Nouvel itinéraire piéton de trois cent cinquante mètres, la Promenade des Jardins mène du centre-ville aux environs du Pont de Sèvres, en ménageant des échappées visuelles sur le patrimoine environnant.
Dans cette Grande Rue de Sèvres, l’étroit cheminement le long de murs aveugles incitait jusqu’ici le piéton à changer de trottoir. « Nous avons souhaité créer une promenade publique, entre le Domaine national de Saint-Cloud et la Cité de la Céramique en passant par le Jardin des métiers d’Art et du Design, dernier-né des équipements culturels départementaux », souligne le président du Département, Georges Siffredi. En bordure d’une route départementale et de deux Domaines nationaux, le projet a su s’accommoder et même jouer d’un profil tout en longueur par de multiples échappées visuelles. « Pour sortir d’une configuration en couloir, nous avons développé des filtres, des porosités qui élargissent le champ de vision », explique Vincent Rieusset, paysagiste-concepteur à l’agence Toporama. Il a fallu pour cela un habile remaniement des murs, remplacés pour les plus dégradés, abaissés ou restaurés en hauteur avec du calcaire de Saint-Maximin, sous la supervision des Monuments historiques.
Murs et parvis
Le pavillon du mail, situé sur le Domaine national de Saint-Cloud, est le point de départ de cet itinéraire en trois temps possédant chacun son identité propre. « La promenade n’est pas monotone, précise le paysagiste. Elle s’adresse tantôt à la rue, tantôt aux Domaines, tantôt aux deux côtés. » Dans la première séquence, des grilles donnent sur la Grande Rue et sur les serres où étaient déjà cultivées des fleurs du temps de Marie-Antoinette. Depuis ce fond de vallon, les perspectives ont été rétablies sur le coteau boisé du parc de Saint-Cloud. Passé le porche du Jardin des métiers d’Art et du Design (JAD), vient un parvis ouvert sur la ville et sur plusieurs bâtiments classés, en particulier l’ancienne École nationale de la céramique dessinée dans les années 1930 par Michel Roux-Spitz, dont une partie accueille depuis septembre 2022 les artisans d’art et designers du JAD. Enfin vient la dernière partie jusqu’aux environs du Pont de Sèvres. Là, les murs en pierre blonde réapparaissent, surmontés de grilles laissant entrevoir l’ancien jardin du directeur de la Manufacture et ses arbres centenaires.
Le projet a su jouer d’un profil tout en longueur par de multiples échappées visuelles.
Collection végétale
Le parti pris patrimonial se manifeste jusque dans les revêtements de sol, pour lesquels ont été retenus des pavés en grès de Fontainebleau issus du réemploi. Ces derniers sont jointoyés de gazon du côté des Domaines, ce qui favorise l’infiltration des eaux à la parcelle et met une touche de vert supplémentaire.
Les plantations ont, quant à elles, été pensées dans un esprit de « collection horticole ». « C’est un écho à la production ornementale de la parcelle du fleuriste et au jardin du directeur qui possédait des végétaux exotiques pour l’époque », explique Vincent Rieusset. Le choix s’est porté sur des magnolias, dont les fleurs délicates ouvrent le bal du printemps et, à leur pied, sur des hydrangeas (ou hortensias) dont les pompons se colorent de bleu, de blanc et de rose de juin à septembre. « Leur système racinaire était compatible avec la promenade et ils réclament peu d’entretien. La fleur peut rester en place, se délaver puis sécher avant d’être coupée à la fin de l’hiver. » Ces végétaux déclinés en une trentaine de variétés différentes sont, en outre, peu ou pas allergènes.
Nuances XXL
En toute saison, la promenade arbore ses œuvres d’art, à commencer par trois représentations de femmes réalisées par Achiam, sculpteur franco-israélien ayant vécu à Sèvres, échelonnées dans la partie haute : La Tendresse et La Femme assise, en bronze, La Mère à l’Enfant, en serpentine du Queyras. La famille de l’artiste en avait fait don à la ville. À mi-chemin, transparaît au fond d’un miroir d’eau cerné de bosquets et de bancs généreux, La Menteuse, mosaïque constituée de 192 plaques de grés colorées, produit du savoir-faire de la Manufacture voisine. Son nom fait référence aux procédés de cuisson par grand feu qui agissent sur la chimie des couleurs. Dans cette reproduction XXL du nuancier utilisé en atelier, le bleu de Sèvres côtoie le rose Pompadour, le vert Vincennes ou l’orange Sottsass, couleurs immergées sous une fine lame d’eau où la lumière, le vent et la pluie tracent leurs propres motifs. En l’espace de 350 mètres, la déambulation ouvre ainsi de multiples fenêtres sur l’art et l’artisanat, l’architecture et le grand paysage.
Pauline Vinatier