À la croisée de l’electro et de la musique classique, cet autodidacte veut embrasser tous les genres. Dans Volt, son style franchit un nouveau palier. À découvrir le 31 mars prochain, lors du festival Chorus.

Il aura suffi d’une étincelle. Un beau jour, dans sa tanière parisienne des Buttes-Chaumont, Raphaël Beau se met en tête de réparer une applique lumineuse, un brin défectueuse. Ne prenant pas garde, il récolte une décharge. « J’ai été projeté en arrière et vraiment sonné, souffrant un temps d’un choc psychologique et émotionnel », se souvient l’artiste. Par bonheur, celui-ci ne se trouvait pas dans son bain pendant sa tentative de rafistolage… les séquelles resteront d’ordre musical. Tenant de l’electro-orchestral, Laake, son pseudo, espérait changer de registre, après un premier album et deux EP à la confluence entre l’electro et la musique classique. La métamorphose attendra un peu : Volt, titré en clin d’œil à sa mésaventure, est attendu sur les plateformes pour la rentrée de septembre. « Mon fil rouge reste le même : mélanger une variété de styles et de sonorités, pourquoi pas du rock et du jazz à l’avenir ? Je ne tiens pas à rester coincé dans un schéma prédéfini, avertit ce transfuge du rock, qui aime “déconstruire les codes”. À la base, je voulais concocter un disque de piano solo ». À rebours de son idée de départ, il opte pour une création plus « électrique », engageant une nouvelle collaboration avec les musiciens de son premier album.

Sans fausse note

Sa petite formation orchestrale, qui mêle le talent d’instrumentistes de musique savante, s’enrichit pour l’occasion d’un batteur et d’une basse rompus à l’exercice des concerts live. Un indispensable, quand on pense à la centaine de dates assurées lors de sa dernière tournée. Ces ajustements devraient élargir sa palette musicale, alors que la section rythmique de ses morceaux – évoquons Run ou Broken – reposait jusqu’ici sur des pulsations électroniques. Touche-à-tout, ce maestro pas comme les autres se forge l’oreille en écoutant ses deux sœurs jouer du piano. Lui a fait l’impasse sur le conservatoire, échappant à la rigueur des gammes et à l’apprentissage mimétique des chefs-d’œuvre d’autrefois. « La perspective de répéter inlassablement un même morceau m’était inconcevable. Je voulais travailler des choses à moi. De là, mon goût pour l’improvisation », dit-il. Dans ses titres à venir, il laisse mûrir sa différence et s’improvise tantôt violoniste, tantôt violoncelliste ou bassiste. Au passage, il revendique son manque de justesse et chérit les dissonances, qu’il tire de ses instruments comme autant de « cassures ».

Mon fil rouge reste le même : mélanger une variété de styles et de sonorités, pourquoi du rock et du jazz à l’avenir. Je ne tiens pas à rester coincé dans un schéma prédéfini.

Enregistrés dans les mythiques studios Ferber, à Paris, ces coups d’essai riches de spontanéité sont combinés aux prestations sans fausse note de ses camarades. « Cela leur confère du caractère, en plus d’accentuer le côté « fait main » de mon travail ». En attendant d’être secondé, Laake conserve un contrôle souverain sur son label, à l’exception de la distribution. Graphiste de formation, il réalise le design de ses pochettes, produit ses propres vidéos et se démène pour boucler à temps la phase chronophage du mixage. Là, il veille à équilibrer au mieux les fulgurances de ses beats, assouplis d’un rempart doux de cordes et de cuivres.

Signature sonore

Cet amateur de musique de film puise aussi bien ses inspirations dans le rock psychédélique que progressif, citant King Crimson entre autres influences. Pour décrire son style tout en relief, qui use volontiers de l’ascenseur émotionnel, une formule lui colle médiatiquement à la peau : son « clair-obscur ». Mélange d’envolées célestes et de retombées mélancoliques, sa signature sonore, rehaussée de sa voix abrasée, n’entend ni moderniser, ni cannibaliser la musique classique. Juste offrir autre chose.

Séduite par sa singularité, Radio France lui livre l’an passé les clés de son auditorium et lui laisse carte blanche pour revisiter l’œuvre du compositeur russe Moussorgski. Depuis, ses cheveux ondulés ont poussé. Avec sa barbe de légionnaire, il assume ses faux airs de Julien Doré. « Parfois, j’ai même le droit à Jésus », sourit-il. Lorsque la crise sanitaire touche durement le milieu musical, lui la vit comme une montée au ciel. Son premier album à peine sorti, Arte choisit d’organiser la captation télévisée d’un de ses concerts, dans un théâtre du Châtelet désert – précaution oblige – à une semaine du premier confinement.

« C’était une chance inouïe, un véritable « crash test », alors que nous sortions tout juste de résidence avec l’orchestre. La chaîne a largement repartagé l’événement, contribuant à la promotion de l’album et renforçant notre crédibilité dans le milieu ». Le scenario semble se répéter pour ses retrouvailles avec le festival Chorus, en avril prochain, cinq ans après son passage sur la terrasse de La Seine Musicale. Là encore, Laake et son orchestre sortiront d’une résidence, à Nancy cette fois. « C’est vraiment un challenge de jouer dans l’auditorium Patrick-Devedjian, reconnaît-il. Du reste, cette salle jouit d’une acoustique hors norme et puis, à force de répétitions, nous aurons rôdé notre nouvelle configuration ». De quoi électriser les foules, en toute sécurité.

Nicolas Gomont
chorus.hauts-de-seine.fr 

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