Sur une suggestion des élèves et des professeurs, la cour arbore désormais une classe extérieure dont la disposition rappelle un amphithéâtre. CD92/Olivier Ravoire
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DEUX NOUVEAUX COLLÈGES ET UN CHANGEMENT D’ÈRE

Face aux enjeux environnementaux, le Département s’engage à réaliser des bâtiments sobres en énergie, durables et d’un haut niveau de qualité d’usage. Deux établissements livrés en cette rentrée, Anne-Frank, à Antony et La Fontaine du Roy, à Ville-d’Avray, illustrent cette démarche.

Au collège Anne-Frank d’Antony, la réhabilitation énergétique a dû composer avec le projet architectural de Jean Nouvel, qui avait dessiné le bâtiment en 1980.©CD92/Olivier Ravoire

Cela débute dès la façade, rythmée par des carrés rouge vif, et se poursuit par des jeux et des détournements multiples dans les couloirs : piliers ornés de colonnades grecques, corniches servant de supports à des câbles apparents, plafonds sans dessus-dessous – dont les caissons sont en fait des moules ayant servi à couler les dalles… Au collège Anne-Frank d’Antony, élèves et professeurs ont retrouvé en cette rentrée l’univers graphique, déroutant et même un peu potache de leur établissement – une œuvre de jeunesse de Jean Nouvel, inaugurée en 1980, avant la décentralisation. « À cette époque, on vous donnait un catalogue avec des éléments types. Nouvel a du s’y plier mais a effectué à sa façon une critique du cahier des charges », explique Stéphane Bauche, du cabinet Mars Architectes, membre du groupement retenu pour cette réhabilitation. De tout cela ne demeurait au début des travaux, il y a deux ans, qu’un squelette : poteaux, poutres, planchers… « Le sujet pour nous était le parti pris architectural dans le respect de l’œuvre de Jean Nouvel. Il fallait reprendre ses clés et ses discours tout en les réinterprétant, en les remettant au goût du jour. » Pour masquer l’ajout d’une isolation par l’extérieur, le choix a ainsi été fait d’une grille en caillebotis, « technique déjà utilisée par Jean Nouvel », ainsi que de nouveaux vitrages plus performants, transparents ou sérigraphiés. « Ce n’est plus la même façade, ni les mêmes matériaux, mais le dessin d’origine est respecté », résume Stéphane Bauche. De la même manière, si les salles ont été redistribuées et certaines circulations modifiées, les murs conservent ostensiblement leurs parpaings numérotés dans l’ordre de pose – autre facétie de l’architecte.

Au collège La Fontaine du Roy de Ville-d’Avray qui ne présentait pas le même enjeu patrimonial, le contraste est saisissant entre l’avant et l’après. Au terme d’un chantier complexe en site occupé, derrière une façade modernisée et agrandie, l’intérieur est méconnaissable : « Les espaces communs étaient insuffisants et mal agencés, ce qui compliquait le quotidien. Ce collège n’était plus conforme aux standards actuels d’enseignement », explique le directeur du projet au Département, Patrick Bobin. Deux extensions ont permis de réorganiser les activités et d’en accueillir de nouvelles, comme une cuisine de production sur place, tout en cassant le côté « monolithique » du bâtiment, constitué à l’origine de « deux gros cubes posés en quinconce ». Si la cour de récréation sert toujours d’écrin à un pin noir d’Autriche, classé arbre remarquable, elle accueille de nouvelles plantations, tandis qu’un nouveau parvis s’ouvre sur la ville environnante.

