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Les médaillés de la biodiversité

Comme Jeanne-d’Arc à Colombes, 28 collèges ont reçu l’an dernier une MEDDAILLE qui récompense les bonnes pratiques en matière de développement durable. CD92/Julia Brechler

Depuis l’an dernier, le nouveau dispositif des MEDDAILLES récompense les actions de long terme en faveur du développement durable dans les collèges.

 

Un étage de branchages, un autre de feuilles et enfin, des copeaux de bois. Un grillage à l’avant pour ne laisser circuler que les petits gabarits, un joli toit en mousse pour la décoration, et le tour est joué. L’hôtel à insectes de Mariella, Kalliyan, Sothy et Jorani est prêt à accueillir ses premiers clients à multiples pattes et ailes « pour que les animaux soient ensemble et sans émeutes », résume Mariella, en classe de 5e. Et dans un cadre privilégié puisque d’ici peu, ces petits habitats faits de matériaux récupérés seront installés dans la cour du collège Thomas-Masaryk de Châtenay-Malabry, non loin de la ruche. « Si les humains ont des hôtels, pourquoi pas les animaux ? », se questionnent les collégiens.

À Colombes, les 34 éco-délégués – environ un par classe – sont chargés de diffuser auprès des autres élèves les actions menées dans le domaine de l’environnement.© CD92/Julia Brechler

En regardant les œuvres de ses élèves, Alexandre David n’est pas peu fier. Ce professeur de physique-chimie a mené pendant toute l’année dernière son « école ouverte » avec Céline Virlouvet, la CPE de l’établissement. Un projet qui mobilise collégiens et professeurs pendant certaines semaines des vacances scolaires selon un emploi du temps bien défini : classe le matin, activités l’après-midi. La session des vacances de Toussaint était réservée à la thématique de la biodiversité. Entre deux cours et une sortie au zoo, les élèves se sont donc lancés dans la réalisation de ces hôtels conçus avec ce qu’ils ont collecté lors d’une balade en forêt de Verrières. « En cours normal, on leur aurait apporté un hôtel tout prêt. Là, ils voient qu’ils peuvent le fabriquer sans rien avoir à acheter », poursuit Alexandre David. Cette sorte d’école buissonnière a du succès : en un an, l’établissement a quasiment doublé la capacité d’accueil avec 85 jeunes inscrits et il faut faire vite pour en faire partie puisque les places sont parfois réservées dans la journée. « Le but est de les faire travailler autrement sans leur faire se rendre compte qu’ils travaillent, poursuit le professeur. Ils peuvent apprendre sans gratter du papier pendant deux heures et quand ils rentrent chez eux, ils racontent à leurs parents ce qu’ils ont fait pendant la journée, donc les parents s’instruisent à leur tour. » Pour la biodiversité, c’est mission accomplie puisque dans la cour, fourmis et abeilles ne font plus peur et sont même désormais traitées avec respect. « On a appris que certains insectes sont bons pour les plantes et d’autres plus nuisibles. On fait plus attention à eux, on ne va plus aller les toucher ou les écraser. Au contraire, on les laisse partir », lance Kalliyan. « Tout a un rôle comme les coccinelles qui peuvent protéger des pucerons sans que l’on ait besoin d’ajouter des produits non naturels, reprend Alexandre David. C’est ludique et en même temps, on voit des cours de SVT. »

Les élèves colombiens ont été récompensés pour leur sentier pédagogique et leur travail de protection et de préservation de la biodiversité, comme 27 % des 64 projets lauréats.© CD92/Julia Brechler

Compost et perruches

À Colombes aussi, ça bèche dur. Bien à l’ombre des arbres, à côté de la serre, les éco-délégués se remarquent tout de suite à leurs polos bleu marine. Ils sont cette année trente-quatre, de tous niveaux, élus par leurs camarades afin de diffuser les actions en matière de développement durable du collège Jeanne-d’Arc. Depuis six ans, l’établissement choisit un grand thème du développement durable et planche dessus pendant une année scolaire. Un travail de fond qui a déjà permis d’installer des panneaux photovoltaïques, de diminuer le gaspillage de nourriture de près de 20 %, de manger plus bio et local et de mettre en place des bacs de récupération de l’eau de pluie ainsi que des oyas, des pots en terre cuite enterrés près des plantes qui assurent l’irrigation avec une moindre consommation.

