Le groupe a pris la température contre l’Espagne et la Belgique puis face à l’Allemagne lors du test event organisé par Paris 2024. Photo : CD92/Olivier Ravoire
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LE HOCKEY FÉMININ À L’ABORDAGE DU TRÈS HAUT NIVEAU

Pionnières de leur discipline, les Bleues ont préparé au Creps de Châtenay-Malabry leur participation aux épreuves olympiques de hockey sur gazon cet été. Un événement dont elles veulent faire un tremplin pour le développement de leur sport. 

À peine descendues de l’Eurostar, cornaquant leurs valises pachydermiques, les joueuses apparaissent les unes après les autres dans la salle du déjeuner. Le dernier stage ne remonte qu’à une semaine mais elles ne boudent pas leur plaisir de se retrouver. Après s’être servie sur le buffet préparé par le Creps, la milieu de terrain Emma Ponthieu refait le match du week-end avec Inès Lardeur, son homologue et adversaire dans le championnat belge. « Je t’ai battue comme toujours », plaisante la capitaine de l’équipe de France au-dessus d’une assiette généreuse mais diététique. De la nutrition au sommeil, elles ont appris à observer une stricte hygiène de vie, cette préparation olympique justifiant à leurs yeux bien des sacrifices. « Je fais du hockey depuis l’âge de six ans, raconte Inès. Les JO ont toujours été un rêve mais un rêve inaccessible, étant donné que l’équipe de France féminine n’y avait jamais participé. Maintenant qu’il se réalise, je veux être au maximum de ma performance. » 

Les Bleues ont dû soulever de la fonte pour se développer sur le plan athlétique.© CD92/Olivier Ravoire

Paris-Bruxelles

Grandes voyageuses, depuis février 2024 elles enchaînent les allers-retours entre leur club, en Belgique le plus souvent, et le Creps de Châtenay-Malabry pour des stages hebdomadaires de trois jours contre deux 2023 et un seul jour dès leur qualification acquise en 2022. « Les avoir aussi souvent, et qu’elles puissent se rendre disponibles, est un luxe que n’a pas Didier Deschamps », souligne le sélectionneur Gaël Foulard. Elles bénéficient aussi de l’expertise de l’entraîneur adjoint, du préparateur physique, d’un vidéo-analyste, d’un médecin, de deux kinés, d’un préparateur mental et sont accompagnées au quotidien par une team manager, soit pas moins d’une dizaine de professionnels déployés par la fédération. Pour le lieu, une convention a été passée avec le Creps Île-de-France qui regroupe sur un même site toutes les infrastructures nécessaires : les chambres et la restauration, le terrain en synthétique et les salles de musculation ainsi que de redoutables mais bénéfiques « bains glacés » où les organismes récupèrent dans une eau à 10 degrés. 

Avec 23 ans de moyenne d’âge, le groupe est l’un des plus jeunes au niveau international. Si la benjamine comptait enchaîner cette année baccalauréat et Jeux, nombre d’entre elles ont bouleversé leur emploi du temps pour mettre toutes les chances de leur côté (les vingt-quatre sélectionnables devaient être portées à dix-neuf le 8 juillet, Nldr). « Beaucoup d’entre elles font des études assez longues, sachant qu’elles ne pourront pas gagner leur vie grâce au hockey, explique la team manager Carole Teffri qui accompagne au sein de la cellule socio-professionnelle fédérale leur « double projet » et la quête de financements associés : bourses, aides de la fédération ou de leur club, mécénat… Plus âgées, les trois « cadres », en convention d’insertion professionnelle (aménagement du temps de travail des athlètes, Ndlr), se sont pareillement adaptées. « Entre l’équipe de France et mon club à Bruxelles, je ne pouvais exercer mon métier de psychomotricienne à Lille qu’un jour par semaine et je ne pense pas que j’aurais pu tenir un rythme aussi soutenu cette année », explique Emma, qui n’a pas reconduit sa « CIP » tandis que la défenseuse Albane Garot, elle, a suspendu son activité dans le marketing en mai. « J’avais des congés en réserve, étant donné que je n’ai pas pris de vacances jusqu’ici !  », sourit-elle.

Une telle exigence est éprouvante tant pour les corps que pour les esprits. « On a l’impression de ne plus avoir de vie, mais on sait pourquoi on fait tout cela », résume Albane, reconnaissante du soutien de sa famille, de ses coéquipières, de son club et même de ses collègues allemands. « Je sais qu’ils m’encourageront même si je suis la petite Française et que je joue contre leur pays ! » Inès, elle, s’est découvert des ressources insoupçonnées pendant cette période. « On ne vit plus que pour le hockey, sans compter le stress de l’événement. La fatigue mentale est sans doute la plus difficile à gérer, heureusement je suis bien accompagnée. J’en apprends beaucoup sur moi-même et je garde une grande part de plaisir car je suis passionnée. » 

Évoluant en majorité dans le championnat belge, les joueuses ont réussi à se rendre disponibles trois jours par semaine pour l’équipe de France.© CD92/Olivier Ravoire

