Les pistes cyclables provisoires, ou « coronapistes », seront pérennisées. © CD92/Willy Labre et Olivier Ravoire
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LE VÉLO À LA CONQUÊTE DES TRAJETS DU QUOTIDIEN

Cent vingt kilomètres d’itinéraires supplémentaires, des stationnements, des services dédiés : le plan vélo départemental témoigne d’une ambition sans précédent en faveur de l’émergence d’une « culture vélo » sur le territoire.

Vélotaffeurs », transportant leur « bureau » sur leur dos, familles sur le chemin de l’école, retraités qui s’élancent, et, fendant la mêlée, d’imposants vélos cargo. Les pistes cyclables provisoires ou « coronapistes » aménagées au sortir du premier confinement ont su conquérir un public intergénérationnel. « Leur part dans l’ensemble des déplacements a pu atteindre jusqu’à 30 % par endroit à l’heure de pointe, explique Thierry Dussautoir, chef du service des Mobilités au Département. Elles ont servi de test grandeur nature, en nous permettant d’évaluer la configuration la plus attractive pour les cyclistes. » La longueur de l’itinéraire, sa continuité, sa largeur « pour que les plus rapides, par exemple les vélos à assistance électrique, puissent doubler les plus lents » et sa lisibilité dans l’espace s’avèrent décisifs. Tout comme le sentiment de sécurité « car en ville le premier frein à la pratique reste la peur ». À l’avenir, le Département va poursuivre son effort pour faire du vélo une mobilité du quotidien à part entière, afin de répondre aux aspirations des habitants à des déplacements plus fluides et à une meilleure qualité de vie. « Nous voulons offrir aux Alto-Séquanais la possibilité d’utiliser tous les modes de transport, avec une part intermodale importante, en favorisant les mobilités douces et en multipliant les options possibles, précise le président du Département, Georges Siffredi. Cette stratégie se concrétise sous la forme d’un plan vélo particulièrement ambitieux. » Cent cinquante millions d’euros seront investis d’ici à 2028 en faveur du vélo dans le cadre du plan approuvé par les conseillers départementaux le 18 février. Fruit d’une vaste concertation avec les communes, les territoires et les associations cyclistes, il prévoit près de 120 kilomètres d’itinéraires supplémentaires, soit un triplement du rythme de réalisation par rapport à ces vingt dernières années.

Liberté et fluidité des déplacements, impact carbone réduit, bénéfices en termes de santé… le vélo en ville présente bien des avantages.©CD92/Olivier Ravoire

« Réseau socle »

Les Hauts-de-Seine ne partent toutefois pas d’une page blanche : le linéaire cyclable a quadruplé depuis 2000 et couvre aujourd’hui 40 % des routes départementales. L’offre souffre cependant de faiblesses spécifiques aux territoires hyper-urbanisés : discontinuités et coupures, manque d’interconnexion. « On a aménagé au fil des opportunités, ce qui n’a pas permis de créer un réseau à proprement parler », explique Thierry Dussautoir. Signant la fin de cette « politique des petits pas », ce plan correspond à une vision stratégique claire : la réalisation d’un « réseau socle », avec des itinéraires longs, continus, sécurisés et interconnectés, qui relieront zones d’habitat d’un côté, gares, collèges, zones d’emploi ou de commerce, quartiers enclavés de l’autre…

La liste de ces itinéraires dits « structurants » a été dressée. Les cinquante kilomètres de pistes provisoires, par exemple, seront pérennisés. Réfection des marquages, pose de séparateurs ainsi que de potelets à proximité des carrefours sont au programme dès 2023 pour partie d’entre elles. Une étape elle-même « transitoire » avant les aménagements définitifs. Autre mesure phare, la création d’axes interdépartementaux entre La Défense et la vallée de la Seine et entre le sud du territoire et Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines le long des navettes domicile-travail. Cinq en tout. Des continuités seront assurées également avec les départements limitrophes ainsi qu’avec le RER Vélo porté par le Collectif vélo Île-de-France et la Région – un projet de réseau cyclable alternatif au réseau lourd. Sans oublier les « dessertes urbaines principales » vers les villes. Enfin viennent les rabattements en direction des gares ou futures gares – notamment des lignes 15 Sud et 18 du Grand Paris Express – et la résorption des principales coupures, urbaines ou naturelles. « Les franchissements de Seine sont souvent des points noirs, souligne Thierry Dussautoir. Sur le pont d’Asnières par exemple, la circulation ne permet pas de supprimer une file et les trottoirs ne sont pas assez larges. La solution pourrait être une passerelle. »

