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« Le Régent, un homme à plusieurs visages »

Prix Chateaubriand 2021, Alexandre Dupilet retrace la vie de Philippe d’Orléans, personnage à multiples facettes, devenu Régent à la mort de Louis XIV.

Neveu de Louis XIV, Philippe d’Orléans suit dès sa jeunesse une éducation royale mais ne se retrouve à la tête de l’État que par un concours de circonstances…

AD : Il a bénéficié de cette formation par la volonté de son précepteur Dubois, qui, ayant vu ses qualités de mémoire assez exceptionnelles, a voulu pousser son éducation le plus loin possible. Jamais il ne vient à l’idée de Philippe d’Orléans qu’il sera un jour à la tête de l’État avant que n’arrivent les années 1711 et 1712 surnommées « années des quatre dauphins » et les morts successives du fils, du petit-fils et de l’arrière-petit-fils de Louis XIV. Reste le quatrième dauphin, le duc d’Anjou – le futur Louis XV – mais encore trop jeune pour régner.

Les historiens ont souvent parlé d’une Régence en deux temps, le premier libéral, le second plus autoritaire.

AD : C’est une division plutôt pratique mais c’est en réalité beaucoup plus compliqué. Philippe d’Orléans n’a jamais été libéral ; il a juste fait des réformes qui apparaissent comme libérales car il avait besoin de créer un consensus autour de lui pour préserver l’unité du royaume. Saint-Simon parlait d’une politique de mezzo termine, de moyen terme : oncontente un coup l’un, un coup l’autre avec le risque de se mettre à dos tout le monde. Mais il arrive à gagner du temps pour mettre en place le système qui lui convenait mieux. Il revient alors à un règne plus classique, plus « louis-quatorzien ». Il n’est ni libéral, ni autoritaire : il est simplement un tenant de la monarchie absolue.

Quelles étaient les relations entre le Régent et le futur Louis XV et comment la transition s’est-elle préparée ?

AD : Le Régent a joué un rôle important dans l’éducation de Louis XV et l’a initié tôt aux affaires politiques dans l’espoir de former ensuite un couple à la tête du pouvoir et de faire durer la Régence jusqu’à ce que Louis XV soit en âge de gouverner, vers dix-huit ans. En février 1723, lorsque la Régence prend fin, Dubois est nommé Premier ministre et derrière lui, c’est toujours le Régent qui gouverne. Quand Dubois meurt, Philippe d’Orléans devient Premier ministre mais cela ne durera que six mois à ce poste car il meurt en décembre 1723.

La Régence est vue comme une période de « légèreté », festive et foisonnante au niveau culturel. Est-ce la trace que Philippe d’Orléans a laissée dans l’Histoire ?

AD : Sur le plan culturel, on a l’impression d’une immense respiration après le règne de Louis XIV. Le XVIIIe siècle s’annonce avec de grands écrivains comme Voltaire et Marivaux, des musiciens comme Couperin ou des peintres comme Watteau qui est le premier à rompre avec ceux du grand règne. Le Régent fait également revenir à Paris des comédiens italiens, exclus pendant le règne de Louis XIV. Par son comportement qualifié de « libertin », il reste dans la mémoire collective associé à cette époque de la Régence plus insouciante, ce qui est, selon moi, extrêmement réducteur. Il n’est pas complètement un homme de son époque : c’est un homme du règne de Louis XIV et ce qu’il a en tête, c’est toujours la monarchie absolue.

Propos recueillis par Mélanie Le Beller
Le Régent : Philippe d’Orléans, l’héritier du Roi-Soleil, Alexandre Dupilet, Éditions Tallandier.
Le prix Chateaubriand sera remis le 10 février à l’Institut de France. Alexandre Dupilet y donnera une conférence avec Jean-Louis Cabanès et Pierre Dufief, les lauréats 2020.
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