Visite virtuelle au Pavillon de l'Aurore du domaine de Sceaux. Les lunettes seront disponibles un dimanche par moi à partir de mai 2019.
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Monter dans le char de l’Aurore

Au Domaine départemental de Sceaux, les visiteurs du Pavillon de l’Aurore peuvent s’immerger dans la fresque de Charles Le Brun. Une visite guidée à 360°C.

Avant de se consacrer aux grands décors de Versailles, le peintre Charles Le Brun a laissé à Sceaux, sur la coupole du Pavillon de l’Aurore à l’est du domaine, une composition déjà magistrale : L’Aurore sur son char chassant la Nuit. Derrière cette allégorie, on devine Colbert, acquéreur de Sceaux en 1670 et ministre de Louis XIV. Sous les traits de la déesse bienfaisante et aux côtés d’autres créatures issues de la mythologie, le voici qui chasse la Nuit et son voile plein de cauchemars. Problème : si un simple coup d’œil sur cette fresque paraît insuffisant, l’exercice d’admiration donne vite le tournis. L’Aurore et ses compagnons contemplent en effet le visiteur à près de dix mètres de hauteur. « C’est une scène d’une extrême richesse dans laquelle il est facile de se perdre. Du sol, on n’en perçoit pas forcément tous les détails. La réalité virtuelle permet de l’aborder de façon moderne, ludique, et accessible à tous », explique Abdelkader Karkache, chargé du multimédia au musée du Domaine départemental. Avec la mise en place de supports numériques, le Département veut attirer un public jeune et connecté : les applications de réalité augmentée « CulturoGo » en 2018, puis cette année de chasse aux sculptures « Découverte Hauts-de-Seine » s’inscrivent aussi dans cette démarche. 

©CD92/Julia Brechler

Défi graphique

Une fois le Pavillon de l’Aurore retenu pour cette nouvelle expérience numérique, restait à transposer la fresque de Le Brun, délicate mission confiée à la start-up nanterrienne Tkorp, qui s’était distinguée lors de l’hackathon Hauts-de-Seine Tourisme en 2017 avec le dispositif de graffiti virtuel « Graf it ». Spécialisée dans la création de contenus sur-mesure en réalité virtuelle pour des entreprises ou des gamers, Tkorp a, un temps, mis de côté robots, zombies et délectables explosions, pour créer des ponts entre deux époques. « C’était nouveau pour nous mais le défi a surtout été graphique car nous avions affaire non pas à un tableau mais à une coupole », explique Thibault Kerouanton, cofondateur de Tkorp. La fresque a été entièrement reconstituée dans un nouveau format plus confortable pour les yeux et le cou : « L’objectif était de pouvoir observer l’œuvre, non plus du dessous mais de l’intérieur, et à 360°. Avec une amplitude de mouvement de la tête de 30° maximum ». De coupole dans le monde réel, l’œuvre a, dans le virtuel, pris la structure d’une cloche, « le plus dur étant de respecter le charme et les proportions d’origine en étalant les éléments dans l’espace ». En plaçant ces derniers sur différents plans, Tkorp a par ailleurs créé un effet de relief. De la 2D dans un environnement 3D en quelque sorte. 

Un fauteuil, pivotant pour éviter les contorsions, constitue le point de départ du voyage panoramique. Avec le casque de réalité virtuelle ou casque VR, un Oculus Go – poids plume de quatre cent grammes qui garantit une bonne qualité graphique sans effet « mal de mer » – l’immersion est immédiate. Un faisceau lumineux indique le chemin au regard, captif du large écran. Sur son char s’élevant depuis l’Orient, dame Aurore ouvre le bal comme il se doit, tirée par deux chevaux dont la couleur bai sort ravivée de la palette graphique de Tkorp. La voix de la narratrice suit un canevas simple, pour une découverte étape par étape de l’essentiel de la fresque. « Pour éviter un décrochage, l’expérience fait un peu moins de huit minutes », souligne Abdelkader Karkache. Après l’Aurore, le projecteur s’attarde sur l’étoile du matin figurée par un charmant petit Amour. Parmi ses compagnons, Flore, déesse du printemps qui signale le réveil de la Nature ou encore le Bruit, qui annonce le retour des activités humaines avec sa trompette, son coq et son marteau. 

Dialogue avec l’œuvre

Grâce à un capteur gyroscopique, identique à celui des téléphones portables, qui retranscrit les mouvements de la tête, suivre tout ce petit monde du regard semble aller de soi. Levez les yeux, le ciel étoilé envahit l’écran, baissez-les, ils rencontrent une épaisse couverture de nuages. Le sol, censé être en contrebas, reste invisible « pour éviter une sensation de vertige ». En une rotation de chaise, le faisceau guide le regard vers la Nuit en pleine débâcle, traînant son voile derrière elle pour disparaître vers l’Occident. À ce moment précis la coupole s’assombrit sur fond de hululements sinistres et des yeux rouges clignotent dans l’obscurité. Une dizaine d’animations sonores et visuelles rendent ainsi le parcours plus vivant. Dernier effet, un mascaron du Roi Soleil envahit l’ensemble de la fresque, rappelant que l’Aurore – et sous ses traits, Colbert – prépare l’arrivée du Grand Roi. Armé de ces connaissances toutes fraîches, il tarde au visiteur de retrouver la coupole pour de vrai. « C’est l’objectif, précise Abdelkader Karkache, la visite en VR doit donner envie de revenir à l’œuvre avec plus de curiosité ». Que les fans de Matrix arrêtent donc leur char ou qu’ils prennent celui de l’Aurore : loin de piéger dans un univers parallèle, le virtuel se veut ici passerelle pour mieux saisir la fresque dans toute sa splendeur. n 

Pauline Vinatier

À partir de treize ans.
Un dimanche après-midi par mois. Compris dans le prix d’entrée au musée Domaine départemental de Sceaux.
Tél. 01 41 87 29 71

domaine-de-sceaux.hauts-de-seine.fr 

 

 

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