Ces treilles métalliques, support pour la végétation, contribuent à la protection solaire du bâtiment les jours les plus chauds.©CD92/Olivier Ravoire

Nouveaux quartiers

Dix collèges, neufs ou réhabilités doivent ouvrir leurs portes d’ici à 2029 au rythme de deux par an, à l’exception d’une pause en 2024. « Le premier motif qui peut pousser à créer un établissement ou à le réhabiliter, c’est la démographie et l’urbanisme : il y a des collèges qui deviennent trop petits, de nouveaux quartiers qui créent de nouveaux besoins ou font que les collèges ne sont plus au bon endroit », explique Ibrahim Ghaliyini, directeur de projet pour le collège Anne-Frank. Ces nouveaux quartiers ou la rénovation urbaine expliquent ainsi la création d’un nouveau collège dans l’écoquartier La Vallée, à Châtenay-Malabry, la reconstruction sur site du collège Joliot-Curie dans le quartier de la Pierre-Plate, à Bagneux, ou encore le déplacement du collège Claude-Nicolas-Ledoux au Plessis-Robinson, pour laisser le champ libre à des logements. Des scénarios plus techniques peuvent aussi intervenir. « Nous n’avons pas de problème de vétusté car les collèges sont bien entretenus. Par contre les sujets énergétiques, qui touchent aux fonctions primaires du bâtiment, peuvent déclencher des travaux importants », précise Patrick Bobin. Anne-Frank et La Fontaine du Roy étaient dans ce cas de figure. Dans ces deux collèges, les travaux ont permis de réduire les consommations énergétiques respectivement de 38 et 40 % grâce une meilleure isolation et à des systèmes plus performants – au passage Anne-Frank a troqué le gaz contre un raccordement à un réseau de chaleur et La Fontaine du Roy s’est doté de panneaux solaires. « Ex-passoires thermiques », ces deux établissements « ont mis la barre très haut en termes d’énergie et de qualité de l’air. » À ce titre et par leur exigence en matière de bien-être des usagers, ils illustrent les ambitions du référentiel de qualité environnementale du Département.

Les bâtisseurs doivent désormais se projeter sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment.

Se sentir bien

Sous le sigle « QEB », ce cahier des charges créé en 2020 vise l’exemplarité pour tous les bâtiments départementaux, des bureaux aux pôles sociaux en passant par les collèges qui forment les deux tiers du parc. Sur le seul volet thermique, l’objectif est une amélioration significative des consommations – moins 40 % pour les réhabilitations lourdes et 95 kWh au m2 maximum pour les nouveaux collèges, contre 130 en moyenne à ce jour. Au-delà, c’est tout l’impact carbone des bâtiments qui devra diminuer, de l’ordre de 40 %. « Sur un certain nombre de points, le référentiel se montre plus prescriptif que la règlementation actuelle, souligne Véronique Chandelier, directrice des bâtiments de la collectivité. Il porte une approche à 360 degrés des sujets environnementaux. Cela va jusqu’à la prise en compte de l’impact des bâtiments sur les sites existants et la biodiversité ». Exemple avec le nouveau collège de Gennevilliers, où est envisagée la création d’habitats pour la faune sauvage en lien avec la Ligue pour la protection des oiseaux. Ce référentiel qui oblige « à adopter une approche systématique et cadrée » des sujets environnementaux englobe en outre le confort d’usage. « Il s’agit de prendre en compte les impératifs de santé comme la qualité de l’air mais cela renvoie aussi au fait de bien se sentir dans les différents espaces », précise Ibrahim Ghaliyini. Dans la cour, « avoir un endroit pour discuter ou se mettre à l’ombre » ; dans les classes, « une bonne lumière naturelle sans pour autant être aveuglé » .

