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SUR LA PISTE DE LA SOBRIÉTÉ ÉNERGÉTIQUE

CD92/Stéphanie Gutierrez-Ortéga

Le temps d’une année scolaire, le concours CUBE. S invite les collégiens à s’emparer de leur bâtiment et à en réduire les consommations par des gestes simples, sans travaux. Cinq pionniers se sont lancés l’an dernier, dont le collège Joliot-Curie à Bagneux.

Après avoir été sensibilisés aux économies d’énergie, les collégiens jouent les « ambassadeurs » auprès des écoliers.© CD92/Stéphanie Gutierrez-Ortéga

En nage, le cycliste Robert Förstemann pédale comme si sa vie en dépendait, persévérant jusqu’à l’éjection… d’une tranche de pain grillé. Énergie dépensée : 0,021 kWh (kilowatt-heure) soit l’équivalent d’« un robert ». Devenue virale, cette vidéo illustre de façon originale la notion d’énergie – un rapport entre temps et puissance – tout en montrant à quel point notre quotidien en est vorace. Elle a fait forte impression auprès des écodélégués du collège Joliot-Curie, invités à utiliser ensuite cette unité imaginaire, le robert, pour classer les appareils domestiques. « On avait sous-estimé la machine à laver et le frigo en partant du principe qu’ils étaient plus froids qu’une cafetière ou qu’un radiateur », racontent Shana et Inès. En compagnie de Florent Kerguignas, l’un des responsables de l’entreprise de maintenance, les élèves découvrent ensuite que leur bâtiment, à raison de 2 500 MWh (mégawatts-heure) engloutis chaque année, est encore plus gourmand en roberts ! « C’est énorme, s’exclame Mohamed. Je me demande ce que représente un gratte-ciel à côté ! » La facture correspondante atteint, elle, 250 000 annuels, alors que « le prix du gaz (trois quarts des consommations des collèges, Ndlr) a triplé depuis la sortie du Covid ». « Si vous fermez une fenêtre en plein hiver, imaginez le gain, explique le professionnel. Le réchauffement climatique est préoccupant mais le prix de l’énergie renforce cette urgence ! » À l’envers du décor, le groupe découvre ensuite en exclusivité la chaufferie du collège, une pièce parcourue du sol au plafond par des tuyaux qui partent ensuite à l’assaut des couloirs. Si les installations fonctionnent selon des principes assez simples, grâce à un combustible, le gaz, et à un fluide caloriporteur, l’eau, leur pilotage réclame des arbitrages permanents : « Plus on fournit en puissance, plus on consomme, plus on dépense, donc il faut toujours se demander si une consommation est justifiée », explique le responsable d’équipe Dalkia, Benjamin Bourvieux, qui prend l’exemple de la température de l’eau dans les toilettes : « Se laver les mains à l’eau chaude est agréable, mais est-ce vraiment utile ? »

Les équipements les plus insignifiants livrent aux élèves leurs enseignements, tel ce radiateur intégré à un vaste circuit dont dépend leur confort.© CD92/Willy Labre

Grappe alto-séquanaise

Avec le CUBE. S, auquel participaient cinq premiers collèges alto-séquanais en 2022-2023, la communauté éducative prend part à cette optimisation. Le concours est organisé depuis 2019 par le Cerema – centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement – et l’Ifpeb – institut français pour la performance du bâtiment – afin d’accompagner la mise en place du décret tertiaire – qui impose des seuils croissants de réduction des consommations d’ici à 2050, dont une baisse de 40 % d’ici à 2030 et/ou un maximum de 95 kWh au m2. « L’énergie est certainement un sujet moins vendeur que l’installation d’une ruche pour des collégiens. Certains professeurs sont d’office réticents ; sûrement de vieux souvenirs de cours de physique ! », raconte Anne-Laure Chereau du Cerema Île-de-France, en charge de l’animation du dispositif. C’est pour cela que nous mettons l’accent sur les activités ludiques. » L’objectif est de faire « des économies par l’optimisation, les petits réglages et le changement des habitudes », les collèges d’un même territoire rivalisant au sein d’une « grappe ». Avec ce projet, auquel il contribue à hauteur de 1 000 euros par établissement, le Département entend mettre à contribution les usagers de ses bâtiments. « Les collèges représentent les deux tiers de nos consommations, or une grosse partie des économies peuvent être réalisées grâce à des actions qui sortent du strict cadre technique, affirme Alix Joder de l’unité « gestion de l’énergie » du Département. C’est exactement le propos de ce concours que nous souhaitons proposer à de nouveaux établissements chaque année, qu’ils aient ou non bénéficié des contrats de performance énergétique. » Déployés dans 62 des 98 collèges, ces contrats doivent amener, grâce à un meilleur pilotage, à une baisse progressive des consommations – là encore en vertu du décret tertiaire. « La sensibilisation des usagers, avec celle des personnels de maintenance, en est un volet à part entière. »

Ils réfléchissent à ce qu’est l’énergie et réalisent que ce qui les entoure n’est pas gratuit.

