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L’étoffe des lettres

À partir du 22 janvier et jusqu’à l’été, la Maison de Chateaubriand explore les intérieurs des maisons d’écrivain.

Chateaubriand reçoit Balzac, Hugo, Maupassant, Sand, Zola en déroulant le fil des étoffes décoratives : celles que les écrivains ont choisies pour orner les intérieurs de leurs cabinets de travail autant que celles qui nourrissent l’imaginaire par la sensation, la poésie par le vocabulaire. Étoffes et littérature, Les textiles dans la littérature au XIXe siècle associe le musée de la Toile de Jouy (Yvelines) et la maison parisienne de textile d’ameublement Pierre-Frey, propriétaire désormais de l’enseigne Braquenié dont les collections ont contribué à la restauration récente des chambres Récamier et Chateaubriand de la Vallée-aux-Loups.

La première partie de l’exposition, Les étoffes chez les écrivains, constitue l’évocation proprement dite des pièces où les grandes plumes ont œuvré, itinéraire illustré de peintures, photographies et citations, chaque fois accompagnées par l’édition originale d’un ouvrage écrit entre ces murs. À cette intimité, la seconde partie, Les étoffes dans la littérature, répond par l’ouverture et la poésie : les textiles sont l’étoffe d’une époque, ses atmosphères, ses métiers, ses personnages, jusqu’à parfois influencer la langue de l’écrivain. La scénographie y associe une galerie des tissus à des extraits littéraires leur correspondant. Le maître des lieux étant réputé avoir eu des goûts simples, ce sont plutôt ses textes qui ont inspiré les créateurs de toiles imprimées et d’objets de décoration présentés dans la section Les romans de Chateaubriand dans les étoffes. Quant au vocabulaire, il est pure poésie : percale, moire et brocatelle, damas et brocart… 

Photo : Peinture de Gilbert René Joseph (1858-1914) © Christian Jean / Hervé Lewandowski

Expressionnisme espagnol

Avec La Nostalgia, à Saint-Cloud jusqu’au 13 février, le musée des Avelines fait revivre la peinture méconnue d’Eduardo Pisano (1912-1986).

Né sur la terre espagnole de Cantabrique, fils de fermiers horticulteurs, apprenti peintre réchappé de la guerre civile, des camps d’internement du Sud de la France, des chantiers du Mur de l’Atlantique, Eduardo Pisano se mêle après guerre aux peintres espagnols installés dans le quartier du Montparnasse. Par quelle conjonction de hasards fait-il l’objet d’une telle rétrospective – une petite centaine d’œuvres – au musée des Avelines ? Par le coup de foudre de l’industriel clodoaldien André Licoys pour sa peinture, qu’il collectionne en mécène et dont le fonds conservé dans la famille constitue l’essentiel de cette exposition.

Les spécialistes qualifient Eduardo Pisano « d’expressionniste », sans doute parce qu’il privilégie dans sa peinture la matière émotionnelle. Elle réinvente la figuration d’une réalité plus ou moins déformée par la nostalgie, commune à tous les exilés qui travaillent la pâte de la mémoire pour ne pas perdre cela en plus du reste. Cet expressionnisme-là n’a pas la virulence des Nordiques au début du siècle. Non plus la morbidité de ses racines : Pisano est entré en peinture fasciné par Le Greco et Vélasquez, et non attiré par les gouffres de Goya. C’est Armand Lanoux qui le décrit le mieux : « On croirait que les douceurs françaises ont expurgé en lui le goût de la mort. » Demeure une belle puissance qui fait aussitôt penser à Georges Rouault – et une magie particulière des petits formats où tout se concentre en trois coups de pinceau, le mouvement et la lumière, l’esprit et la chair.

Photo : © Picasa

Dedans dehors

On pouvait la voir depuis un petit moment déjà au fronton d’un immeuble de la résidence Odyssée dans la Zac Victor-Hugo de Bagneux, mais la gigantesque fresque Extra-Natural n’avait pu être inaugurée comme elle le mérite avant cet hiver. 420 m2 d’une nature numérique aux couleurs exubérantes sur fond vert fluo, imaginée par Miguel Chevalier et réalisée sur place par le fresquiste Olivier Costa. L’œuvre, qui semble mener une double vie le jour et la nuit grâce à ses éclairages, avait déjà reçu le Pinceau d’or 2020 des fresques murales, elle est aujourd’hui la figure du dehors de l’exposition Paradis artificiels au dedans de la Maison des Arts de Bagneux jusqu’au 28 janvier. Miguel Chevalier y fait pousser des fleurs fractales dans une « trans-nature » spectaculaire, il hybride le réel et l’artifice dans des œuvres numériques passées du virtuel de l’écran à la matérialité en deux, trois ou quatre dimensions – toutes garanties sans traitement phytosanitaire.

Photo : © Miguel Chevalier

Palais désenchanté

Des intérieurs, des extérieurs, quelques marches, un banc, une fontaine, ici et là, une figure humaine dans la pénombre, chaque fois dessinés au stylo bille et à la règle avec une minutie des lignes évoquant la gravure et une économie des couleurs qui frôle la politique de rigueur : voici Le Palais, exposé à la Maison des Arts de Châtillon du 12 janvier au 27 février, une série de dessins de Frédéric Poincelet, artiste d’aujourd’hui qui fut auteur de bandes dessinées underground et demeure graphiste au musée du Louvre. Il s’amuse lui-même de sa ligne « presque devenue psychorigide à essayer de canaliser les choses, de réfléchir davantage à la composition ». La photographie constitue la matière première de son image, mais c’est le dessin qui l’intéresse, et l’on ne songe jamais à la virtuosité de l’hyperréalisme. Frédéric Poincelet ne nous raconte pas d’histoires, il nous laisse les imaginer sans symbolique ni intentions cachées. C’est en cela que son dessin correspond si bien à notre monde aux lendemains qui chantent moins fort.

Photo : © Frédérique Poincelet

L’amour aujourd’hui

’est à La Seine Musicale que le chorégraphe français Benjamin Millepied, étoile du ballet de New York et directeur artistique du Los Angeles Dance Project, a choisi de créer son nouveau ballet Roméo et Juliette. Si la musique est bien celle de Prokofiev, l’inspiration et les moyens mis en œuvre sont d’aujourd’hui, à mi-chemin entre la chorégraphie et le cinéma : le spectacle associe la présence physique des danseurs sur la scène et leur image sur écran géant, plans américains et travellings filmés en direct dans les coursives et les coulisses. Retardée plusieurs fois, la « West Coast Story » de Benjamin Millepied traverse enfin le Nouveau Monde avec les trois couples, mixtes ou non, qui alterneront selon les représentations. En 2018, quelques scènes avaient esquissé, au sein du Walt Disney Concert Hall de Frank Gehry, le spectacle qui sera créé dans sa totalité sur la Grande Seine du 13 au 22 janvier. The New Yorker avait alors qualifié le projet de « stupéfiant, éblouissant et déchirant à la fois… » À l’heure de notre bouclage, il restait quelques places pour ce qui est assurément l’événement culturel de ce début d’année.

Photo : © Benjamin Millepied

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