Classe extérieure

Avec 3 200 m2 de surface vitrée, le confort d’été était un enjeu majeur au collège Anne-Frank. La pose de « casquettes » brise-soleil sur la façade sud, la plus exposée, et la création de nouvelles treilles végétalisées à l’est et à l’ouest assurent une protection contre les ardeurs du soleil. Inoccupé les mois les plus chauds, le collège n’est pas climatisé mais « surventilé naturellement », tandis qu’« en prévention d’un réchauffement dans les décennies à venir », certaines salles ont été équipées de façon à pouvoir accueillir des « brasseurs d’air ». Pour se rapprocher du plan de 1980, les architectes ont aussi rétabli les patios intérieurs, en partie bouchés, supprimé les faux plafonds et reconstitué les quatre « pyramides » de Jean Nouvel scandant l’espace – en améliorant leur confort acoustique. Sous l’une d’entre elles, élèves et professeurs dégustent chaque midi des plats réalisés dans la cuisine de production flambant neuve – une extension de 300m2 a dû être créée pour cela. Enfin la cour, gratifiée d’un nouveau préau, joue les îlots de fraîcheur : sol en béton drainant, nouvelles plantations, jardin pédagogique et même « classe hors les murs » pour les beaux jours – des bancs courbes disposés en amphithéâtre qui transportent en Grèce antique. « C’est une suggestion des élèves et des professeurs, explique Ibrahim Ghaliyini. Cette classe extérieure avait été expérimentée dans le collège provisoire le temps des travaux. » « Dès que cela s’y prête », comme dans le cas d’une reconstruction sur site, l’objectif sera d’associer les usagers aux travaux : une toute première concertation vient d’avoir lieu au sujet de la reconstruction du collège Joliot-Curie de Bagneux qui a permis d’aborder avec la communauté éducative le réaménagement de la cour, des toilettes ou encore des espaces communs d’activité.

Sur les façades, le recours à des panneaux de couleur sérigraphiés accroît la luminosité des salles.©CD92/Olivier Ravoire

Bâtiment autonome

Pour les nouvelles constructions, le référentiel « QEB » impose aux bâtisseurs de se projeter sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment. La phase de conception est pour cela déterminante : « En partant de l’hypothèse d’une cinquantaine années de vie, on calcule les émissions de carbone du bâtiment. On essaie ensuite de trouver les moyens de diminuer au maximum cette empreinte », poursuit le directeur de projet. Dès lors, pas moins de 90 % des déchets de chantier doivent être valorisés tandis que s’agissant des matériaux, les structures en bois et autres éléments biosourcés sont privilégiés : briques de terre crue, liège, paille, chanvre, ouate de cellulose, textile recyclé, laine… Selon une approche dite « bioclimatique », le bâtiment doit en outre être pensé en lien avec son environnement. « On ne peut plus se contenter de le “poser” quelque part, souligne Véronique Chandelier. Il faut l’orienter du mieux possible pour maximiser le confort d’été ou d’hiver, pour limiter les besoins en lumière artificielle ou les nuisances sonores, s’il est situé non loin d’une voirie. Le bâtiment doit être le plus autonome possible. » Avec un même référentiel, cela donne autant de collèges qu’il y a de sites. « Dans un collège à l’ombre de tours vous pouvez toujours mettre du photovoltaïque mais cela ne servira à rien. À certains endroits, la géothermie sera pertinente, et ainsi de suite. » Au moins 30 % des consommations doivent provenir des énergies renouvelables : géothermie, solaire, biomasse, pompes à chaleur…

Temps d’avance

Le référentiel « QEB » a précédé et alimenté l’ambitieuse stratégie interdépartementale d’écoconstruction présentée aux fournisseurs des Yvelines et des Hauts-de-Seine en début d’année. « Plus que jamais nous devons nous pencher sur nos principaux postes d’émissions de gaz à effet de serre et activer tous les leviers de décarbonation à notre disposition. Cette évolution est une nécessité face au changement climatique. Nous sommes les acteurs d’une écologie du quotidien qui transforme réellement les choses parce que nous investissons massivement », avait expliqué à cette occasion Georges Siffredi, président du Département. Ce cahier des charges, mis à jour avec l’arrivée de la réglementation environnementale RE2020, va nécessairement continuer d’évoluer. « On a encore beaucoup de choses à explorer sur le réemploi des matériaux et on peut imaginer de nouveaux types de béton biosourcés, plus performants, précise Véronique Chandelier. L’objectif est d’avoir toujours un temps d’avance. » Précurseurs de cette démarche bas carbone qui devrait encore monter en puissance dans les années à venir, les collèges d’Antony et de Ville-d’Avray entament une nouvelle vie en cette rentrée. À ce titre, leur consommation et leur « comportement » au contact des usagers seront attentivement scrutés par le Département. 

Pauline Vinatier
Lire aussi notre article sur la sobriété énergétique des bâtiments.

 

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