CD92/JULIA BRECHLER
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Un potager au théâtre

Le T2G, le centre dramatique national de Gennevilliers, joue une nouvelle pièce sur son toit : un potager bio, doublé d’un restaurant. Une création en circuit court, 100 % locale.

Le poireau de Gennevilliers sorti des oubliettes, les oreilles du diable* dans son assiette, un bleu de Hongrie** dans son gratin ? C’est la proposition d’un programme de culture… maraîchère : un potager, cultivé en permaculture pour être précis, sur le toit terrasse du T2G alimente les cuisines de la « cantine » Youpi au Théâtre au rez-de-chaussée. Les acteurs habitent leur rôle avec passion : Valéry Tsimba s’occupe tous les vendredis du potager. Animatrice de l’association Le Jardin nourricier à Courbevoie, formée à la reproduction des semences au Conservatoire pédagogique de variétés anciennes de la ferme de Sainte-Marthe (Sologne), productrice de semences paysannes « Graines Del Païs », cette informaticienne – qui travaille par ailleurs dans les tours de Paris La Défense – apporte sa passion du jardinage. Chef cuisinier du Youpi&Voilà, Patrice Gelbart ne jure que par les produits frais, de saison, bio et locaux ; consultant pour le restaurant Foodentropie à Nanterre, il fait également partie de l’Alliance des cuisiniers slow food

Metteur en scène et directeur du théâtre de Gennevilliers, Daniel Jeanneteau (ci-dessous) est à l’initiative du jardin et du potager sur le toit-terrasse qui va être ouvert au public. Au programme : semences paysannes, biodiversité et permaculture, avec une cultivatrice, Valéry Tsimba, et un chef cuisinier, Patrick Gelbart, dans les rôles principaux.©CD92/Julia Brechler
©CD92/Julia Brechler

La mise en scène, c’est comme il se doit Daniel Jeanneteau, directeur du T2G depuis janvier 2017, qui la signe. Il est à l’initiative de ce jardin sur le toit terrasse, une sortie de secours en friche à son arrivée. « Nous avons arraché les ronces et renouvelé la terre, se rappelle-t-il. Et nous avons planté : lilas, rosiers, abricotiers, mirabelliers, de la glycine et de la vigne pour l’ombre. Nous avons installé une mare pour la biodiversité, des ruches, semé de la mélisse pour attirer les insectes, des baies pour les oiseaux. La ville nous a aidés en nous fournissant des plants et une cabane. J’aime le jardinage : le jardin est un espace de beauté et de diversité qui parle à tout le monde ». Abritée du bruit de la rue, cette terrasse, rythmée par une demi-douzaine de buttes permacoles peuplées de tomates, radis, courgettes, épinards, blettes, ciboulette, oignons entremêlés, mais aussi d’arbres et de fleurs, semble effectivement une bulle de paradis arrachée à l’agitation urbaine. « Nous allons ouvrir la terrasse au public et une cuisine d’été va être installée », annonce-t-il. Et pour rendre l’assiette accessible au plus grand nombre, le théâtre ne demande pas de loyer au restaurant.

La gastronomie, une production culturelle ? Du champ à l’assiette, il n’y a qu’un étage qui séparent le potager bio des cuisines du Youpi au Théâtre, la cantine slow food du T2G.©CD92/Julia Brechler

Semence paysanne

« Au départ, il y a la semence, l’origine de tout, et “Graine d’un Paris d’avenir”, la campagne menée par l’association Minga, explique Valéry Tsimba. L’objectif est de valoriser l’artisan semencier qui produit des graines de qualité, variées, reproductibles, adaptées au terrain et au climat, à l’inverse des semences de laboratoire dont est issue la majorité des fruits et légumes que nous mangeons. » Elle anime par ailleurs des ateliers de jardinage au sein d’Agrocité, la ferme urbaine installée à Gennevilliers. Dans le cadre des Trophées IDÉES du Département, elle est également intervenue au collège Louis-Pasteur de Gennevilliers. 

Ces activités la conduisent ainsi sur le projet de potager urbain du T2G : « C’est une année de démarrage, j’échange beaucoup avec le chef cuisinier, raconte-t-elle. Il demande des herbes aromatiques, des fleurs comestibles – cosmos, capucines, soucis, mauve… -, mais aussi des fèves et des petits pois qui sont chers à l’achat. Je lui propose des variétés parfois peu connues. » Autre projet dans le projet, la culture de tournesols géants pour produire des graines pour les oiseaux, et d’arbres et d’arbustes – sureau, sorbier, cognassier du Japon… – pour offrir le vivre et le couvert aux prédateurs d’insectes ravageurs. L’objectif est d’être labellisé refuge LPO (Ligue pour la protection des oiseaux). Cercle vertueux, les déchets de cuisine alimentent le compost qui alimente le potager qui alimente le restaurant. Des planches de cultures aux planches de théâtre, la boucle est bouclée et le vivant célébré.

Laurence De Schuytter
* variété de laitue ancienne
** variété de potimarron
www.theatre2gennevilliers.com
www.facebook.com/youpietvoila

 
 

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