Dans la cour des grands

La nécessité pour le pays hôte de décrocher son ticket olympique (en vigueur depuis Rio, en 2016, Ndlr) a été un formidable accélérateur pour le groupe. De la 32e place mondiale en 2018, les Bleues ont passé le cap de la 25e place qualificative en 2022 puis celui de la 20e place, remportant la coupe d’Europe II (deuxième division) en août 2023. L’objectif n’est certainement pas de s’arrêter là. « Quinze jours après les Jeux, nous disputons un tournoi en vue d’accéder à la première division européenne qui équivaut au meilleur niveau mondial, annonce Gaël Foulard. rentrer dans cette compétition A, c’est arriver dans la cour des grands. » La jeunesse de son groupe, qui l’autorise à entrebâiller la porte vers la coupe du Monde 2026 et les JO de Los Angeles, est à la fois une force et une faiblesse qu’il s’emploie à atténuer. Le cycle de musculation mis en place cet hiver a laissé un souvenir pénible à ses jeunes joueuses mais leur permet d’être moins malmenées par leurs aînées, plus expérimentées et plus robustes. « La réalité de notre sport aujourd’hui, c’est d’être un athlète qui joue au hockey. » La cohésion du groupe, où chacune a son petit surnom, sert aussi ce projet. « Beaucoup d’entre nous avons fait nos classes de jeunes ensemble et sont arrivées en même temps dans le groupe. Le fait de bien se connaître nous aide à nous comprendre sur le terrain », explique Albane. 

De la 32e place mondiale en 2018, les Bleues ont passé le cap de la 25e place qualificative en 2022

Main gauche gantée, protège-tibias et protège-dents bien en place, capteur de fréquence cardiaque dans le dos (sept kilomètres sont parcourus en moyenne en trente minutes, intensité justifiant des rotations toutes les trois minutes en compétition, Ndlr), les Bleues s’échauffent sous un ciel menaçant qui tourne à l’averse. À deux jours d’une nouvelle rencontre amicale, la séance met l’accent sur les exercices d’opposition et sur l’emblématique penalty corner, déclenché par une faute dans les 22 mètres. « C’est un geste qui peut faire la différence au score. De grandes équipes comme les Pays-Bas ont un taux de réussite de l’ordre de 30 % », remarque le vidéo-analyste Dorian Hoarau. Après avoir joué contre des adversaires de leur trempe ou d’un niveau légèrement supérieur, les Bleues ont affaire à plus forte partie. « Nous avons joué (sic) l’Espagne, numéro 7, la Belgique numéro 5 mondial et nous nous apprêtons à jouer l’Allemagne, numéro 3 mondiale (en mai, à l’occasion du test event organisé par Paris 2024 à Colombes, Ndlr). C’est la réalité de ce qui nous attend cet été », reprend Gaël Foulard. 

Ce 8 juillet devaient être dévoilés les noms des seize titulaires et des trois remplaçantes.© CD92/Olivier Ravoire

Performance durable

La fédération porte un projet de « performance durable » pour ses deux groupes élite qui ont bénéficié d’une égalité de moyens dans leur préparation, malgré le meilleur classement de l’équipe masculine (9e mondiale). « Chez les femmes comme chez les hommes, on est loin d’avoir professionnalisé les joueurs et les clubs. Tout doit commencer par les équipes de France et après les Jeux, il faudra sanctuariser ce niveau de préparation », estime le directeur technique national, Benoît Gallet pour qui la qualification des dames était en soi un objectif. « Les Jeux vont maintenant leur permettre d’avoir l’expérience du très haut niveau. » Aux yeux du dirigeant, ils sont aussi l’occasion de se positionner « en alternative par rapport à des “sports co” perçus comme masculins comme le football ou le rugby. » La discipline a cependant du chemin à faire. Albane l’a constaté tout au long de ses années de formation au Cercle athlétique de Montrouge : « Combien de fois me suis-je entendue dire que je faisais du roller sur gazon ! » 

Ce 27 juillet, c’est contre les Pays-Bas, championnes olympiques, du monde et d’Europe en titre, que l’équipe de France lancera « ses » Jeux au Stade départemental Yves-du-Manoir, à Colombes, préambule d’un enchaînement très relevé contre la Belgique, l’Allemagne, le Japon et la Chine. La nation hôte arrive sans pression mais non sans ambition : « Mathématiquement, nous sommes outsiders, mais on ne s’interdit pas de gagner un match voire deux contre les nations les plus abordables », explique Gaël Foulard pour qui le niveau de la France, défavorisée par le jeu des bonus, est supérieur à son rang actuel. « Depuis un an et demi, nous avons battu tout le monde ou fait match nul jusqu’à la 12e place mondiale. » Jouer « à la maison » est un avantage certain et, dans l’enthousiasme de la foule, ces pionnières au parcours déjà historique pourront puiser les ressources nécessaires à la suite de leur épopée.

Pauline Vinatier

 

Des athlètes ukrainiens au Creps de Châtenay-Malabry

Le drapeau bleu et jaune s’est invité au Centre de ressources, d’expertise et de performance sportive (Creps) d’Île-de-France où se succèdent depuis novembre 2023 des sportifs ukrainiens en parabadminton, hockey sur gazon ou encore beach volley. Le site, où sont à résidence 17 pôles espoirs et deux pôles France dont celui de hockey sur gazon, aura profité également aux délégations colombienne (tir à l’arc) et australienne (para-basket) et aux sélections tricolores de parabadminton, de cyclisme et d’athlétisme. Le tout dans des installations rajeunies, inaugurées le 11 juin : espaces de musculation, d’hébergement et de restauration rénovés, création de deux gymnases et onze salles de formation supplémentaires ainsi que des logements hypoxie recréant les conditions d’un séjour en altitude, pour un investissement de 40 M€ de la Région. « Les Jeux nous tirent vers le haut sur le plan humain et nous disposons grâce à eux d’équipements rénovés, modernisés et de haute technologie pour améliorer la préparation des athlètes », rappelle le directeur, Michel Godard. 

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