves volontaires, et notamment les éco-délégués. « Les ateliers s’inscrivent au cœur du programme ˝Îlots verts˝, explique Denis Anger, chef d’unité scolaire pour le Département. Ce dispositif est né de fortes remontées du terrain en faveur d’une plus grande végétalisation, de la création d’espaces conviviaux et de l’installation d’assises supplémentaires dans les cours de collège. Les élèves étudiant le développement durable en classe, il est particulièrement utile de les soumettre à une application concrète de ce qu’on leur enseigne ». Ainsi, fin septembre, les jeunes scolarisés au collège Paparemborde de Colombes ont été invités à plancher sur leur future cour à travers trois tables rondes dédiées au mobilier, aux plantations et aux nouveaux usages. Munis de gommettes, de feutres et de polaroïds miniatures, représentant les fleurs, bancs et marquages au sol transposables dans leur environnement, les paysagistes en herbe se sont amusés à concevoir une demi-douzaine de dioramas, sur la base de plans d’architecte.

Au collège Henri-Georges-Adam, à Antony, le goudron a laissé place à un béton infiltrant et à des espaces végétalisés.© CD92/Stephanie Gutierrez-Ortega

L’occasion pour les participants de débattre avec leurs camarades et de construire un argumentaire pour défendre leur point de vue. Privilégier certaines plantes pour attirer les abeilles, penser au ballon de football qui pourrait ravager les fourrés en cas de penalty raté… Les collégiens, forts de leur expérience et d’une sensibilisation à la préservation de la nature, tentent de concilier leurs diverses aspirations. Avec en tête une dure réalité : compte tenu des délais, nombre sont ceux qui auront quitté le collège avant l’achèvement des travaux.

Climat scolaire apaisé

Il s’agit donc de se projeter, en pensant aux prochaines générations. « Avec ma copine, on voudrait créer un chemin arboré au milieu de la cour, avec des fleurs douces qu’on pourrait sentir, comme la lavande, confie Inaia, élève de 5e pleine de bonnes intentions. Cela donnera des repères aux 6e qui arriveront quand tout sera terminé, sans cela, ils pourraient se perdre à l’extérieur. » Menthe, tulipes, table de ping-pong, cadran solaire et cible murale… En un peu moins de deux heures, les principaux éléments de décoration plébiscités ont trouvé une place sur le plan de la cour. Aux professionnels de faire du rêve des collégiens une réalité, dans un espace contraint. Un casse-tête pour les urbanistes et paysagistes, qui ne peuvent s’affranchir de la réglementation, des normes de sécurité, des possibilités techniques ou du budget alloué à chaque opération.

Création de potagers collectifs, murs de street art… L’animation des nouvelles installations repose, elle, sur la contribution du corps enseignant et des associations d’élèves, qui ont un rôle moteur à jouer dans le volet social des « Ilots verts ». « Refaire de la cour un espace convivial, plus accueillant, était déterminant, souligne Hodane Maremmo, principale du collège Henri-Georges-Adam à Antony, qui profite depuis l’été d’une cour rénovée. Sous le nouveau préau, des gradins ont été installés. J’ai vu des professeurs faire classe en extérieur et des élèves y répéter une pièce de théâtre. La cour devient un outil pédagogique ! Le fait qu’elle soit plus agréable à vivre au quotidien a un réel impact sur le climat scolaire. Mieux se passent les temps de cours ou de récréation, moins il y a de conflits, de dégradations… »

Les membres du Conseil de la vie collégienne (CVC), en lien avec les Ambassadeurs contre le harcèlement, travaillent de leur côté sur un projet mêlant jardinage et moments d’échanges, avec des élèves turbulents ou à l’inverse maltraités par certains de leurs camarades. « Cela prendra la forme d’ateliers potagers, où l’on devrait planter des fleurs et des légumes dans de grands bacs », raconte Alex, élèves de 3e. « Cela a été imaginé pour que les gens puissent penser à autre chose et se défoulent intelligemment. Jardiner peut les calmer, assure Mai, 13 ans. Et puis, dans une situation de harcèlement, il est toujours plus sain de s’occuper ainsi, que de rester seul dans son coin. » De quoi faire des îlots verts, un havre de paix. 

Nicolas Gomont

 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

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