Au collège Émile-Zola de Suresnes, cette classe de 5e apprend les rudiments du hip hop avec Jean-Claude Marignale. Photo : CD92/Julia Brechler
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Cités Danse premières connexions

Depuis 2012, le festival Suresnes Cités Danse a développé avec Cités Danse Connexions et le soutien du Département, un programme d’actions culturelles auprès de collégiens des Hauts-de-Seine.

Est-ce que vous avez bien révisé ? » La voix de Jean-Claude Marignale tonne dans la salle de danse. En face de lui, les vingt-cinq apprentis danseurs d’une classe de 5e du collège Émile-Zola de Suresnes sont visiblement déjà très motivés. Dès l’échauffement, tous se mettent dans le rythme. Genoux, épaules, coudes, bassin, aucune partie du corps n’est oubliée.

Cinq, six, sept, huit. « Je pousse, je prends, je glisse, je descends », guide le chorégraphe en refaisant les mouvements. Sur la première ligne, au milieu, Nassim suit attentivement les consignes. Il y a une semaine, il n’avait encore jamais mis les pieds sur une piste de danse. Aujourd’hui, il est pile poil dans le tempo. « Au début, j’avais l’impression que ça allait être difficile quand je voyais les figures mais en fait, ça va, je pense que c’est abordable. » Aurélie Vallet, sa professeur de sport, sourit en filmant les progrès de ses élèves sur son téléphone. « C’est une classe très réceptive, indique-t-elle

Je suis ravie pour eux car on arrive à leur apprendre des choses nouvelles qui sortent de l’ordinaire et qui donnent une image “cool” de l’école. »

Pour la cinquième année, le collège participe à Cités Danse Connexions. Ce dispositif issu du festival Suresnes Cités Danse bénéficie du soutien du Département. Le premier volet, plus professionnel, existe depuis 2007 et s’adresse à des danseurs et chorégraphes hip hop désireux de perfectionner leur art, monter des spectacles et se professionnaliser. « Ce soutien se matérialise par l’organisation de masterclasses, de la coproduction et de la mise à disposition de studios », explique Olivier Meyer, directeur artistique du théâtre Jean-Vilar. Cités Danse Connexions a par exemple permis de révéler Amala Dianor, enfant de Suresnes aujourd’hui associé au Théâtre de la Ville, à Paris, ou encore la danseuse et chorégraphe Jann Gallois qui travaille avec le Théâtre national de Chaillot. « Cela démontre la pertinence de cet accompagnement », constate Olivier Meyer.

Grâce à Cités Danse Connexions, ces élèves bénéficient d’une vingtaine d’heures de pratique artistique pour mettre au point une chorégraphie.©CD92/Julia Brechler.

Parcours artistique

En 2012, le dispositif s’est ouvert à un nouveau public, celui des collégiens et lycéens des Hauts-de-Seine. Comme les 5e d’Émile-Zola, plus de deux cents jeunes participent chaque année à Cités Danse Connexions. « Ils peuvent exprimer des talents qu’ils n’expriment pas lors du temps scolaire et ainsi ouvrir leur champ de réflexion », poursuit Olivier Meyer. Outre le hip hop, les classes s’initient à d’autres arts comme la danse contemporaine ou le théâtre avec à chaque fois des professionnels sélectionnés pour leur capacité à transmettre leur art.

Ces ateliers de danse (une vingtaine d’heures de pratique au total) ne sont qu’une porte d’entrée sur le monde de la culture car en parallèle, pendant toute l’année, les élèves suivent un parcours artistique plus « touche-à-tout » : en janvier, ils assistent à l’un des spectacles de Suresnes Cités Danse puis à deux autres représentations, l’une de théâtre et l’autre de danse contemporaine comme c’était le cas pour la classe d’Émile-Zola. « À chaque représentation, on essaie de faire en sorte qu’ils puissent rencontrer un artiste en amont. Cela créé un lien avec lui, leur fournit des clés de compréhension et leur donne le sentiment d’être privilégié », explique Mélanie Breton, chargée de mission Cités Danse Connexions. Tous ces spectacles ne sont pas déconnectés des programmes scolaires. « L’an dernier, les élèves étaient allés voir un spectacle de Bach et avaient donc travaillé sur le compositeur en classe de musique et même en allemand, constate Aurélie Vallet. On essaie d’impliquer le plus de professeurs possible car quand le projet est porté par toute une équipe pédagogique, l’intérêt des élèves est plus grand. »

©CD92/Julia Brechler.
En plus de la danse, les collégiens vont pendant l’année assister à différents spectacles et rencontrer des artistes ; l’ensemble de ce parcours s’inscrit en lien avec leur programme scolaire.©CD92/Julia Brechler.

Juste derrière Nassim, Clélia semble avoir accroché avec la chorégraphie. « Je trouve qu’on a une chance incroyable d’avoir un professionnel qui vient nous donner des cours et d’aller voir des spectacles avec toute la classe. Il faut qu’on en profite… » Le « professionnel », c’est Jean-Claude Marignale qui participe pour la deuxième fois à Cités Danses Connexions. Casquette vissée sur la tête, baskets, grandes lunettes sur le nez, il a le contact facile avec les jeunes. « J’aime leur apporter mon savoir et leur expliquer aussi que derrière une chorégraphie, il y a beaucoup de travail. » Pour le moment le groupe n’a que deux séances derrière lui. « Mais ils ont déjà fait du super boulot ! Presque la totalité d’entre eux sait déjà compter sur la musique. Pour l’instant, on travaille sur des choses assez carrées mais dès la quatrième ou cinquième séance, les mouvements seront plus dilués, les cours différents. » Il faudra aussi apprendre à dépasser le regard des autres ; mais la danse sait faire des miracles chez certains. « Il y a toujours des élèves qui ne se sentent pas forcément à leur place qui vont réussir à s’ouvrir grâce à la danse. À chaque fois, c’est bluffant », se réjouit Mélanie Breton. Le dispositif est d’ailleurs également déployé dans une classe Segpa où les élèves en difficulté scolaire travaillent « sur de petites choses comme la confiance en soi, se tenir droit, se sentir à l’aise… ».

Après deux heures de répétition, la musique s’arrête dans la salle polyvalente du collège. La chorégraphie avance tout doucement, avec de nouveaux mouvements à apprendre. Devant le niveau affiché par la classe, Jean-Claude Marignale envisage « une chorégraphie entre 7 et 10 minutes » pour résultat final. L’objectif n’est pas forcément une représentation. Mais le sentiment d’avoir ouvert les collégiens à de nouveaux centres d’intérêt. 

Mélanie Le Beller

 

Suresnes Cités Danse délocalisé

La 28e édition du festival se déroule du 11 janvier au 2 février. Une édition hors les murs en raison des travaux de rénovation de Jean-Vilar et qui se déroulera donc cette année au théâtre André-Malraux de Rueil-Malmaison. Cinq créations sont prévues cette année avec des représentations uniquement en week-end. Salim Mzé Hamadi Moissi ouvrira le bal avec Massiwa, un spectacle inspiré par ses Comores natales. La même soirée, le breaker Bouziane Bouteldja présentera sa nouvelle création Telles quelles / Tels quels. Habitué des lieux, Mourad Merzouki a imaginé cette année Vertikal où dix interprètes partiront à l’assaut de hautes parois. La semaine suivante, place à un Butterfly hip-hop de Mickaël Le Mer. Enfin, en clôture, Nawal Lagraa Aït Benalla et Abou Lagraa dévoileront leur Premier(s) pas sur la scène. 
Programme et billetterie sur www.suresnes-cites-danse.com

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