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À LA RÉCRÉATION ON CULTIVE SES CONVICTIONS

Blottie dans un recoin, une Longue de Nice devrait livrer ses premières courges en ce début d’automne. CD92/Willy Labre

Prix spécial du Jury des « MéDDailles », le collège Paul-Landowski, à Boulogne-Billancourt, abrite un potager plein de ressources, à la fois lieu d’exploration pédagogique et socle d’une réflexion sur une meilleure alimentation.

En haut, il y a les livres. En bas, le jardin, ses fleurs et ses fruits… Depuis la bibliothèque du collège, il se laisse entrevoir, blotti dans un angle, au bout d’un alignement de grands arbres. « Cet espace est né de beaucoup d’improvisations, explique Sylvaine Beauchêne, professeur documentaliste et référente de ce potager éducatif. Avec quelques élèves, nous avons eu à l’automne 2020 l’idée de ramener un peu de vie dans une cour de récréation très minérale. » Séduit par le projet, le Département met le pied à l’étrier des apprentis fermiers, leur fournissant outils de jardinage et bacs de plantation. Réalisé ex nihilo, ce jardin hors-sol remplit vite un objectif thérapeutique : devenir un lieu de partage et de bien-être, « où les tensions du collège s’apaisent ». Une fois par semaine, sur la pause méridienne, il est soigné d’une main verte par une poignée de collégiens volontaires. En ce lundi de mai, un arrivage de boutures attend d’être planté. Et ni une, ni deux, on défriche quelques recoins pour enfouir ces tomates cerises, trompes d’Albenga et autres longues de Nice. Ce plateau de jeunes pousses est « un don d’une agricultrice de Bourgogne », rapporté en train de week-end, « sur les genoux » de Sylvaine Beauchêne.

© CD92/Willy Labre

Une cour « îlot vert »

Pas peu fière, leur professeur a même déniché un autre « petit trésor » : du compost royal offert par le château de Versailles. « Jardiner me rend zen, dit Hugo, qui en recouvre le pied de l’amour en cage, à la floraison constellée de lanternes orangées. Même que ses fleurs se mangent et sont délicieuses ! » Si feu l’ail des ours a bien succombé, plus de peur que de mal au retour des congés de Pâques… Rationné au goutte-à-goutte, le jardin est touffu et teinté d’un beau vert mentholé. « L’artichaut était haut comme trois pommes quand on l’a transplanté, se souvient Adrien, qui se lance dans un inventaire des pertes et profits des vacances d’avril. Depuis, il a poussé de 30 centimètres et va bientôt donner deux… non, trois artichauts ! » Pour aguicher le pollinisateur, un hôtel à insectes a été confectionné. Le nichoir « de récup’ », pour l’heure déserté, va être remplacé dans l’optique d’en faire un refuge LPO, labellisé par la Ligue pour la Protection des Oiseaux. « Ce lopin de terre est modeste, dit Sylvaine Beauchêne, mais c’est une victoire sur la stérilité de la cour, où pas un brin d’herbe ne poussait… » Par chance, le collège Paul-Landowski de Boulogne-Billancourt a été retenu dans le cadre du programme départemental « Îlot vert ». Les éco-délégués et le corps enseignant vont être associés à une réflexion globale, portant notamment sur le verdissement de ses espaces extérieurs. La métamorphose est attendue pour l’été 2025.

De la graine à la fourchette

Prenant les devants, ce sanctuaire né au printemps 2020 se veut aussi un terrain d’exploration artistique. Une fois les beaux jours arrivés, la chorale y entonne volontiers de la variété. Les cours d’arts plastiques s’y délocalisent aussi, pour y former de jeunes impressionnistes. Côté culture organique, tout y est biologique ! Exeunt donc les pesticides, tueurs de bestioles invasives. La prolifération d’escargots, exaspérants colocataires qui boulottent choux-fleurs et haricots verts, est repoussée à force de patience et de minutie. « On les attrape un à un du bout des doigts, explique Mathéis, l’un des doyens, et on les enferme dans le compost à l’arrière du jardin, où ils accélèrent la dégradation des déchets végétaux. » Cette approche durable de l’agriculture – proche de la permaculture – influe même sur le vocabulaire employé : oubliez les « mauvaises herbes », on parle ici de « pousses sauvages ». Qu’importe aux yeux des jeunes maraîchers que les rendements puissent en être affectés. « On n’a pas l’intention de devenir le premier producteur boulonnais de légumes ! », plaisantait le même Mathéis, dans un reportage diffusé sur la Web TV du collège.

Aiguillé par l’animatrice de l’atelier, Adrien explore la part d’ombre de la culture du cacao, un ingrédient parmi les plus gros consommateurs d’eau.© CD92/Willy Labre

Une courge de cinq kilos

À la saison idoine, les quelques patates sont déterrées. On fait des gerbes des gousses d’ail et des bottes d’oignons. Quant aux fruits et légumes, ils sont égrainés pour alimenter la réserve de semences maison. La récolte charrie son lot de scènes saugrenues… Comment ne pas être interloqué, de voir ces « élèves-jardiniers » franchir les grilles du collège, le pied sur la trottinette et le dos chargé de leurs emplettes… Le butin – dont l’an passé « une courge de cinq kilos à la pesée » – sert de matériaux à de bons petits plats originaux : pommes de terre à la suédoise, omelette aux tiges d’oignons verts, chips de légumes, cosses de pois farcies… Illustré d’alléchantes photos, un livre de recettes a été édité, pour inciter à manger aussi local que bio. Participants aux MéDDailles du développement durable, ces élèves ont décroché deux médailles – d’argent puis d’or cette année – pour ce projet qui les remplit de fierté. « Ce dispositif départemental, renouvelé en cette rentrée, récompense les actions concrètes des collégiens, menées au sein de leur établissement, en faveur de l’environnement, du civisme ou de la solidarité, explique Abdelkrim Ghaib, chargé de sensibilisation au développement durable au Département. La précédente édition a été marquée par un grand bond en avant, avec 26 nouveaux collèges participants, preuve d’un réel engouement pour ce dispositif. »

