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Monstre sacré

L’Espace Landowski rend hommage à Jean Gabin, icône des écrans du XXe siècle, sur les terres de cinéma de Boulogne-Billancourt. Du 9 mars au 10 juillet.

Il est courant que les acteurs les plus célèbres connaissent, entre leur mort en haut de l’affiche et leur redécouverte par les générations suivantes, une période de purgatoire. La situation de Jean Gabin né Moncorgé (1904-1976) est un peu plus complexe : il a connu brièvement le purgatoire à son retour d’Amérique. Engagé dans la 2e DB qui le mène jusqu’à Berchtesgaden, le « plus vieux chef de char de la France Libre » revenait au cinéma dans un monde où tout avait changé, à commencer par son physique. Le jeune premier prolétaire acquiert directement le statut de patriarche prématurément blanchi, figure de la bourgeoisie – lui qui avait l’âme paysanne et l’amour des chevaux – icône de la police ou de la pègre. Depuis, c’est un monstre sacré, aussitôt reconnaissable, inimitable sinon par lui-même, dont le deuxième prénom devenu nom de scène est synonyme de cinéma populaire. Sur les 95 films tournés par Jean Gabin entre 1930 et 1975, 24 le furent dans les studios de Billancourt et de Boulogne : il est bien ici sur ses terres ! Jean Gabin, l’exposition nous invite, avec des sensibilités différentes selon les générations, à renouer avec celui qui « a incarné tous les Français avec puissance et sobriété ». Un catalogue, sous la forme d’un « beau livre » abondamment illustré, paraît pour l’occasion aux éditions de La Martinière, signé à deux plumes par Mathias Moncorgé, son fils, et Patrick Glâtre, expert « gabinologue » et commissaire de l’exposition.

Photo :La Bête humaine, 1938, de Jean Renoir. © Sam Levin

Contemplation aquatique

Aqua Mater, l’exposition de photos nomade de Sebastião Salgado, s’installe, à partir du 22 mars pour six mois, dans un pavillon de bambou sur l’esplanade de La Défense.

Nous avons tous en tête l’une ou l’autre des images mémorables du photographe brésilien Sebastião Salgado : les grands formats de l’homme qui parcourt le monde pour en saisir ce qui reste de beauté dans la catastrophe ont des allures de totem. « J’ai compris que l’homme n’est qu’une espèce parmi les autres, animale, végétale, minérale, expliquait-il dans une interview. Nous sommes interdépendants, montagnes, fleuves, arbres, animaux, humains. Nous formons un tout. » La nature n’est pas le sujet de celui qui se considère comme un photographe social, mais la vie – et en « carburant » de celle-ci, l’eau tient le premier rôle. Aqua Mater est une exposition itinérante et modulable, à la croisée des politiques culturelles et environnementales du Département, parrainée par l’Unesco et inaugurée pour la Journée mondiale de l’eau. Cinquante photos accrochées aux cimaises de bambou d’un pavillon de 1 000 m2 conçu par l’architecte colombien Simón Vélez. Une invitation à la « contemplation », pour reprendre le titre de l’exposition de photographies de Matthieu Ricard, qui eut lieu dans ce même pavillon, alors monté en bord du Rhône, aux Rencontres de la photographie d’Arles en 2018.

« Un photographe est quelqu’un qui dessine le monde avec des lumières et des ombres », déclare Sebastião Salgado dans le film que lui a consacré Wim Wenders. Son travail est autant de mémoire que de rappel à l’ordre de notre civilisation. Que cette eau de bambou succède, ici, au regard d’un moine bouddhiste occidental, n’est pas insensé.

Photo : Cette ancienne carrière est maintenant remplie d’eau pour la baignade et la pêche. C’est aussi la carrière qui a livré les pierres de l’Empire State Building. Carrières de calcaire, Bloomington, Indiana, États-Unis, 1988

 

Sa vie est un roman

On croyait avec Frida Kahlo tout savoir sur l’art sud-américain au féminin, ses souffrances, sa joie de vivre, et sa peinture pour accéder à l’une en transcendant les autres. Et voilà que la Maison des Arts d’Antony nous révèle une autre figure flamboyante : Emma Reyes, peintre colombienne, du 2 mars au 30 avril en partenariat avec la Fondation Emma-Reyes et le Musée d’Art et d’Archéologie du Périgord qui conserve un important don de l’artiste. L’évocation de l’aînée mexicaine n’est pas fortuite : Emma Reyes (1919-2003) a fréquenté le couple Frida Kahlo et Diego Rivera dans les années cinquante. Enfant abandonnée recueillie dans une institution religieuse de Bogotá, l’adolescente fuit, traverse l’Amérique latine, découvre la peinture en Argentine, vit un drame au Paraguay, obtient une bourse et vient étudier en France avec André Lhote, repart en Amérique, retourne en Europe, s’installe à Périgueux et fait plusieurs fois le voyage au pays natal. Elle peint, elle écrit, Picasso et García Márquez la remarquent : sa vie est un roman dont ses œuvres sont les enluminures.

Photo : © Jonathan Barbot

Nœuds de patience

Laurent Nicolas a commencé en mettant « la main à la pâte » dans le design céramique, puis le geste s’est élargi « à l’échelle du corps » avec des pièces de mobilier raffinées détournant les matériaux industriels. De ces racines nourries du savoir-faire artisanal, l’artiste a conservé le goût de la matière, de l’objet, celui des choses bien faites, lentement imaginées et minutieusement réalisées. Depuis une quinzaine d’années, le plasticien a peu à peu laissé filer mode et design pour construire un univers de petites choses liées entre elles, au sens strict parfois quand la corde intervient dans la céramique, en approfondissant ce soin accordé au matériau, à sa couleur, son reflet et sa texture. Ses dessins sur photos assemblées attirent le regard par leurs perspectives de kaléidoscope mais ce sont ses sculptures nouées ensemble qui s’imposent le mieux comme sujets de méditation silencieuse. À la Maison des Arts de Châtillon : Le Présent existe-t-il ? du 12 mars au 24 avril.

Photo : © Laurent Nicolas

Cycles de sculpture

Après une première édition prometteuse en 2019, le Printemps de la sculpture s’est ensuite adapté aux distances sanitaires… Celui qui vient du 25 au 27 mars – touchons du bois, de la pierre, du bronze ! – s’annonce plein de relief, avec comme nouveauté, une série de Parcours Vélo Sculpture le long des pistes cyclables et des voies de circulation douce. Six itinéraires guidés par des animateurs mettent en valeur le patrimoine sculpté de notre territoire. À réserver par petits groupes d’une dizaine de participants, ils relient entre autres le Mastaba de La Garenne-Colombes aux sculptures de Paris-La-Défense, font se rencontrer Jean Arp à Clamart et Auguste Rodin à Meudon, circulent à Boulogne entre les deux Paul, Belmondo et Landowski. Si l’on est à pied, l’application Baludik ouvre, elle, un espace connecté de « chasse aux sculptures » à mener librement en famille. Et l’exposition virtuelle Storymap présente autour de sept thématiques une centaine d’œuvres disséminées sur le territoire des Hauts-de-Seine et des Yvelines.

Photo : CD/Willy Labre

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