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Le Peuple de l’herbe escale entre Seine et nature

Ouvert en 2016, le Parc départemental du Peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy dans les Yvelines conjugue sauvegarde des espèces et ouverture au grand public. Un lieu à découvrir lors de Fête en Seine les 27, 28 et 29 septembre.

Et au bout de la rue, la nature. La tête au pied des immeubles, les pieds dans la Seine, le Parc du Peuple de l’herbe – ou « PPDH » pour les intimes – fait la jonction entre ville et verdure. Ce site, propriété du Département des Yvelines, c’est tout d’abord l’histoire d’une renaissance. Celle d’un site de 113 hectares longtemps laissé à l’abandon après avoir été dédié à l’extraction de granulat et à l’exploitation agricole. « Il s’était complètement enfriché, refermé, on ne le voyait pas de la rue », se souvient Isabelle Chatoux, chef de projet aménagement et valorisation des espaces naturels au conseil départemental des Yvelines. Le projet de réaménagement a été initié en 2010 par le Département avant le début des travaux en 2013, mené en plusieurs phases, d’est en ouest, jusqu’à son ouverture complète fin 2016. Il s’inscrit plus globalement dans la transformation de la « boucle de Chanteloup » en un éco-territoire associant développement économique et résidentiel avec près de 3 000 logements. Un projet destiné à donner un véritable centre-ville à Carrières-sous-Poissy.

Ce parc tout récent a su néanmoins se baser sur l’existant. Les presque treize kilomètres de cheminement ont repris les anciens tracés faits spontanément par les promeneurs. Les deux étangs de La Galiotte et de la Vieille Ferme, respectivement grands de 22 et 11 hectares, sont les vestiges du passé industriel du site puisqu’il s’agit de deux plans d’eau exploités par les carrières et non comblés. Puis l’aménagement s’est finalement fait par petites touches. D’abord au niveau de la Seine, dont la vue était obstruée par les arbres. Une grève alluviale de quatre cents mètres de long a été créée pour offrir un panorama dégagé sur le fleuve depuis le ponton en bois. Un gros chantier avec 30 000 m3 de déblais. Ensuite un travail a été fait sur la topographie plane du site en creusant d’une part, des mares pour former des petits plans d’eau, et d’autre part en aménageant une butte dédiée au pique-nique. Les sols portant encore la marque de l’exploitation industrielle ont été dépollués de manière naturelle grâce à des jardins dits « de phytoremédiation » composés d’espèces connues pour leurs vertus de dépollution de métaux lourds et d’hydrocarbures.

Sur 113 hectares, le Parc départemental du Peuple de l’herbe dans les Yvelines dévoile une grande variété de paysages avec ses étangs, mares ou prairies.©CD92/Willy Labre

Variété de milieux

Sur ce site classé Espace naturel sensible (ENS), priorité a été donnée à la valorisation écologique avec une gestion dite différenciée. « L’objectif est de concilier accueil du public et préservation de la biodiversité », souligne Isabelle Chatoux. Le lieu laisse également une place à la culture, en témoignent les nombreux festivals qui viennent émailler la saison, et notamment Fête en Seine les 27, 28 et 29 septembre prochains. Au fil de la promenade, ponctuée par plus de 1 000 m² de pontons sur pilotis qui surplombent des milieux d’une grande variété : des étangs, des mares, des noues mais aussi des friches herbacées et arbustives, des prairies humides ou sèches. Des milieux ouverts ou, au contraire, d’autres où la nature a repris ses droits. Seuls vingt-cinq hectares sur cent treize ont fait l’objet d’aménagements paysagers et écologiques pour l’accueil du public, l’éducation à l’environnement, les loisirs et la détente. Le Peuple de l’herbe est devenu aussi celui de la faune avec différents aménagements destinés à protéger les espèces et favoriser la nidification des oiseaux. Sur les deux étangs, six radeaux végétalisés attirent chaque année des sternes pierregarin en quête de tranquillité. Une tour à hirondelles, quatre hibernaculums (des gîtes à petite faune comme les reptiles et les amphibiens), neuf nichoirs à oiseaux et onze à chauves-souris ont été installés. Depuis 2014, le parc a été classé « refuge LPO », ce qui engage le Département des Yvelines à créer des conditions propices à l’installation de la faune et de la flore sauvage, à renoncer aux produits chimiques et à réduire l’impact sur l’environnement. Ici, les toilettes publiques sont sèches et les corbeilles limitées pour encourager les visiteurs à emporter leurs déchets.

