Ancienne notaire, Carole Fraile s’est reconvertie dans la céramique à Malakoff. Ses créations ornent les tables de grands chefs étoilés. © CD92/Julia Brechler
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DES MAINS DANS LA TERRE

 

La céramiste Carole Fraile s’inspire de la nature pour créer des objets de décoration et d’art de la table en grès et en porcelaine. Un travail délicat, récompensé par le label Artisan du tourisme.

’atelier baigné de lumière possède une baie vitrée qui donne sur la rue, interpellant et intriguant les promeneurs de passage dans cette charmante impasse de Malakoff. « L’artisan souffre beaucoup d’isolement et il est difficile de nous faire connaître. J’aime beaucoup l’interaction et avoir des coups d’œil et des regards de l’extérieur, je trouve cela très nourrissant. » Carole Fraile s’est installée il y a peu dans ce nouveau local aux étagères bien fournies de ses créations : des petits pots destinés à accueillir des gressins, des assiettes, des tasses, des panières… Et tout en haut, accroché au mur, un panonceau de notaire largement customisé avec des coquillages, seul signe de l’ancienne vie de cette Malakofiotte. « Le déclic a été à la fois simple et compliqué, se souvient-elle. J’ai visité un marché de Noël et suis tombée sur une céramiste avec qui j’ai pris quelques cours. Et puis je suis tombée dans la marmite ! »

De sac de terre en sac de terre, Carole Fraile se forme, lit des tonnes de livres sur la céramique, apprend à tourner, achète un four pour cuire ses créations. La pandémie a été pour une fois une période bénéfique pour cette artisan qui en a profité pour s’exercer. « Au départ, c’était un loisir, sans intention derrière, mais qui me rendait juste hyper-épanouie. Très vite, j’ai eu beaucoup d’appétit et j’ai voulu voler de mes propres ailes. » Elle travaille avec la Chambre de métiers et de l’artisanat (CMA92) pour développer son entreprise en cernant le profil de ses clients ou en réfléchissant à sa gamme de prix puis le bouche à oreille a fait le reste. Aujourd’hui, la créatrice collabore avec des chefs étoilés. « Travailler avec eux a été un véritable accélérateur. Nos métiers sont finalement assez proches puisqu’il est question de transformation de la matière, de travail avec des produits qu’offre la terre et de cuisson… » La céramiste imagine des vases et des carafes mais aussi des pièces plus artistiques et des objets de décoration comme des luminaires, des suspensions et des chandeliers.

« Slow life »

L’instinct est au cœur du travail de Carole Fraile. Cette insatiable passionnée de vulcanologie a parcouru les sommets grondants de la planète et étudié les sols et les roches. De ces périples, elle a ramené des couleurs : un noir profond, dont elle aime couvrir l’extérieur d’une pièce, mais aussi des verts et des bleus qui rappellent la nature et les fonds marins. Avec elle, tout est prétexte à la création : le relief d’un coquillage ramassé s’affiche sur un gobelet, une fleur cueillie dans un jardin, une algue marine, et même une dentelle de grand-mère s’impriment au fond d’une assiette ou sur une petite tasse. Ce travail très poétique peut devenir également très terre à terre avec une panière rectangulaire qui épouse les dimensions… d’un smartphone.

J’aime beaucoup l’interaction et les regards extérieurs, je trouve cela très nourrissant.

Carole Fraile a dû également dompter ses deux matières fétiches : le grès – une argile prélevée dans la nature – et la porcelaine avec un temps de séchage à respecter dans des conditions hygrométriques précises et une cuisson rigoureuse mais aux résultats souvent aléatoires dans le four électrique installé au fond du jardin. « La céramique, c’est vraiment la slow life. Respecter la terre, c’est l’essence du métier et c’est ce qui rend si belle la chose », souligne-t-elle en maniant l’estèque, la pièce qui sert à lisser la terre. Ses pièces sont cuites deux fois, la première à 900°C pour empêcher l’argile de redevenir boue et la deuxième à 1250°C après l’émaillage. Carole Fraile a poussé particulièrement loin son art puisqu’elle créé elle-même ses propres émaux, opération délicate qui nécessite de solides compétences de chimiste. « Un travail de recherche très intéressant qui a pris du temps pour trouver la bonne formule. »

Carole Fraile devient Artisan du tourisme pour la deuxième année de suite. « Pour moi, ce label est évident car le tissage du lien doit se faire sur le territoire et je suis très attachée à l’ancrage et à la proximité. Je suis contente que les gens sachent ce que je fais ici. » Dehors, les passants continuent de jeter un œil curieux sur l’atelier, signe que le lien commence à se nouer. 

Mélanie Le Beller
instagram.com/carole.fraileceramiste

14 nouveaux « Artisans du tourisme »

Lancé en 2018 par le Département et la Chambre de Métiers et de l’Artisanat des Hauts-de-Seine (CMA92), le label « Artisan du tourisme » a pour objectif de promouvoir la diversité des savoir-faire artisanaux locaux. La promotion 2022, dévoilée le 14 avril dernier, compte 93 noms – 48 pour les métiers d’art et de la création et 45 pour les métiers de bouche – soit neuf de plus à l’an dernier. Quatorze candidats font leur apparition dans la liste des labellisés. Le Département soutient cette action à hauteur de 53 000 €.
www.artisantourisme.fr

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