Pendant le premier semestre 2023, l’exposition Ballons et dirigeables dans les Hauts-de-Seine, berceau de l’aéronautique agit comme une machine à démonter le temps.
Dans l’allée centrale du parc départemental de l’île Saint-Germain, à Issy-les-Moulineaux, flâner devant les panneaux en plein air revient à feuilleter un grand livre d’images spectaculaires et oubliées. L’exposition historique et scientifique possède ce petit plus qui excite l’imagination : il nous paraît presque inconcevable aujourd’hui, à l’âge des drones et de la conquête de l’espace, que ces formes étranges en suspension dans le ciel aient inventé l’aéronautique. Cela ressemble aux œuvres de fiction qui imaginent ce qu’une époque aurait pu être si le temps avait suivi un autre cours. La conquête du ciel réécrite par Jules Verne et mise en image par Georges Méliès ! Depuis la première compagnie militaire d’aérostier au château de Meudon à la fin du XVIIIe siècle jusqu’aux ballons captifs d’Albert Caquot qui jusqu’en 1942 aidèrent à protéger Buckingham Palace des bombardements allemands, c’est chez nous que cela se joue : chez les militaires de Meudon-Chalais et les millionnaires de l’Aéro-club de France, à Neuilly, Saint-Cloud, Boulogne-Billancourt… Le fonds de photographies semble inépuisable, des petites mains cousent dans de gigantesques hangars, d’étranges organismes s’élèvent au-dessus du champ de manœuvre d’Issy-les-Moulineaux. D’Astra à Zodiac, les noms se sont effacés de nos mémoires, les aérostats auraient pu sillonner le monde entre deux grands aéroports internationaux, comme dans les bandes dessinées de Schuiten et Peeters, si les aéroplanes ne s’étaient révélés plus pratiques et moins fragiles. La sécurité a gagné ce que la poésie a perdu.
Photo : © Monde et Caméra/Coll.musée de l’Air et de l’Espace-Le Bourget