© CD92/Olivier Ravoire

 

La lauréate du prix Chorus 2022 dévoilera le 26 août à Rock en Seine son univers singulier à la croisée de la chanson française et de la musique électronique.

Elle se trouve à Paris pour un nouveau concert, son premier en solo. La tournée entamée au printemps se poursuivra ensuite tout l’été. « Je suis fatiguée mais je n’ai jamais été aussi heureuse que depuis cette année », confie-t-elle. Date après date, elle apprend à assumer, en public, son personnage à l’univers aussi sombre qu’un bassin sous un ciel gris dans le port de Saint-Nazaire, où elle a grandi. « C’est une autre partie de moi-même, quelqu’un qui n’a pas peur de se montrer telle qu’elle est et qui me fait passer par toutes sortes d’émotions. » En live, son engagement, son phrasé, sa présence habitée, lui ont valu d’être comparée à Brel. « Il est ma plus grande influence en chanson française, avec Aznavour et Barbara, revendique-t-elle. C’est un mec profondément généreux, juste et poignant. Il a une capacité à raconter des histoires qui me fait pleurer. »

Glaciation

Ses compositions naissent au piano et se marient à une voix « excessivement grave depuis l’enfance », et puissante, dont elle raconte être devenue maître à force de vocalises et de cris. Les murs du salon familial en tremblent encore. « Tout ce qui peut nous arriver c’est de naître beau, le reste c’est du travail. Mon père (le peintre et performer Olivier de Sagazan, Ndlr) m’a inculqué cette notion que l’art ne tombe pas du ciel. »  Si, selon elle, « une bonne chanson doit se suffire au piano-voix », ses arrangements ont toutefois changé. Le confinement, période de glaciation pour la scène l’a vu expérimenter des sonorités balayées par le souffle de la coldwave – Brel et la chanson française en ont pris un sacré coup de jeune. Un certain Stromae, qu’elle admire, ne l’a-t-il pas précédée dans cette transplantation en terre électro ?  « On a en commun de vouloir faire danser les gens sur des choses terribles mais il est plus chaleureux que moi ! », tranche-t-elle. La Déraison décortique ainsi une rupture amoureuse et Suffisamment la non réciprocité des sentiments. « Je suis très heureuse comme fille, précise-t-elle. Mais on vit le bonheur sans trop se poser de questions, alors que la tristesse suscite des émotions difficiles à comprendre et à contrôler. J’ai besoin de mettre des mots dessus. » Un monologue où, contrairement aux apparences, elle parle beaucoup des autres, de leurs travers, de leurs chagrins. « Je n’ai jamais vécu l’amour mais je l’observe autour de moi. Quand on ne vit pas une situation, il est parfois plus facile d’écrire dessus », dit-elle avec une franchise désarmante.

Le bonheur, on le vit sans trop se poser de questions, alors que la tristesse suscite des émotions difficiles à comprendre et à contrôler. J’ai besoin de mettre des mots dessus.

Baptême du feu

À la « mystification de l’artiste », elle préfère donc la sincérité et a pris l’habitude de se montrer à l’œuvre sur Instagram. Bien lui en a pris. C’est là, à l’automne dernier, que Rebeka Warrior du groupe Mansfield TYA l’a repérée, lui proposant de faire sa première partie au Trianon. Dans la foulée elle était invitée par Hervé à l’Olympia, immense plateau qu’elle dû occuper seule avec son batteur. Deux flamboyantes premières scènes. « Je n’ai pas réalisé », lâche-t-elle à propos de ce baptême du feu « sur les pas de Brel ». « Aujourd’hui, j’ai fait des dates devant quinze personnes et je suis redescendue à la base. Si j’avais vécu tout cela avant, j’aurais peut-être eu le vertige… ». Tout aussi faste a été le début d’année qui l’a vu enchaîner les tremplins comme le Chantier des Francos ou les iNOUïS du Printemps de Bourges, après avoir remporté le prix Chorus des Hauts-de-Seine – et une somme de 10 000 euros qui l’aidera à développer son propre label. Rock en Seine lui a ouvert par la même occasion les portes son Club Avant Seine, ce qui lui vaut de se produire le 26 août à Saint-Cloud devant cinq mille personnes – « deux Olympias ! ».

Figer les choses

Avec tout cela, elle n’a guère trouvé le temps de « figer les choses » dans un album – exercice qui l’obligera, contrairement au live, à « se poser mille questions ». Alors qu’elle écume les plateaux, la matière sonore manque encore dans les écouteurs. Deux titres seulement sont disponibles mais elle n’a pas l’impression d’avoir brûlé les étapes : « La scène m’a permis de tester mes chansons. Elle m’a donné envie d’aller vers une musique encore plus dansante, plus électro et plus dark. Maintenant que j’ai trouvé cet univers, il faut le mettre dans un album, ce qui n’est pas évident. » Ce n’est qu’une fois l’effervescence de l’été retombée qu’elle envisage de faire ce grand saut, entourée de ses producteurs et amis à Saint-Nazaire.

Pauline Vinatier
www.rockenseine.com

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