Partager l’espace

Dans l’esprit des pistes cyclables provisoires, les itinéraires seront aussi larges et sécurisés que possible. Leur conception, première étape invisible de ce plan, prendra notamment en compte les questions de continuité dans les carrefours ou encore le partage de l’espace avec les piétons. La réalité du terrain incite en effet à la prudence : « Quand le revêtement leur semble plus agréable ou adapté que le trottoir, les piétons peuvent être tentés d’emprunter la piste… Il faut donc penser l’accessibilité de la voirie dans son ensemble et pas seulement pour un type d’usager. » Les travaux seront réalisés par le Département avec l’appui des communes. Bien que ne faisant pas partie des routes départementales, les trois véloroutes nationales de loisirs et de tourisme, très fréquentées aux beaux jours, sont partie intégrante du plan. La plus récente est La Seine à vélo, mise en service en 2020, à laquelle s’ajoute l’Avenue Verte Paris-Londres et la Véloscénie, reliant Paris et le Mont Saint-Michel. Dans sa partie alto-séquanaise, cette dernière sera, comme les deux autres, entièrement jalonnée. Quant à la Promenade départementale des Vallons de la Bièvre ou Coulée verte, située sur cette Véloscénie et victime de son succès aux heures de pointe, elle « doit retrouver sa vocation de loisirs ». L’aménagement des voiries avoisinantes permettrait en effet de déplacer le trafic et de réduire les conflits entre piétons et « cyclistes du quotidien ».

L’accent sera mis sur la signalétique pour rendre les itinéraires lisibles d’un bout à l’autre.©CD92/Olivier Ravoire

Vers une « culture vélo »

Mais les itinéraires ne font pas tout. Le vol ou le manque de stations de gonflage et de recharge sont à eux seuls des freins non négligeables au développement de la pratique. Sur ce volet des services, l’objectif du Département est de multiplier les stationnements, mais aussi de créer des haltes le long des véloroutes ou encore de soutenir la création de points de réparation ou d’autoréparation… Fin 2021 a d’ailleurs été approuvé le déploiement sur le territoire de la marque « Accueil vélo » qui garantit accueil et services adaptés dans un rayon de moins de cinq kilomètres autour d’un itinéraire cyclable balisé. Enfin pour encourager le développement d’une « culture vélo » dès le plus jeune âge, le Département soutiendra les actions des communes et des associations – vélo-école, sécurité routière, éducation à la maintenance… – tout en approfondissant ses propres interventions en direction des collégiens : piste-école au parc départemental des Chanteraines, à Villeneuve-la-Garenne, réalisation d’un kit vélo pour les professeurs dans le cadre du brevet de sécurité routière…

Combinant infrastructures, services dédiés aux cyclistes et « culture vélo » au sein d’un seul et même écosystème, ce plan créé toutes les conditions d’un nouvel essor de la pratique. De quoi viser l’objectif national de 9 % de part du vélo dans les déplacements du quotidien ? La balle est aussi dans le camp des Alto-Séquanais : nombre de petits trajets de moins de cinq kilomètres, pour aller au travail ou même pour aller chercher le pain, pourraient être effectués à vélo, voire de plus de dix kilomètres avec l’assistance électrique. Dans le cadre d’une démarche d’amélioration continue, des comptages ainsi que des enquêtes de satisfaction auprès des usagers permettront d’ajuster si besoin la trajectoire de ce plan d’ici à 2028. 

Pauline Vinatier

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