Cette fois-ci, c’est à un gros morceau que s’est attaqué l’établissement : la biodiversité. Dès leur élection, ces délégués « verts » se sont réunis pour élaborer un diagnostic qui a débouché sur un plan d’actions avec le projet de corridor écologique pour recréer un réservoir de biodiversité au sein même du collège. Pour attirer de nouveau les insectes et les oiseaux déserteurs, le groupe a misé sur leur pêché mignon et a planté pendant les vacances de Pâques des arbres fruitiers comme des pruniers ou des groseilliers. Tout ce travail a été rendu possible grâce aux actions conduites les années précédentes, notamment les bacs à compost alimentés par les restes du restaurant scolaire et qui servent aujourd’hui d’engrais naturel pour le sentier écologique de 400 m2. Près du grand garage à vélo de cinq cents places, Armance, Réjane, Alice et Camille contrôlent les copeaux déposés sur la terre pour retenir l’humidité et observent la pousse de leur actinidia, une plante à fleurs qui donne des kiwis. « On est très contentes, c’est largement mieux qu’avant ! », s’exclament-elles. Certaines mesures ne seront visibles que dans quelques mois voire quelques années, comme la végétalisation des passerelles et des pylônes du bâtiment grâce à des plantes grimpantes. Mais d’ores et déjà, le sentier écologique a permis d’entendre de nouveau les bruits parfois oubliés du piaillement des oiseaux. « On voit des perruches qui viennent et un nid de pies s’est même créé ! », observe Armance. La prise de conscience, elle, est immédiate pour les élèves. « La biodiversité, on peut encore la sauver, confie, pleine d’espoir, Juliette en classe de 6e. On peut faire en sorte que la nature se diversifie, en semant le plus de plantes chez soi. Même trois ça suffit ! » À côté d’elle, Philomène acquiesce en regardant autour d’elle. « Ce n’est pas possible que tout ça disparaisse ! Je suis très préoccupée par les questions environnementales. Être éco-déléguée, cela me permet d’en parler à mes camarades, de faire des affiches sur ce qu’on a fait cette année. » Les élèves prolongent l’apprentissage lors des autres cours en imprimant par exemple en 3D en cours de technologie, les affiches qui décrivent les espèces, ou en travaillant en anglais ou en allemand sur le vocabulaire de la nature. La notion de transmission est également très importante puisque chaque année, les éco-délégués vont à la rencontre des futurs collégiens pour leur exposer leurs actions et le sentier écologique, lui, est ouvert à toutes les classes de Colombes.

Ces hôtels ont été conçus lors de « l’école ouverte » sur la biodiversité qu’ont suivi les collégiens pendant leurs vacances scolaires. La semaine était divisée entre cours et sorties thématiques.© CD92/Julia Brechler
Les élèves de Thomas-Masaryk à Châtenay-Malabry ont construit des hôtels à insectes grâce à des branchages et feuilles récupérés en forêt. Un projet qui leur apporte une médaille d’argent triple cerclage.© CD92/Julia Brechler

Favoriser la progression

Ces deux projets ont reçu chacun une médaille d’argent avec triple cerclage lors de la première édition des MEDDAILLES. Le métal récompense le niveau d’implication des collégiens et le nombre de cercles l’ampleur des élèves impactés (allant d’un groupe à un collège entier). Cette année, 28 établissements ont présenté une candidature pour une ou plusieurs actions et 64 médailles ont été attribuées. « Nous avons touché au total près de six mille élèves. Dans ce contexte sanitaire, c’est une vraie réussite, nous sommes ravis », constate Christian Lauro, le président du jury 2021. Ceux qui ont remporté une médaille d’argent ou d’or étaient invités à déposer leur candidature pour le prix du jury de cinq mille euros, remis en juin dernier. Une quinzaine d’entre eux ont présenté leur projet dans une vidéo de cinq minutes. « Nous avons jugé le ton, la mise en scène, le nombre d’élèves impliqués et le rayonnement de l’action », reprend Christian Lauro. Au terme des débats du jury, c’est le collège Louis-Blériot de Levallois-Perret qui l’emporte avec son concours de maquettes et d’affiches sur le développement durable.

Les établissements qui ont eu une médaille peuvent être candidats plusieurs années de suite avec un même projet et être récompensés pour leur progression en grappillant un métal ou un nombre de cercles supérieur. Une nouvelle distribution aura lieu cette année, avec d’abord un dossier de candidature à remplir puis lors d’une journée de pitch avant la remise du prix du jury.

Mélanie Le Beller
Les résultats 2021 et les vidéos de présentation sur www.hauts-de-seine.fr/environnement/meddailles

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