Nos aliments à la loupe

En complément des séances de jardinage, un atelier cuisine était programmé courant mai. Tout s’est déroulé à la Fondation GoodPlanet, une organisation de sensibilisation aux enjeux environnementaux sise dans le Bois de Boulogne. « Nous y faisons une incursion chaque année, explique Sylvaine Beauchêne. Cet atelier est totalement cohérent avec ma volonté de les sensibiliser à l’environnement et à une autre façon de consommer. Car en dépit d’une vraie curiosité, mes élèves restent de jeunes urbains, qui peineraient à identifier deux arbres si on le leur demandait… » Une fois derrière les fourneaux, sa petite troupe revêt le tablier. En guise de hors-d’œuvre, elle commence par disséquer les travers des produits stars des étals de supermarché. « Le but de cet atelier, c’est de cuisiner local, avec des produits cultivés à moins de 200 kilomètres d’ici, leur explique Marianne, animatrice de l’atelier. Pour débuter, je vais vous confier une pochette remplie de documents. Votre mission est d’enquêter sur les origines, la culture, le transport ou l’impact social et environnemental d’un panel d’aliments. » À la clef, d’insoupçonnables découvertes. « Jamais je n’aurais imaginé qu’elle soit importée de Chine ou d’Inde, s’étonne Hugo, chargé de passer la banane sur le gril. Et puis, j’ignorais à quoi ressemblait sa version sauvage, avant modification génétique ! » Adrien se montre un peu plus informé : « Je savais que les cultivateurs de cacao étaient sous-payés et qu’il y avait du travail d’enfants. Je l’ai appris en cours d’histoire-géo. ». Puis on introduit le plat principal : reproduire de grands classiques de la gastronomie familiale, avec des alternatives aux ingrédients les plus polluants. Tristan et Mathéis broient grossièrement des flocons d’avoine, avant de les plonger dans l’eau pour les faire dégorger. Le lait obtenu, plus durable que son équivalent d’origine animale, est incorporé à une pâte à pancakes, ensuite coulée dans une poêle où grésille une cuillérée d’huile. « Le secret, c’est de mettre deux fois plus de sucre que la consigne », dit Mathéis, qui s’en lèche déjà les babines.

Steak de haricots, ketchup de betterave… Les ersatz de leur préparation rencontrent un véritable plébiscite.© CD92/Willy Labre

Ketchup de betteraves

Avec la recette, le duo d’à côté prend aussi quelques libertés pour son guacamole de petits pois. « On va rajouter du citron, pour renforcer le piquant », avertit Victoria, consciente que les alternatives aux produits de base sont souvent un peu fades. « L’alimentation est un enjeu central dans la thématique environnementale, explique Cédric Javanaud, directeur de la sensibilisation à la Fondation GoodPlanet. Elle représente aujourd’hui près d’un quart de l’empreinte carbone d’un Français et le levier le plus simple sur lequel agir au quotidien. À travers cet atelier, on montre aux plus jeunes que c’est ludique et facile, parce qu’on ne s’engage pas sur le long terme si on ne se fait pas plaisir. » Ketchup de betteraves, marbré de chicorée, crumble au sarrasin… Une dégustation fait office de dessert et fournit des idées de préparation pour la saison prochaine. La prise de conscience des enjeux semble dépasser le stade liminal : « J’aimais déjà manger végétarien, témoigne Victoria. Mais cet atelier m’a appris à préparer toutes sortes de plats, en visant le zéro déchet. Et il y a de fortes chances, que cela fasse évoluer mon comportement ! » Sélectionné aux côtés de neuf autres candidats, le projet du collège Paul-Landowski, intitulé « De la graine à la fourchette », a décroché le Prix spécial du Jury des MéDDailles. Celui-ci a été décerné le 15 juin dernier, à La Seine Musicale, à l’issue d’une prestation orale des porte-paroles des prétendants à la victoire. « Ce Prix gratifie une capacité à convaincre sur les projets entrepris, précise Olivier Bouviala, directeur adjoint à la transition écologique au Département. Pour que ces actions exemplaires se diffusent en dehors du collège, les élèves doivent apprendre à tenir des discours argumentés, venant renforcer l’intérêt de leur projet. » À cette occasion, un chèque de 5 000 leur a été remis. De quoi ouvrir des perspectives pour leur beau jardin, fait de presque rien. 

Nicolas Gomont

 

Revaloriser le métier d’assistant familial

Une pyramide des âges défavorable explique la baisse continue – près de – 50 % sur six ans – du nombre d’assistants familiaux. Soixante-dix pour cent d’entre eux ont en effet plus de 50 ans. En vue d’améliorer l’attractivité de ce métier, le Département vient d’instaurer une prime d’ancienneté ainsi qu’une prime pour les titulaires du diplôme d’État – soit jusqu’à 380 euros de plus par mois. Autres mesures, l’ouverture d’un relais expérimental avec l’association SOS Villages d’Enfants à Guerville, en partenariat avec les Yvelines, pour soulager provisoirement les assistants ou encore le renforcement de leur formation continue dès 2023. « L’objectif est d’augmenter notre capacité et de renforcer notre maillage territorial, afin de disposer de davantage d’assistants familiaux dans notre département et dans les départements les plus proches », explique Georges Siffredi.

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