CD92/Olivier Ravoire
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« L’exigence d’innovation est la marque de fabrique de notre Département »

Réélu président du Département le 1er juillet dernier, Georges Siffredi a présenté une « feuille de route » très concrète à l’assemblée départementale autour de trois grands axes : les solidarités, l’attractivité et le développement durable.

©CD92/Olivier Ravoire

Tout d’abord, quels enseignements tirez-vous du scrutin départemental ?
Comment ne pas évoquer l’abstention record qui a marqué ces élections régionales et départementales ? Elle ne peut manquer d’interpeller chacun des élus que nous sommes, attachés à la démocratie représentative et à la légitimité que confèrent les urnes. Pour l’expliquer, on nous a dit à peu près tout… et son contraire. Pour ma part, je considère que si nos concitoyens ont déserté les bureaux de vote, c’est avant tout parce qu’ils ne se retrouvent pas dans un face-à-face artificiel entre progressisme et populisme : à vouloir éliminer les partis qui structuraient l’échiquier politique, on finit par anesthésier la démocratie…

Quel seraient, selon vous, les solutions pour y remédier ?
Par le respect des engagements que nous prenons, par la clarté du cap que nous fixons, par la constance de l’action que nous conduisons, nous, élus de proximité, nous pouvons démontrer, concrètement, que la dévaluation du politique n’est pas une fatalité. Les maires le prouvent chaque jour, et ce n’est pas un hasard s’ils constituent le socle sur lequel repose la confiance des Français : ils sont appréciés, ils sont respectés, ils sont écoutés. La politique départementale ne saurait se faire sans eux, et je me félicite que siègent désormais dans notre assemblée douze maires, soit un tiers des édiles de notre département.

Le « couple » ville/Département a donc encore un rôle a jouer ?
Il a prouvé, pendant la crise sanitaire, sa pertinencee et son efficacité, pour agir vite et bien. Il est appelé à jouer un rôle majeur dans le sursaut démocratique que j’appelle de mes vœux.

Vous avez présenté le 1er juillet une « feuille de route » très concrète à l’assemblée départementale, notamment en ce qui concerne les solidarités…
L’action sociale est en effet plus que jamais au cœur de nos missions : de la petite enfance au grand âge, nous sommes bien souvent en première ligne, dans le soutien aux personnes les plus vulnérables. Dans le domaine de la petite enfance par exemple, nous renforcerons le soutien financier que nous apportons aux crèches municipales et nous revaloriserons l’allocation Bébédom, un dispositif spécifique à notre Département pour aider les familles ayant recours à une assistante maternelle ou à une garde à domicile. La solidarité, c’est aussi penser à ceux qui accompagnent leurs proches vulnérables, avec un dévouement tout à fait admirable. Eh bien, c’est notre rôle de les soutenir, très concrètement, dans leur quotidien. Nous proposerons aux aidants une offre de répit adaptée à la diversité des situations vécues : nous contribuerons à la création d’une Maison du répit à Boulogne, et nous soutiendrons l’ouverture de places d’hébergement temporaires en Ehpad, pour accueillir pendant quelques jours les personnes vivant habituellement à leur domicile et, ainsi, permettre à leurs proches de souffler.

Vous souhaitez que le Département puisse proposer des solutions innovantes sur les questions de société ?
C’est ce qu’a toujours fait le Département des Hauts-de-Seine : dans bien des domaines, nous avons été à l’avant-garde des politiques publiques, initiant des projets qui ont, souvent, été repris par d’autres. C’est dans cet esprit que nous avons créé, avec nos voisins des Yvelines, l’agence interdépartementale de l’autonomie dont l’objectif est l’émergence de solutions nouvelles qui nous permettront de construire l’offre de services de demain, pour prévenir les situations de dépendance et mieux accompagner les personnes âgées ou touchées par le handicap. Au-delà des enjeux essentiels du maintien à domicile, je veux que nous accompagnions l’effort de diversification des établissements d’accueil médicalisés, pour en faire des lieux de vie agréable et permettre aux familles de trouver des solutions d’hébergement adaptées. Nous devons travailler, en interne et avec les professionnels de ce secteur, à la conception de l’Ehpad de demain, pour élargir l’offre de services, proposer des espaces partagés et favoriser la mixité des résidents. Le modèle économique actuel ne permet pas aux Ehpad de financer des travaux sans augmenter le prix de journée, qui est déjà élevé : je proposerai que le Département participe à ce financement, afin que ces établissements puissent faire évoluer leurs prestations sans augmenter leurs prix pour nos concitoyens.

La coopération avec le Département des Yvelines est donc appelée à se poursuivre ?
Ce travail interdépartemental se poursuivra, partout où cela est utile, partout où l’on pourra, ensemble, faire mieux, au service de nos concitoyens. Nous allons par exemple ouvrir cet automne un foyer dédié aux troubles autistiques et qui répondra, enfin, aux attentes des familles, contraintes, aujourd’hui, d’aller chercher en Belgique une solution pour leurs proches.  Cet équipement sera tout à fait unique en France : il démontre aussi toute la pertinence de ce travail commun, dont on nous a, si souvent, fait le reproche… S’agissant de la protection de l’enfance, nous avons aussi mené, ensemble, une réflexion qui a conduit à la création de l’Institut du psychotraumatisme de l’enfant, avec l’hôpital de Versailles. C’est un premier pas, décisif, qui permettra d’améliorer la prise en charge médicale et psychologique de ces enfants, que la vie a profondément fragilisés.

