Grand Prix du concours Made in 92, la start-up Bib-batteries parvient à prolonger la durée de vie des batteries de trottinettes et de vélos en libre-service, grâce à un logiciel de monitoring innovant.
C’est un des enjeux de la décennie. Pierre-Amans Lapeyre en est persuadé. L’issue réservée aux batteries, qui alimentent les nouvelles mobilités douces de nos centres-villes, occupe l’esprit de cet ancien cadre de Renault depuis plus d’un an. Diplômé de HEC, il a co-fondé la start-up Bib-batteries en septembre 2021, dans le garage de son associé Martin Vaz, ingénieur et fin connaisseur du sujet depuis son passage à l’École Polytechnique. Parce que coûteuses et potentiellement polluantes, les batteries au lithium devraient focaliser l’attention des entreprises exploitant les flottes de trottinettes et de vélos en libre-service. Mais concentrées sur leur maillage territorial et manquant d’expertise technique, celles-ci négligent parfois l’optimisation de ces grosses piles, alors que leur recyclage peut nuire à l’environnement et aggraver le gaspillage de métaux rares. « Chez Bib-batteries, nous les sensibilisons à ces questions et leur apportons le savoir-faire, explique Pierre-Amans Lapeyre. Concrètement, notre métier consiste à récupérer les données relatives à l’usage, l’autonomie, la puissance et les conditions climatiques d’utilisation des batteries dont nous assurons le suivi. Nous agrégeons ces informations grâce à un algorithme et pouvons établir des modèles prédictifs, afin d’améliorer leur utilisation et augmenter leur durée de vie. »
Moins gaspiller
La start-up facilite ainsi la logistique des achats et la maintenance de ses clients, en anticipant le remplacement des batteries et en évitant leur mise au rebut précoce, synonyme de gâchis. D’autant que les exigences des utilisateurs, en matière de performances, précipitent leur obsolescence. « On peut dire qu’en-dessous de 75 % d’autonomie, une batterie atteint la fin de sa première vie, explique Martin Vaz. Pour l’automobile, le seuil est même fixé à 80 %, en-deçà duquel leur garantie prend fin. Cela peut sembler hâtif, mais il faut tenir compte des pannes, qui augmentent une fois passé un certain niveau d’usure. Aucune batterie n’est exploitable jusqu’à 10 % de sa capacité originelle ».
Même poussives, de nombreuses batteries peuvent encore échapper au broyeur. Assemblées à d’autres cellules électriques, elles aussi « hors d’âge », elles peuvent débuter une seconde vie en dépit de leur volume en hausse. Le remplacement de groupes électrogènes thermiques ou la création de fermes de stockage, attenant aux champs d’éoliennes, sont autant de pistes de revalorisation. « On peut ainsi en réutiliser un grand nombre et prolonger leur vie de cinq à dix ans, estime Pierre-Amans Lapeyre. Mais cela suppose d’avoir bien sélectionné en amont les batteries éligibles ». Choc, court-circuit, utilisation sous des températures extrêmes… Certains facteurs, réduisant à néant le potentiel des batteries, doivent être détectés pour écarter les intrus de la liste des prétendantes au réemploi.
Perspectives de croissance
En septembre dernier, Bib-batteries a remporté pour ce projet le Grand Prix du Made in 92, le concours des entreprises innovantes des Hauts-de-Seine. L’occasion d’ajouter quelques milliers d’euros à la trésorerie, nourrie par une première levée de fonds de 250 000 Ä réalisée au printemps dernier. « Cela nous a surtout permis de parfaire notre réseau, grâce à des rencontres avec des représentants de grandes entreprises mais aussi des maires, souligne Pierre-Amans Lapeyre. Ceux-ci dictent les règles des appels d’offres aux loueurs de trottinettes, et nous tenions à leur faire part de notre expertise dans ce domaine ». En complément de son service de suivi informatique, la start-up entend actionner d’autres leviers de croissance. En collaboration avec une ETI bretonne, elle espère lancer la production d’une carte électronique, capable de collecter et de transmettre, en temps réel, les données clés des batteries qui n’en sont pas équipées. Concentrée sur le marché des mobilités douces, Bib-batteries ne ferme pas la porte à d’autres secteurs porteurs, comme celui des chariots élévateurs et de la logistique des entrepôts. « La crise sanitaire a fait exploser les petites mobilités, explique le jeune chef d’entreprise. Le secteur de la batterie va devenir incontournable ».
Nicolas Gomont