CD92/Julia Brechler
Posté dans Numérique

À LA SEINE MUSICALE, DES ATELIERS AU SON DE L’INNOVATION

Projet hybride associant un laboratoire à des activités d’exploration sonore, le SeineLab propose des expériences jeune public, pour conjuguer le son et le numérique.

Dans le Grand Salon, une dizaine d’enfants attendent,  sagement assis, les consignes, sans dire un mot. Âgés de 6 à 8 ans, ils ont pourtant franchi les portes de La Seine Musicale pour donner de la voix ! En cet après-midi, il s’agit pour eux de doubler une drôle de bestiole, le « Bestio-robot », qui prête son nom à un des ateliers du SeineLab, projet multiforme lancé par le Département en octobre dernier. Ces animations, proposées les mercredis et samedis à destination des 7-15 ans, s’emparent de la salle de concert avant l’arrivée des spectateurs, en soirée. « L’idée de cet atelier, résume Sacha Sakharov, médiateur scientifique spécialiste du son, c’est de concevoir la voix de ce personnage imaginaire et en filigrane, de démystifier le concept des robots en faisant deviner aux enfants ce qu’ils renferment sous leur capot ». Pour débuter, les deux animateurs débroussaillent pas à pas les notions clés, en engageant un échange autour de la robotique et de l’intelligence artificielle. Une panoplie de documents sert de base de travail. Des images d’illustration, figurant un panel d’automates ou l’étonnante archive sonore de la première voix de synthèse jamais créée (1939) offrent matière à réflexion. « Qu’est-ce qu’un robot ? » : « C’est comme un humain, mais tout électrique ! ». « Est-ce les robots avec leurs antennes et leurs gros boulons existent vraiment ? » : « Non, ça, c’est dans les dessins animés ! ». Peu à peu, avec leur simplicité apparente, les enfants parviennent à faire la part entre fiction et réalité, à distinguer sous leur enveloppe la substance des machines intelligentes : leur capacité à interagir avec les utilisateurs.

« L’idée est d’attiser la curiosité des enfants autour des robots et des voix artificielles », explique Sacha Sakharov, co-animateur.© CD92/Julia Brechler
Ouvert aux 7-15 ans, l’atelier « Bestio-robot » vise à créer une œuvre collective, à partir d’outils sonores et numériques.© CD92/Julia Brechler

Trucages sonores

Une faculté liée à la parole et donc, au son. L’objectif final des deux heures d’atelier est l’enregistrement d’une interview radio. « Je vais enfiler le costume de la journaliste et interroger ce fameux “Bestio-robot”, explique aux enfants Zoé Aegerter, l’animatrice et co-conceptrice de l’atelier. Et vous, vous l’incarnerez chacun votre tour, en répondant à mes questions. » Au cœur de l’entretien : ses amusants traits de caractère, son insolite apparence physique et ses hobbys hors du commun, préalablement esquissés par la troupe de petits démiurges, aidés d’un bestiaire et de questions à trous. « Cette activité a été imaginée par une chercheuse et une designer sonore, Zoé, en lien avec le Cube d’Issy-les-Moulineaux, explique Sacha Sakharov. L’idée de départ gravitait autour des questions du langage et des interfaces homme-machine. Ce n’est pas que de la musique, c’est un exercice plein de poésie, qui approfondit la notion de voix artificielle. » Une fois achevée, l’écriture du script fait place au trucage sonore, indispensable subterfuge conférant au robot d’une autre galaxie un timbre de voix plus véridique. Les enfants se bousculent au micro, pour explorer la palette d’effets acoustiques offerts par deux tables de mixage. Échos, superpositions de voix et autres distorsions sonores donnent l’opportunité d’échauffer ses cordes vocales, en singeant le rire d’une sorcière ou le croassement d’un corbeau, déformés par le jeu de l’électronique.

Les participants écrivent leurs répliques sur des bandelettes avant l’enregistrement final.© CD92/Julia Brechler
Truquage de voix : les enfants soumettent leurs mots du quotidien aux filtres électroniques.© CD92/Julia Brechler

Initiation à l’informatique

Postés derrière un ordinateur, les enfants appréhendent quelques facettes de l’intelligence artificielle, composent les jingles de l’interview. Mais avant de se lancer, il leur faut envisager un prérequis : la maîtrise du clavier et de la souris. « C’est une première pour beaucoup d’entre eux, note Sacha Sakharov, qui dépanne les petits geeks au besoin. L’atelier est une belle porte d’entrée vers l’informatique, avec nos outils créatifs destinés à un usage à la fois pédagogique et ludique. » Visite de l’auditorium, initiation à l’art numérique, fabrication d’instruments alternatifs… À l’image du « Bestio-robot », quatre ateliers sont proposés sur des thématiques variées. « Afin d’animer au mieux l’écrin de La Seine Musicale, le Département a tenu à élaborer une large programmation d’activités en journée, en lien avec le Cube et l’Ircam, le centre de recherche acoustique du Centre Georges-Pompidou, explique Lélia Maurellet, chargée de développement des publics au Département. Ces ateliers vont désormais gagner en densité et s’imposer comme un rendez-vous évident, à l’image des concerts des Impromptus du mardi. » Voué à fidéliser le public de proximité, leur contenu sera ponctuellement renouvelé, comme en ce début d’année, mais en conservant l’idée de départ : une alchimie innovante entre son et numérique. « Ces ateliers sont pensés pour amener les enfants à pratiquer la musique ou à venir l’écouter, pourquoi pas à La Seine Musicale, poursuit Lélia Maurellet. Réservés aux plus jeunes, certains ateliers acceptent les accompagnateurs. » Les adultes sont surtout invités à prendre part à l’expérience immersive Musique-Fiction, une écoute au casque de textes enregistrés en son binaural. Pour des podcasts, à 360°. 

Nicolas Gomont
www.laseinemusicale.com/seinelab

 

Une expérience de concert augmenté

À la mi-janvier, les visiteurs de La Seine Musicale sont invités à pousser les portes d’un nouvel espace de 120 mètres carrés longeant la Grande Rue, le laboratoire du SeineLab. Un lieu d’expérimentation, de découverte et d’apprentissage, à explorer avant ou après le spectacle, du mercredi au samedi. « C’est un endroit où il sera possible d’entrer en contact avec des œuvres et des artistes, autour de projets imaginés en résonance avec la programmation en salle, explique Anne d’Aboville, directrice déléguée à La Seine Musicale. C’est un projet qui reflète toute la richesse de notre établissement et de ses formations en résidence. » Au centre de l’actuelle exposition inaugurale, la maquette sonore de l’auditorium Patrick-Devedjian, agrémentée de panneaux de médiation et de capsules vidéo, témoignant du travail accompli pour ajuster l’exceptionnelle acoustique de la salle de concert. Courant février, une artiste de l’ensemble de musique contemporaine TM+ construira in situ un des premiers instruments de l’humanité, un lithophone, en interaction avec le public. « Plus tard, précise Anne d’Aboville, le SeineLab proposera un questionnement autour de la musique du futur, dont nous esquisserons une piste possible en juin prochain, avec la diffusion à 360° de concerts de l’ensemble Insula orchestra ». Un voyage au cœur de l’orchestre, avec son spatialisé et casque de réalité virtuelle, pour faire de la musique une composante du visible.

Les commentaires sont fermés.