Au collège Lakanal à Colombes, l’ultime atelier de jardinage de l’année 2020/2021 avec la récolte des derniers radis. Ici, chaque classe de 6e a son carré et les élèves apprennent la SVT les mains dans la terre. CD92/Julia Brechler
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Le potager, une école de vie

Au cours de l’année scolaire, le Département propose aux collèges d’intégrer l’entretien de potagers dans le cadre d’ateliers pratiques. Une expérience concrète pour les élèves, qui mêle apprentissage et ouverture aux enjeux de la biodiversité.

Verveine, romarin, sauge, origan et menthe s’étalent dans les carrés du potager du collège Louis-Pasteur à Gennevilliers, les choux et les blettes sont montés en fleur, bientôt prêts à livrer leurs graines pour les prochaines semailles. « J’aime les plantes et le potager est un atelier que je propose aux collégiens volontaires, explique Nelly Rivals, professeure de français. Chaque année, il s’accompagne d’une sortie en pleine nature. C’est une vraie bouffée d’air frais pour les élèves : on les voit s’ouvrir d’un atelier à l’autre, chacun prend sa place et acquiert de l’autonomie. C’est une activité qui rend heureux… » Cette année, le jardin a dû survivre au confinement, au gel tardif, aux fortes chaleurs de mai… « Nous nous organisons pour venir l’entretenir à tour de rôle, y compris durant les vacances scolaires, avec mes collègues professeure d’anglais, CPE (conseillère principale d’éducation) et documentaliste, précise la professeure. Les pois ont gelé, mais on a pu récolter les fèves. »

Au collège Louis-Pasteur à Gennevilliers, l’atelier Jardin est une initiative de l’équipe éducative, dans le cadre d’un projet pédagogique soutenu par l’Académie de Versailles et le Département.©CD92/Olivier Ravoire
Au contact du potager, les élèves ont acquis de l’autonomie et s’activent pour récolter, bécher et trier les nouvelles graines à semer. « C’est une activité qui les rend heureux », constate leur professeure de français.©CD92/Olivier Ravoire

Cultiver et se cultiver

Les élèves, dix à quinze par atelier, viennent cultiver – et se cultiver – tous les mardis et un vendredi par mois. Ils s’affairaient en mai dernier à nettoyer une plate-bande pour y semer des salades, de l’ail et des échalotes, avec l’aide de Valéry Tsimba, de l’association Le Jardin nourricier, animatrice “jardin” qui vient les initier à la permaculture. Elle leur fournit quelques semences paysannes (reproductibles) et les guide dans leurs gestes. « Ce que nous aimons leur montrer, indique-t-elle, c’est qu’on peut faire beaucoup de choses avec presque rien. Les pots de semis sont des yaourts récupérés et percés. Des palettes servent de supports pour les fraisiers, etc. ». Le Département contribue à l’expérience en fournissant du terreau, des outils, des graines et un composteur, très utile pour montrer le cycle de vie d’un déchet vert à l’humus.

Les élèves s’activent avec beaucoup d’énergie et d’attention. « Ce que je préfère, c’est défricher ! », annonce Nouah en arrachant avec vigueur la moindre « mauvaise » herbe. « Moi, ce que j’adore, c’est quand on mange les cerises et les tomates qu’on a arrosées », glisse Mohammed. « Et moi, dit Sacha, j’aime voir comment tout pousse. La récolte, c’est bien aussi. Je n’avais jamais mangé de blettes. Et ça m’a donné envie de goûter les betteraves ». « Moi, j’ai découvert la roquette », annonce Rosalie. C’est le petit plus dans ce collège de Gennevilliers : l’équipe pédagogique des potagers a passé un partenariat avec les cuisinières de l’association Les Lucettes à l’Agrocité, et en mai ou juin, hors pandémie, ils vont cuisiner ce qu’ils ont fait pousser.

Le potager permet de faire un état des lieux de la biodiversité et d’étudier l’environnement et le climat.

Les professeurs s’appuient sur cet engouement – bien réel – pour relier le potager à leurs cours : en lien avec l’Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France et le Muséum national d’Histoire naturelle, ils ont participé au projet Regreen, une étude de la biodiversité en ville, avec comme axes de travail, l’éducation à l’environnement et la renaturation opérée via les établissements scolaires. Dans le cadre des EPI – enseignements pratiques interdisciplinaires – ils ont également produit avec les professeurs de SVT (sciences et vie de la terre) et d’arts plastiques des travaux sur la floraison et la photosynthèse pour les classes de 6e, et sur l’histoire des jardins de l’Antiquité à nos jours, pour les 5e.

