Lauréate du prix Chorus et du Coup de cœur Rock en Seine, Nina Versyp, à découvrir cet été à Rock en Seine, se reflète dans une pop-folk onirique et entêtante.
Elle a grandi en un road trip autour de la terre, entre Shenzhen, Washington D.C et Bristol. Suivi par toute la famille Versyp dans ses pérégrinations, son père, s’en excuserait-elle presque, n’était « pas diplomate » mais cela revient au même : elle verse dans le franglais, présente un accent indéfinissable, possède une aptitude au décentrement et une habitude de se tenir « au dehors » dont parle sa chanson Moved Around. « Je ne me sens dans les clous nulle part mais j’arrive à rencontrer plein de gens qui ont cette vie-là. On trouve un terrain d’entente qui flotte un peu entre les frontières. » La guitare, commencée à l’âge de six ans pour « faire comme son grand frère », a été de tous ces paysages. À l’instant même l’accompagne une Telecaster vénérée, indispensable en concert, doublée à la maison d’une fidèle acoustique « aux courbes humaines », où s’adosser confortablement pour chanter.
Thérapie folk
Adolescente, cette petite fille de chanteuse kabyle, biberonnée aux musiques du monde comme à Frank Zappa et à Jimi Hendrix, reprend Youth ou Ben Howard. Une folk aux vertus « thérapeutiques » qui la conduit à parfaire ses arpèges. Elle préfère cette technique au strumming (cordes grattées, Nldr) pour la simple et bonne raison qu’elle pallie un auriculaire excessivement court. Ses premières compositions nées en 2020 et 2021 sont le fruit du Covid qui a libéré une expression personnelle dans un premier temps cantonnée à sa chambre. Bachelor en poche, elle hésite entre Londres ou Paris pour son master en management et participe au concours « Chantez 20 ans en 21 » de Radio France, présidé par Pomme, qu’elle remportera avec Ça fait 20 ans, hymne à une jeunesse confinée rêvant de Copacabana. « Beaucoup de participants étaient entourés, déjà signés par un label, j’étais là avec ma vidéo filmée sur mon ordinateur, je ne m’y attendais pas du tout. » Sa victoire lui vaut un concert au studio 104 de la Maison de la Radio et une amitié précieuse avec Pomme, qui l’aide à s’entourer pour l’EP inaugural Paralysed, sorti en février 2024.
Je raconte mes histoires, je chante, je suis là. J’aime bien dire que je veux aller droit au cœur des gens, j’ai envie qu’ils s’ouvrent à moi comme je m’ouvre à eux.
Beauté sombre
Qu’elle apparaisse dans ses clips en survêt’ de sport ou en nymphe des forêts, elle captive invariablement par ses ritournelles entêtantes et son chant plaintif et doux, paroles et musique surgis en un seul et même mouvement de retour sur elle-même. Ses chansons Can’t You See, et Go Outside parlent « de l’acceptation des événements et des états de la vie » et Blinds, qui la ramène à ses années lycée, de l’opacité aveuglante des autres. « Je parle du fait de ne pas comprendre le comportement de certaines personnes. Ça me pèse et ça me heurte. » L’amour n’est pas absent mais fort déraisonnable (Insane) et des discordances étudiées jettent sur cet ensemble un jour sourdement inquiétant. « Ces premiers titres étaient un exutoire, dit-elle. Je n’ai pas eu conscience tout de suite que je pouvais rendre beau ce qui était difficile. Maintenant je sais que je peux tout affronter dans la vie grâce à la musique. » Les arrangements font place au piano et aux sons électroniques, à la patte d’une harpiste expérimentale ou d’un guitariste grunge. « En guitare voix, on peut s’attendre à un projet lisse, c’est ce que j’essaie absolument d’éviter. »
Sound design
En live, elle et sa Telecaster sont seules au monde. « Je le vivais au début comme un suicide social, dit-elle. Mais avec le temps j’arrive à m’épanouir sur scène. Je raconte mes histoires, je chante, je suis là. J’aime bien dire que je veux aller droit au cœur des gens et j’ai envie qu’ils s’ouvrent à moi comme je m’ouvre à eux. » La scène reste à ses yeux ce qu’il y a de plus « vrai », car elle ne ment pas comme les réseaux sociaux. « C’est ce qui se faisait dans les années 70. Vous avez lu le livre Just Kids de Patti Smith ? Ils passaient de bar en bar. » L’année 2024 a été faste. Elle a remporté en doublé le prix Chorus et le Coup de Cœur Rock en Seine et intégré les iNOUïs du Printemps de Bourges. Après avoir assuré les premières parties de Pomme et de Clara Ysé, elle savourait la perspective d’un premier headline show (concert en tête d’affiche, Ndlr) en juin et d’un enchaînement estival clos par Rock en Seine, toujours seule mais forte de ses « super-pouvoirs » : « J’ai choisi la guitare électrique en live car je dispose de nombreuses pédales d’effet. À un moment j’active mon octaver qui produit un énorme bruit de basse ! J’utilise aussi le vocoder et je travaille à l’incorporation de sound design pour obtenir encore davantage de nuances. »
Pauline Vinatier
Dimanche 25 aout, à 18 h 35, au club Avant-Scène