Concernant la protection de l’enfance, vous avez également confié au pédopsychiatre Marcel Rufo un projet de structure innovante…
Je veux que l’exigence d’innovation, qui est la marque de fabrique de notre Département, s’exprime pleinement pour nous permettre de faire face, de manière apaisée et raisonnée, dans un esprit de responsabilité, loin des polémiques ou des tentatives d’instrumentalisation, à ce défi : assurer la protection des enfants qui nous sont confiés, et les accompagner vers une vie d’adulte qui soit personnellement, socialement et professionnellement, stable et épanouie. Ce projet, totalement inédit en France, proposera un accompagnement global, associant bien sûr le soin médical et paramédical, mais aussi – et c’est indispensable – les dimensions éducatives, culturelles, sportives, ainsi qu’un lieu d’accueil et d’hébergement sur le principe d’un internat d’excellence. Il pourra servir, à l’avenir, de modèle pour d’autres départements, puisqu’ils sont tous confrontés aux mêmes problématiques.

D’une manière générale, pensez-vous que la jeunesse a été particulièrement éprouvée par la crise sanitaire ?
Je tiens surtout à ce qu’elle ne soit pas la grande oubliée de ces années de tourments. Aujourd’hui, nombre d’entre les jeunes sont confrontés à une difficulté majeure : l’entrée dans la vie active. Ils sont, bien souvent, livrés à eux-mêmes pour trouver un premier emploi et, avant même d’arriver sur le marché du travail, pour trouver les stages nécessaires à la validation de leur cursus. Pour combler ces carences, nous allons mobiliser nos efforts pour, en quelque sorte, rapprocher l’offre de la demande, en faisant le lien entre, d’une part, les acteurs économiques, nombreux et variés, de notre territoire, et d’autre part, les formations en alternance et les structures d’apprentissage – encore trop peu valorisées en France.

Les solidarités sont plus que jamais au cœur de nos missions

Quels seront les grands projets de la mandature ?
À ce jour, ce sont plus de 2,5 milliards d’euros que nous prévoyons d’investir au cours des prochaines années. Ces investissements concernent, bien évidemment, les mobilités, enjeu décisif s’il en est, pour faciliter les déplacements de ceux qui vivent et travaillent dans notre Département. Plus de 600 millions d’euros sont prévus pour les seules opérations en cours jusqu’en 2024, qu’il s’agisse des aménagements de voirie, des nouvelles lignes de tramway, du prolongement des lignes de métro 4 et 14, ou du financement de grandes lignes de transport telles que le RER E avec Eole. D’autres projets d’infrastructures seront portés au cours de cette mandature, en lien avec les autres acteurs impliqués, à commencer par l’État et la Région, pour toujours mieux desservir nos villes et notre territoire. Notre attractivité repose également sur la présence d’équipements majeurs dont la renommée et le rayonnement dépassent largement les frontières de notre département, comme La Seine Musicale ou la Paris La Défense Arena. Nous conforterons cette dynamique avec le nouveau musée Albert-Kahn à Boulogne, le musée du Grand siècle à Saint-Cloud, le centre aquatique de la Grenouillère à côté du parc de Sceaux, le stade départemental Yves-du-Manoir – qui accueillera, en 2024, les épreuves de hockey sur gazon puis, après les Jeux, la Fédération française de hockey et son centre national d’entraînement des équipes de France -, et, bien évidemment, le développement et la transformation de Paris La Défense, premier quartier d’affaires européen.

Nous allons aussi investir plus de 800 millions d’euros pour l’entretien, la rénovation et la construction des collèges. Au moins dix nouveaux collèges seront livrés au cours de cette mandature, ainsi que l’école européenne de Courbevoie et, pour tenir cet objectif, les délais de construction de ces nouveaux établissements seront ramenés de 7 à 5 ans. Nous apporterons aussi un soutien massif aux programmes de renouvellement urbain de nos villes, grâce au nouveau dispositif « Quartiers d’avenir », doté d’une première enveloppe de 150 millions d’euros. Enfin, la troisième priorité que j’entends donner à notre mandature, est que nous prenions toute notre part à l’effort qui doit être engagé, collectivement, pour répondre à l’urgence climatique.

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Concrètement, que proposez-vous ?
La « stratégie nature » que nous allons déployer vise à ce que chaque Alto-Séquanais soit à moins de quinze minutes à pied d’un espace de nature : d’ici cinq ans, nous aurons rénové ou acquis 80 hectares d’Espaces naturels sensibles supplémentaires, créé cinq kilomètres de plus de grandes promenades en berges de Seine, planté 18 000 arbres, installé ou rénové 50 jardins potagers dans nos collèges et végétalisé leurs cours de récréation. Mais je considère que l’enjeu du développement durable ne se limite pas à l’environnement. Il doit être pris en compte dans l’équilibre de toutes ses dimensions : environnementale, sociale, humaine et économique.

Vous pensez, par exemple, aux déplacements ?
Notre Département compte 151 kilomètres de voies cyclables – ce qui représente 44 % du linéaire total de voirie départementale – et nous allons développer ce réseau en pérennisant l’essentiel des 80 kilomètres d’aménagements temporaires que nous avons réalisés en mai 2020, à la sortie du premier confinement, et en finalisant, d’ici à la fin de cette année, un plan global pour assurer la continuité des circulations cyclables sur l’ensemble du Département. La performance énergétique des bâtiments, secteur très énergivore et émetteur de CO2, constitue un autre axe majeur d’action. Je veux que nous allions bien au-delà des exigences actuelles dans ce domaine, en mettant en place un nouveau référentiel de qualité environnementale de nos bâtiments et en privilégiant les matériaux bio-sourcés et les constructions en bois : cela nous permettra de réduire fortement les consommations d’énergie, de diminuer de 40 % l’impact carbone des constructions. Ce ne sont pas là de grandes déclarations d’intention, mais des engagements, précis et concrets, dont nous pourrons faire le bilan le moment venu. 

 

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