CD92/Olivier Ravoire

 

Guitariste et compositeur du groupe Bøl, lauréat du Concours national de jazz de La Défense l’année dernière. Il sera en concert avec le sextet toulousain le 25 juin au La Défense Jazz Festival.

Ceux qui y étaient se souviennent de leur passage à La Défense. Trois musiciens debout en front de scène : Cédric Laval à la guitare, Hugo Collin au saxophone baryton, Ludovic Schmidt à la trompette basse. Ça commence par un long drone – le « bourdon » des musiques actuelles. Quand les trois autres musiciens s’insèrent dans la matière – Lunel Gabon à la basse cinq cordes, Romain Choisy à la batterie, Sylvain Rey au clavier électrique – c’est parti pour un set où s’agrègent polyrythmie et pulsation, répétition et transe, improvisation et couleurs.

Musicien sur le tard

Bøl est un nom qui rime avec symbole bien qu’il n’en soit pas un… Juste un mot « qui sonne bien » et dont le ø est un clin d’œil afin de se distinguer du groupe de metal suédois Bol ! C’est aussi un groupe un peu différent de ceux qu’on a coutume de croiser dans le monde du jazz, souvent peuplé de musiciens nourris au giron familial et grandis virtuoses au conservatoire. « Quand j’ai touché mon premier instrument, raconte Cédric Laval, 32 ans, j’avais 18 ans passés… Des amis au lycée jouaient dans des groupes de folk ou de punk rock californien. J’ai commencé comme ça, sur une guitare qu’il y avait chez moi, celle d’un oncle qui était décédé quand j’étais enfant. Alors non, je ne viens pas du tout d’un milieu de musiciens et je n’ai pas beaucoup écouté de musique avant d’en faire. C’est vraiment une histoire de rencontres, tomber sur les bonnes personnes, prendre le temps de travailler les choses. » 

Vous avez dit hybride ?

La voie de Cédric Laval passe par l’université Toulouse Jean-Jaurès où il décroche en 2019 un master recherche en musicologie sur les questions d’hybridation et d’éclectisme dans les musiques actuelles, et de sociologie des pratiques culturelles. Celle du saxophoniste Hugo Collin, diplômé du conservatoire de Castres, n’est pas moins singulière, avec un master en anthropologie sociale et historique autour de la polyrythmie du candombe afro-uruguayen… « Quand j’ai découvert la guitare, je me suis intéressé assez rapidement au metal. » Cédric Laval cite les Suédois de Meshuggah ou les Américains d’Animals as Leaders. « Je ne me suis pas beaucoup arrêté sur le jazz traditionnel, à part un peu Coltrane. Je suis directement passé à l’étape jazz moderne hybride. » Le terme, récurrent chez lui, recouvre tout un univers de formes et de concepts. « On en a repris certains, d’autres non. Par exemple les mesures asymétriques, les polyrythmies, qu’on utilise beaucoup. J’ai aussi appris à analyser la musique dodécaphonique sérielle, ou l’harmonie jazz, même si ce ne sont pas des choses qu’on pratique. Bøl a également une approche free, une approche de musique expérimentale. Comment prendre des concepts musicaux complexes, comment arriver à se les approprier et à les rendre accessibles au public ? C’est cela, notre esthétique musicale. »

Nous avons la volonté de jouer une musique exigeante devant le plus grand nombre de gens possible.

La force d’un groupe

Bøl est bien un groupe dans tous les sens de l’appellation, ce qui compte pour l’attribution du prix par le jury du Concours national de jazz. « Il n’y a pas tellement de solos dans notre musique, d’abord parce que nous ne sommes pas des solistes de génie et que nous nous sommes concentrés sur le son du groupe. On essaie toujours de donner aux interventions de chacun une identité bien particulière, avec par exemple des effets, des techniques de jeu étendu, de souffle continu, qui viennent créer un solo de texture sonore plutôt qu’une prise de parole individuelle. On a aussi beaucoup réfléchi à la place de l’improvisation. On se connecte le mieux possible au public pour trouver le moment d’apogée en termes d’énergie, d’envie et de frustration. » 

Avant leur concert du 25 mai à La Défense, Bøl joue le 9 mai à La Seine Musicale devant un public professionnel : une sortie de résidence qui relève du dispositif d’accompagnement par le Département du lauréat du concours de jazz. Le 24 mai, ils montent sur la scène du Café de la Danse à Paris avec les autres lauréats du Fair, dispositif de soutien et de professionnalisation en musiques actuelles. Une double reconnaissance qui dit bien le caractère « hybride » de leur musique. « On peut la prendre comme une musique “sauvage”, très rentre-dedans, parce que c’est un aspect qu’on a à cœur de développer. Mais on joue aussi dans des contextes beaucoup plus jazz, en mode club où les gens sont assis et peuvent écouter les subtilités, les imbrications rythmiques, le travail de texture sonore… Notre musique parle aux oreilles et au corps. »

Didier Lamare
La Défense Jazz Festival, du 24 au 30 juin sur le Parvis. 
ladefensejazzfestival.hauts-de-seine.fr 

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