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Bonheurs aimables

L’Atelier Grognard, à Rueil-Malmaison, retrace avec Sempé son Itinéraire d’un dessinateur d’humour, du 8 novembre au 31 mars.

Son nom sonne comme un nom de plume, et pourtant il est bien le fils – adoptif – de M. Sempé, représentant de commerce à Bordeaux, ville à l’époque un peu lugubre, comme était la vie du jeune Jean-Jacques. L’exposition rétrospective que lui consacre l’Atelier Grognard réunit plus de deux cents dessins d’un « immense artiste qui a le sens de l’amabilité. » Ce qui est, dans notre monde, un privilège assez rare ; mieux, une noblesse. Depuis les premiers griffonnages sur le papier à en-tête de son employeur courtier en vins, les dessins de presse signés DRO – to draw, dessiner, un pseudonyme pour de bon cette fois –, la célébrité des albums du Petit Nicolas, qui sont dans les années soixante une histoire de mémoire et d’amitié partagées avec Goscinny. Et bien sûr le Sempé dont on croise la patte rêveuse, celle qui cherche plus le sourire poétique que le rire sarcastique, dans les pages de la plupart des magazines français jusqu’à celles du prestigieux New Yorker où il a signé plus de cent illustrations. Beaucoup des dessins exposés à Rueil, crayons rehaussés ou non d’aquarelle ou de gouache, sont demeurés inédits. Comment cela est-il encore possible avec pareille notoriété ? Parce que Sempé a dessiné, et dessine encore à 87 ans, tous les jours ou presque. En confiant, malicieux : « Le dessin est un enfer ! C’est fatigant, tout le corps travaille, on a mal aux yeux, au cou… » Mais il fait du bien aux bleus des mauvais jours.

Dessin : © Sempé

Intérieurs d’Empire

Le musée des Avelines de Saint-Cloud présente jusqu’au 23 février Les Derniers Feux du palais de Saint-Cloud, en partenariat avec le Mobilier national.

Demeure de Monsieur, frère du Roi, de Louis XVI, de Louis XVIII, le palais de Saint-Cloud aura été avant tout un lieu de prestige impérial. L’oncle y avait proclamé l’Empire en 1804, le neveu le rétablissait ici même en 1852 ; il s’y sentait si bien l’été qu’il en confia la décoration à sa femme Eugénie laquelle, passionnée par le style Louis-XVI – et plus encore par la personnalité de Marie-Antoinette –, inventa pour l’occasion un art du faste, de l’élégance et de l’éclectisme. Sait-on à quoi ressemblait ce domaine impérial avant qu’un incendie le ruine, déclenché involontairement par un obus français durant le siège de Paris ? Sans mauvais esprit, l’exposition Les Derniers Feux du palais de Saint-Cloud nous le montre grâce à un petit trésor acquis par le musée des Avelines : un album de photographies signé Pierre-Ambroise Richebourg, élève de Daguerre, qui en 99 vues en a gardé la mémoire. En mettant en scène, pièce après pièce, les photographies agrandies de 1868 et les objets sauvés l’été 70 au nom du principe de précaution puis conservés par le Mobilier national, l’exposition invite à une déambulation émerveillée dans le temps et l’espace : pour une fois, l’expression « mise en abîme » n’est pas usurpée ! Le visiteur n’a plus qu’à s’en remettre au bon goût de l’Impératrice Eugénie. Et à l’inventivité des commissaires de l’exposition : Emmanuelle Le Bail, directrice du musée, Arnaud Denis, inspecteur du Mobilier national, et Bernard Chevallier, auteur de Saint-Cloud, le palais retrouvé, qui fut longtemps le conservateur de La Malmaison.

Photo : © DR

Les Goûts réunis

La réouverture, après rénovation et mise aux normes, du château de Sceaux, musée du Domaine départemental, coïncide avec l’anniversaire des 400 ans de Jean-Baptiste Colbert, qui y fut seigneur dans une campagne redessinée par Le Nôtre – même si les bâtiments d’alors ne sont plus, sinon le pavillon de l’Aurore avec sa coupole peinte par Charles Le Brun, et l’Orangerie commandée à Hardouin-Mansart par le fils du ministre, le marquis de Seignelay. Autant dire que l’exposition Les Colbert, ministres et collectionneurs, du 13 décembre jusqu’au 12 avril, sera un événement, sur lequel nous reviendrons. Car au-delà de la figure austère du contrôleur général des finances – la marquise de Sévigné l’aurait surnommé « le Nord » – c’est toute une famille de collectionneurs d’art, voire un clan, que l’on célèbre, du fils marquis de Seignelay aux Colbert de Villacerf, Croissy, Torcy, ministres, militaires, évêques et archevêques. Tableaux, sculptures, objets d’art, trésors de bibliophile, l’anniversaire Colbert prend ainsi la forme d’un éloge des goûts réunis.

Photo : CD92/Olivier Ravoire

Herbes liées

À la Maison des Arts d’Antony, quatre artistes nous invitent Sur les traces du végétal, du 27 novembre au 26 janvier. Il et elles sont des ramasseurs de rien et des regardeurs de l’infini dans la nature. Installations spectaculaires et fragiles de Duy Anh Nhan Duc ; multiples, photos et patines au charbon de Marie Denis ; manufacture de tapisserie aux champs de Marie-Noëlle Fontan… Et puis il y a l’aînée, Marinette Cueco, tisseuse végétale, en quelque sorte la Parque bienveillante de nos destins minuscules quand ils s’entrelacent avec ceux de la nature. Une œuvre méticuleuse, modeste, autour de laquelle veille l’ombre cocasse et amoureuse d’Henri Cueco, son mari disparu il y a deux ans, le peintre des Portraits de pommes de terre, l’auteur du Dialogue avec mon jardinier, qui écrivait comme on badine à deux : « Je marcherai devant et je m’arrêterai au signal de Marinette, je tiendrai le sac pour y enfourner le poison sans le toucher ni même trop le regarder. Je me méfierai des maléfices. »

Photo : © Maxime Lenik

Paquebot art déco

L’histoire des paquebots de la Compagnie générale transatlantique aurait de quoi semer la confusion. Entre le France dit « Versailles des mers » (deuxième du nom lancé en 1912) et le Normandie (armé en 1935), il y eut la place pour le paquebot Île-de-France (1927). En attendant le dernier France (1962) qui finira Norway… Avec L’art déco, un art de vivre : le paquebot Île-de-France, c’est une histoire du luxe et un récit d’aventure que le Musée des Années 30 entreprend de raconter à Boulogne jusqu’au 10 février. Mise en scène comme si nous faisions partie des privilégiés. Luxueux, cet ambassadeur des Années folles sur les mers est habillé par Dunand, Lalique, Leleu, Patout, Ruhlmann, Subes… Moderne, il est équipé d’un hydravion postal. On mange à son bord à la hauteur de la gastronomie française ; on y boit dans les eaux internationales au nez et à la barbe de la prohibition. L’aventure l’attend en fin de carrière, puisqu’on lui décerne le titre de « Saint-Bernard des mers » quand il sauve en 1956 plus de sept cents passagers du paquebot Andrea Doria en train de couler au large de New York

Photo : © DR

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