Le parc jouit d’une situation privilégiée dans une boucle de la Seine et propose presque trois kilomètres de promenade le long du fleuve.©CD92/Willy Labre
 
Presque treize kilomètres de cheminement sillonnent le Peuple de l’herbe. Lors de l’aménagement du parc, plus de 23 000 arbres et arbustes ont été plantés.©CD92/Willy Labre

Promenade fluviale

Aujourd’hui, le Peuple de l’herbe se divise en trois parties. La première sur la partie urbaine de Carrières-sous-Poissy, la « bande active » et sa prairie fleurie de deux hectares. C’est ici que se concentrent la plupart des aménagements destinés aux visiteurs avec des chemins de promenade, des aires de jeu, des terrains de sport… Une véritable porte d’entrée sur le parc – il y en a douze en tout – et une manière de laisser se développer tranquillement la deuxième tranche, la plus importante en termes de superficie : les espaces naturels. « Ici, nous avons fait un aménagement paysager et écologique. On y trouve des écosystèmes de transition entre milieux terrestres et aquatiques », poursuit Isabelle Chatoux. Enfin, parmi les richesses du PPDH, ses berges de Seine et sa promenade longue de 2,8 km. C’est la troisième et dernière partie du site. Sur le chemin de halage, des plantes, adaptées à l’humidité ambiante, ont été choisies. Au total, ce sont d’ailleurs plus de 23 000 arbres et arbustes qui ont été plantés sur l’ensemble du parc, tous soigneusement choisis : du saule, du frêne, du chêne, c’est-à-dire des espèces locales. La végétation s’est aujourd’hui bien développée avec en plus des massettes, des carex, de la menthe aquatique ou encore du jonc ou des roseaux. Dans les prairies, le rouge des coquelicots forme un joli tableau avec le jaune de la renoncule à petites fleurs, une des quatre espèces végétales protégées du parc. Les espèces envahissantes comme la jussie qui sévit sur les étangs, la renouée du Japon ou le galéga sont traitées avec des moyens naturels comme le faucardage à l’aide d’un bateau, des travaux de terrassement pour enlever le maximum de racines souterraines et plusieurs campagnes de plantation d’arbres et d’arbustes afin de ralentir la repousse de ces indésirables.

Cabane de pêcheur

En 1996, le film Microcosmos se mettait à l’échelle du centimètre pour approcher au plus près les insectes. Le Peuple de l’herbe – qui tire son nom de ce documentaire – serait le lieu idéal pour une suite. Il est vrai qu’ici la variété de milieux est très propice au développement de ces petites bêtes, à tel point qu’elles ont même un lieu entier qui leur est dédié. En plein cœur de l’espace naturel, l’élégante structure en bois de la Maison des Insectes semble flotter au-dessus de la prairie. Elle abrite les locaux de l’Opie, l’Office pour les insectes et leur environnement. Chaque année, près de dix mille personnes viennent visiter ce concentré de vie avec son exposition permanente d’insectes vivants, sa serre à papillons et ses nombreux terrariums qui abritent, entre autres, mygales, fourmis et cafards. Peu ragoûtant mais fort instructif. À l’extérieur, on prend de la hauteur, à treize mètres du sol très exactement, avec l’observatoire qui permet une vue à 360° sur l’ensemble du parc. Un lieu prisé – quoique limité à une vingtaine de personnes simultanément – des amoureux de l’observation des animaux et paysages. Il permet également de deviner derrière les grands saules, les deux étangs. Ceux-ci ont été profondément remaniés à leurs abords, leurs rives étant auparavant très abruptes et peu favorables au développement de la faune et de la flore. Près de la queue de La Galiotte, une roselière a été créée pour permettre le repos des oiseaux d’eau, et des dizaines de milliers d’autres hélophytes – des plantes semi-aquatiques – ont été plantés. Toujours autour du même étang, au sud-est, c’est encore un autre paysage qui s’offre au promeneur avec quarante-deux « maisons-barges », des cabanes de pêcheur en bois.

Le parc est constitué de deux étangs. Autour de celui de La Galiotte, 42 cabanes de pêcheurs. Des « maisons-barges » qui peuvent faire jusqu’à 100 m2.©CD92/Willy Labre
Perché à treize mètres de hauteur, l’observatoire est un lieu d’observation du paysage et de la faune très prisé.©CD92/Willy Labre
 
L’étang de La Galiotte abrite une grande collection de plantes hélophytes et notamment une roselière qui permet le repos des oiseaux d’eau.©CD92/Willy Labre
 
La Maison des Insectes permet d’observer de plus près mygales, fourmis et cafards et même d’entrer dans une serre à papillons.©CD92/Willy Labre

Bien que tout jeune, le PPDH n’en est pas moins précoce. En 2017, il a obtenu un prix décerné par les ministères de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires pour l’exemplarité de l’aménagement de ses milieux humides en zone urbaine. De 2012 à 2018, il faisait également partie du projet Life + de l’Union européenne pour la création d’une trame verte et paysagère à l’échelle de la boucle de Chanteloup. Le premier maillon d’une chaîne de cinq projets écoresponsables. Deux ans après son inauguration, en juin 2017, le Peuple de l’herbe n’en finit pas de grandir et de dévoiler sa biodiversité au grand public.

Mélanie Le Beller
www.yvelines.fr

La vue autrefois obstruée par les arbres a été dégagée par endroits pour profiter du panorama sur la Seine et les îles environnantes.©CD92/Willy Labre
 
 

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