Illustration : Laurent Duvoux
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UNE STRATÉGIE POUR ÉLARGIR L’HORIZON DES FEMMES

Le Département lance le 6 mars son plan d’action en faveur de l’égalité femmes/hommes, avec la création d’un observatoire des violences faites aux femmes et « Femmes des Hauts-de-Seine », un programme pour la réussite dont la marraine sera la chef d’orchestre Laurence Equilbey.

Elle croyait évoluer dans « un milieu ouvert ». Cruelle erreur. En consultant le rapport d’un stagiaire, il y dix ans, Laurence Equilbey a cru dégringoler de son pupitre. « Les chiffres étaient calamiteux, en matière de direction d’institutions mais plus encore de programmation. Il y avait encore moins de femmes dans la musique que dans l’armée, je me suis dit qu’on avait un problème ! », se souvient la chef d’orchestre. Avec la Société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD), elle s’est engagée sur ce sujet du « comptage » les années suivantes, si bien que le ministère a créé un observatoire et adopté une feuille de route avec des objectifs chiffrés. Aujourd’hui, « malgré des avancées », des inégalités demeurent. « On doit être à 6 % de femmes chefs programmées, 20 à 25 % de femmes solistes et 20 % à peine de femmes metteuses en scène à l’opéra. En proportion, cela devrait être plus élevé. Il n’y a pas d’égalité des chances après les études, cela m’attriste beaucoup ». Cet épisode l’a conduite à réexaminer son parcours personnel. « J’ai repensé à certaines anecdotes, à la fois personnelles, familiales, professionnelles, des portes non ouvertes, des interdictions, des réticences, se souvient-elle. Prendre une position de pouvoir pour une femme n’est jamais évident ; et mettre en scène est presque un acte politique ». Cela explique qu’à l’heure de choisir les invités de sa saison à La Seine Musicale, la fondatrice de l’ensemble Insula orchestra et du chœur Accentus – qui a eu la surprise de se voir citée aux côtés d’autres pionnières de la musique par l’actrice Kate Blanchett dans le film Tár, sorti fin janvier sur le parcours d’une brillante chef d’orchestre – veille scrupuleusement à la parité… dans un sens comme dans l’autre. « je crois beaucoup à l’apport de la mixité dans tous les domaines : s’il y a trop de femmes, je cherche à rééquilibrer dans l’autre sens ». C’est donc assez naturellement qu’elle a accepté d’être la marraine du programme départemental Femmes des Hauts-de-Seine qui vise à accompagner, avec l’aide de femmes inspirantes, de jeunes Alto-Séquanaises vers la réussite. « Dans tous les postes à responsabilité, la représentativité des femmes reste un sujet, estime Laurence Equilbey. Ce programme encourage leur autonomisation, avec en plus des actions dans le domaine éducatif. Il va dans le sens de ce que nous faisons à La Seine Musicale ».

« Femmes des Hauts-de-Seine » est l’un des outils phares du nouveau plan d’action départemental en matière d’égalité femmes/hommes pour 2023-2025. « Notre collectivité est engagée depuis des années dans la lutte contre toutes les violences faites aux femmes, mais aussi au quotidien dans la promotion de l’égalité professionnelle et de la mixité des métiers au sein de notre administration. Nous souhaitons poursuivre cette action et aller plus loin », explique Camille Bedin, conseillère départementale chargée de l’égalité femme-hommes. L’objectif de « Femmes de Hauts-de-Seine » sera ainsi « d’aider les femmes, en particulier les plus jeunes et les plus fragiles, à réussir dans la culture, le sport, l’environnement, le social ou la santé, en luttant contre tout type de discrimination ». Avec le lancement le 6 avril, à l’occasion d’une soirée au musée départemental Albert-Kahn, de l’appel à projet sur l’empowerment des femmes (la capacité des femmes à s’émanciper par elles-mêmes, Ndlr), il s’agit d’inciter associations et organismes non lucratifs – dont les collectivités et les établissements d’enseignement – à s’emparer d’une série de défis en matière de formation, d’éducation et de sensibilisation. Lutte contre les stéréotypes de genre, contre les plafonds de verre et l’autocensure des jeunes filles, promotion de l’égalité professionnelle et de la mixité des métiers, accès au leadership…, chaque lauréat pourra bénéficier d’un soutien de 5 000 à 10 000 euros. Dès la rentrée prochaine, débutera par ailleurs un programme de monitorat destiné aux jeunes filles, en particulier aux plus fragiles, au sein des collèges et des universités volontaires. « Nous le proposerons aussi pour tous les publics de nos services, comme l’Aide sociale à l’enfance, et auprès des dispositifs menés par l’Institut des Hauts-de-Seine comme les Écoles françaises des femmes, le Bus santé-femmes et lors des forums de prévention », précise Camille Bedin.

Force de l’exemple

Ce programme, c’est à la fois son originalité et sa force, entend pour chacune de ces actions s’appuyer sur l’exemplarité d’ambassadrices, représentatives de la réussite au féminin : élues, femmes du monde culturel ou sportif, entrepreneuses, scientifiques, administratrices…. Référentes des lauréats de l’appel à projets, elles pourront les conseiller, favoriser les connexions et le réseautage. Coachs lors du monitorat, ces aînées montreront la voie aux plus jeunes. Leur témoignage sera aussi le bienvenu lors des différentes actions envisagées autour de la réussite des femmes : « semaine de l’égalité, journée de l’entreprenariat au féminin, colloques… » « Il faut s’appuyer sur les femmes qui ont réussi, qui sont reconnues et qui vont porter en elles une inspiration pour les jeunes. Cette notion de parrainage ou plutôt de “marrainage” est très importante », estime de son côté Laurence Equilbey. Enfin le programme va renforcer des outils existants comme le Curious Lab’, le laboratoire d’innovation territoriale du Département, qui va l’adapter pour mener un travail collaboratif avec les établissements scolaires et d’enseignement supérieur.

Justice sociale

La mise en place en 2023 d’un observatoire des violences faites aux femmes, dont la création a été votée le 17 février dernier, vient pour sa part conforter un programme départemental déjà étoffé sur la question, incontournable, de la lutte contre les violences faites aux femmes : en 2022 une enveloppe de 1,9 million d’euros a ainsi été accordée à six dispositifs associatifs de prévention, d’accompagnement et d’aide aux victimes. En appui au comité local d’aide aux victimes, l’instance de gouvernance de ce programme, le nouvel observatoire permettra « une lecture et une compréhension fine des violences faites aux femmes », tout en rendant « plus lisibles les actions menées par l’ensemble des acteurs » de cette politique : Département, services de justice et de police de l’État, acteurs de la santé, de l’hébergement, du logement, associations spécialisées… Les connaissances ainsi produites et partagées devraient permettre de mesurer l’ampleur du phénomène, de mieux sensibiliser les acteurs et le grand public et guideront les décisions publiques. Grâce à ces données le Département espère par exemple expérimenter des dispositifs innovants autour des parcours de sortie des violences : relogement des victimes et de leurs enfants, accompagnement du conjoint violent… « L’égalité femmes-hommes est d’abord un enjeu de justice sociale », conclut Camille Bedin.

Pauline Vinatier
www.hauts-de-seine.fr 

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