Le jeune chorégraphe présente à Suresnes Cités Danse la première création de sa compagnie Hoda : Envol, pour six interprètes, les 20 et 21 janvier.

Quand on est invité à 23 ans par le festival Suresnes Cités Danse à partager deux soirées avec Jann Gallois sous le titre Nos Futurs, on doit pouvoir se dire que quelque chose commence, et commence bien. Surtout lorsque la pièce s’intitule Envol, qu’elle est coproduite par le Théâtre Jean-Vilar, le CCN de Créteil dirigé par Mehdi Kerkouche, les Scènes du Golfe à Vannes, et soutenue par quelques-uns de ceux qui ont grandi dans cette cour où les danses urbaines ont conquis le droit de cité : Mourad Merzouki, Abou Lagraa et Nawal Aït Benalla… 

Un chorégraphe singulier

« Pour moi, Suresnes Cités Danse, explique Carolyn Occelli qui en a repris la direction en succédant au fondateur Olivier Meyer, ce sont à la fois des fidélités à des compagnies très matures, et l’émergence de très jeunes chorégraphes et interprètes. En plateau partagé avec les jeunes danseurs de Jann Gallois, c’est un peu l’idée de proposer au public “la danse du futur au présent”. C’est cela qui m’intéresse chez Anatole : je le trouve chorégraphiquement inclassable, j’ai vu quelqu’un qui a cet amour de la création, de la musique et de la matière chorégraphique. » Pour preuve de cette perspective ouverte sur tous les styles, Anatole Hossenlopp ne vient pas du hip-hop mais a été formé à la danse classique en concourant, si l’on ose dire, au Grand Chelem : l’École de danse de l’Opéra de Paris à Nanterre, le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, puis celui de Lyon où il achève une formation bousculée par une croissance brutale et des blessures. On imagine alors qu’on est en présence d’un enfant de la balle et du corps de ballet. Pas vraiment. Si ses parents appartiennent au milieu du théâtre, il n’a pas non plus été installé bébé à la barre : « Mes parents m’ont montré beaucoup de films quand j’étais petit et, non, ce n’est pas Billy Elliot qui a tout déclenché, mais les comédies musicales de Fred Astaire et Gene Kelly, Singing in the Rain, Match d’amour avec Frank Sinatra, et même les navets ! » 

Le fil conducteur de mon travail est l’émotion, comment la faire naître en racontant des histoires, en inventant des mondes par le mouvement.

Classique pas classique 

Ne pas se rêver comme danseur étoile n’a pas été une fin de parcours, au contraire : « La danse classique reste l’une des danses les plus complexes à maîtriser, avec tous les codes, toute la technique, et je suis très content d’avoir eu cette formation exceptionnelle. Mais avec le recul, ce n’était pas ce que j’avais envie de faire. J’ai toujours travaillé d’arrache-pied sur la chorégraphie, sur réfléchir à l’écriture. Et même si j’ai gardé un amour inconditionnel pour l’univers de la comédie musicale et des claquettes, mes plus beaux souvenirs à l’Opéra, ce sont des pièces de Mats Ek ou Willliam Forsythe. C’est ce courant-là qui m’a porté. » Lauréate du Sobanova Dance Awards dans une version de travail, Envol ne serait sans doute pas la même pièce s’il n’y avait eu la rencontre avec Benjamin Millepied. Contacté par Instagram, privilège de la jeunesse audacieuse – le même jour que William Forsythe qui, lui aussi, apporte quelques conseils ! – le chorégraphe français invite Anatole Hossenlopp à travailler au sein du LA Dance Project à Los Angeles, avant de lui confier un solo pour l’inauguration du Paris Dance Project au Hangar Y de Meudon et à la Philharmonie : Visions of Collision, en collaboration avec la plasticienne Marie de Villepin sur une musique de Caroline Shaw. 

Le mythe d’Icare aujourd’hui 

C’est maintenant sur le plateau de Suresnes Cités Danse qu’Anatole Hossenlopp poursuit son Envol entre la gourmandise – héritée peut-être de ses origines alsaciennes – et l’inquiétude de sa génération : « La pièce est inspirée par le mythe d’Icare, le symbole de l’homme qui se pense au-dessus des lois de la nature. Elle parle de la peur du monde qui nous attend, tout en maintenant l’idée qu’il reste de l’espoir. Il y a un axe écologique dans cette pièce mais pas seulement. Envol, c’est partir de cette peur, essayer de monter le plus haut possible, essayer de témoigner de ce que je vois, essayer d’anticiper la chute et pourquoi pas essayer de l’éviter… » Sur The End des Doors et Echoes de Pink Floyd, entre autres, Anatole Hossenlopp raconte une histoire d’aujourd’hui en faisant vivre ses danseurs comme un peintre ses couleurs : « Le meilleur moyen pour moi de raconter, c’est le mouvement. Je préfère ne pas trop appuyer la narration, je donne des pistes et il y aura autant d’histoires différentes qu’il y aura de personnes qui regardent la pièce. Je trouve qu’il y a un pouvoir dans le mouvement qui dépasse peut-être celui des mots. Quelque chose qui relèverait de l’imaginaire, qui serait indescriptible et laisserait probablement un peu plus d’espace au spectateur. »

Didier Lamare

32e Suresnes Cités Danse, du 11 janvier au 8 février. 
Envol, création les 20 et 21 janvier au Théâtre Jean-Vilar. 
www.theatre-suresnes.fr/suresnes-cites-danse

Les commentaires sont fermés.