Valéry Tsimba, animatrice “jardin”, épaule les professeurs et enseigne les gestes techniques, les soins et les bonnes associations de plantes : salades et oignons sont semés ici ensemble. À ses côtés, les collégiens (re)découvrent les saisons et certains légumes comme la roquette, les betteraves ou les blettes, faciles à cultiver.©CD92/Olivier Ravoire

Du réel et du concret

« Cela fait dix ans que différents professeurs animent des ateliers potagers. L’idée a germé avec des ateliers Premis (Plan pour la réussite à l’école et une meilleure insertion), un dispositif de soutien aux élèves en difficulté. La possibilité de pouvoir “faire” est vraiment importante pour eux », explique Nelly Rivals, la professeure de français. Sa collègue Stéphanie Lesager, professeure d’anglais /documentaliste, approuve : « Le jardin est vivant et ils sont toujours étonnés – et contents ! –  de voir comment il change à chaque fois. Ils sont curieux de tout et cette activité les détend énormément. » « Nous leur faisons mélanger les fleurs et les légumes : par exemple, cosmos et bleuets poussent avec les arroches, des épinards, pour leur montrer les liaisons entre les plantes. C’est beau, et c’est utile pour la santé du potager. Ensuite, on publie les photos sur les réseaux sociaux. Cela les rend très fiers », observe, pour sa part, Valéry Tsimba.

À Colombes, malgré la pluie de cette journée de juin qui redouble, les élèves du collège ne veulent pas lâcher leurs binettes et leurs sarcloirs, ni « leurs » radis. Ici, toutes les classes de 6e ont leur parcelle, le long du préau : le temps passé au potager est intégré aux cours de SVT. Bulbes, rhizomes, stolons, bourgeons, fleurs…, les organes des plantes n’ont plus de secrets pour Éloïse, Thomas, Fabien, Lise ou Valentin qui lèvent énergiquement la main pour donner tous les détails. « Le potager apporte du réel, du concret, c’est très utile dans l’apprentissage, se réjouit Béatrice Fenneteau, professeure de SVT. Cet hiver, nous avons fait pousser des lentilles, nous avons disséqué des haricots et fait des schémas avec l’embryon : ils ont tout retenu… » Fabien, en 6e 2, intarissable, confirme : « D’abord, on a préparé la terre, on a vu ses différentes couches, on a étudié la litière, la décomposition organique, on a fait des expériences avec les graines, on a appris les différences entre les vivaces et les annuelles… ». Lise, enthousiaste, explique aussi : « On a vu tous les animaux qui vivent dans la terre, les bactéries, les gendarmes, les araignées, les bousiers, les cloportes, les chenilles, les géophiles et à quoi ils servaient pour les plantes. Maintenant, je n’ai plus envie de les enlever ! »

Le potager permet de faire un état des lieux de la biodiversité présente dans le collège et d’étudier l’environnement et le climat : taux d’humidité, ensoleillement, présence d’arbres, la luminosité… « Nous leur avons appris à se servir d’appareils de mesure comme le thermomètre, le luxmètre, l’hippomètre, précise la professeure de SVT. C’est plus ludique qu’en classe et ce sont des savoirs importants qu’ils retiennent mieux en maniant les outils. » L’établissement dispose d’un autre jardin derrière le collège, avec un atelier toutes les semaines, à l’heure du déjeuner, cette fois sur la base du volontariat. Le Département fournit les carrés, des outils et du terreau et va bientôt ajouter un point d’eau extérieur. « Les agents de service nous aident en arrosant durant les congés scolaires et nous avons un partenariat avec la cantine pour récupérer les déchets alimentaires pour notre compost, poursuit Béatrice Fenneteau. Dans ce jardin, on y met surtout des fleurs, des vivaces. Nous avons fait un herbier poétique. Les élèves voient l’effet des saisons, de la lumière et des températures sur la croissance des légumes. C’est un vrai moment d’évasion. » 

Laurence De Schuytter
Association Le Jardin nourricier, sur Facebook et Instagram, #lejardinnourricier. Mon balcon nourricier en permaculture, des récoltes abondantes sur 4 m2, Valéry Tsimba. Éditions Ulmer, 2021.
www.urbantactics.org/projets/agrocite-gennevilliers/

Un « kit potager » pour les collèges

« Nous avons actuellement 44 potagers dans les établissements aidés par le Département et dix sont en cours d’installation, explique Bertrand Cusson, chargé de sensibilisation à l’environnement et au développement durable au sein des collèges. Le potager du collège Louis-Pasteur à Gennevilliers est un des plus anciens. Nous fournissons un kit à tous les établissements qui le souhaitent. » Ce « kit potager » comprend des carrés en bois, fabriqués cette année par l’Esat Camille-Hermange à Nanterre, ou des bacs s’il n’y a pas d’accès à la terre, de la terre végétale, un composteur, des outils (râteaux, serfouettes, plantoirs, binettes, griffes…), des semis, des plants de petits fruitiers (groseilliers, cassissiers, mûriers…), un guide du jardinage au naturel et la possibilité de participer à une animation sur le compostage et de visiter un jardin potager dans un parc départemental. 

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