Sang chaud

La guerre en Ukraine et la crise qui l’accompagne ont donné une portée encore plus grande au concours. « Ce contexte nous incite encore plus aux efforts. On se rend compte qu’on peut tout à fait faire de petits gestes pour économiser l’énergie sans pour autant perdre notre confort », estime Yohan Ensergueix, le conseiller principal d’éducation (CPE) de Joliot-Curie qui, aidé par deux enseignants, de physique et d’anglais, a fédéré les écodélégués autour de ce projet. « Ce qui est intéressant, c’est qu’ils prennent des mesures, font des autoanalyses, se mettent dans la peau de techniciens. Ils réfléchissent à ce qu’est l’énergie, comment l’économiser, et réalisent que ce qui les entoure n’est pas gratuit, explique-t-il. On leur donne un schéma de compréhension du système adulte. » Sur la plateforme CUBE.S, les participants accèdent à un suivi de consommation, mois par mois, ainsi qu’à de nombreuses ressources pédagogiques pour composer des animations et des événements à la carte – à quoi s’ajoutent, dans les Hauts-de-Seine, les visites de chaufferies, proposées par le Département. Grâce à un kit technique, les participants sont invités à effectuer un diagnostic de leur bâtiment. À Joliot-Curie, passé au crible des divers appareils de mesure, les radiateurs et les éclairages livrent leurs enseignements. Après avoir contrôlé les courbes de température, censées redescendre la nuit, placé des capteurs de CO2 çà et là pour mesurer la qualité de l’air – au-dessus de 1 000 PPM l’atmosphère s’en ressent – les élèves ont fait parler la caméra thermique. Capable de révéler les pannes ou les problèmes de réglage, cette dernière, s’étonnent Shana et Inès, voit rouge avec les poules du collège. Le signe d’un sang chaud ! Entre ces temps sur le terrain, une séance entière a été consacrée à l’analyse des données de consommation. « On a essayé de comprendre où en étaient les autres et pourquoi certains avaient réalisé des économies supérieures aux nôtres. Cela dépend de la consommation au mètre carré, de la taille des établissements, des difficultés afférentes aux installations que nous n’avons pas ici, comme les gymnases, le nôtre étant municipal. » À raison de 93 kWh/m3, Joliot-Curie atteint déjà les préconisations pour 2030 et les économies y sont logiquement moindres. À la fin mai l’établissement totalisait tout de même 9 % de baisse sur l’année.

Dans la chaufferie, le responsable d’équipe Dalkia détaille le fonctionnement des installations à un public attentif et dûment équipé.© CD92/Willy Labre
Les variations de température, ici au sein d’un même bâtiment, sont révélées comme par magie par la caméra thermique.© CD92/Stéphanie Gutierrez-Ortéga

Chaîne de transmission

Si les participants coiffent avec enthousiasme la double casquette de technicien et d’ambassadeur des économies d’énergie, une partie d’entre eux n’étaient pas si à l’aise au départ. « Certains me disaient que, puisque j’étais écodéléguée, je n’avais qu’à ramasser les papiers par terre !, raconte Zinab. Maintenant, je leur parle de ce que j’ai appris, il m’arrive d’envoyer des captures d’écran de mes recherches sur le sujet. » D’autres n’hésitent pas à rappeler aux professeurs d’éteindre leur ordinateur en partant. « Ils sont très observateurs, rien ne leur échappe des habitudes de chacun, sourit Yohan Ensergueix. Le fait de répéter les choses les oblige à les conceptualiser et donc à mieux les mémoriser. » « Si on gaspille, bientôt il n’y aura plus rien », insiste Mohamed. « Il faut penser aux gens qui viendront après nous, à nos futurs enfants ou petits-enfants », professe Zenab. Hors collège, les écodélégués sont aussi intervenus auprès des CE1 du groupe scolaire Henri-Wallon voisin pour leur présenter de petits jeux autour des économies d’énergie issus de la plateforme CUBE. S. « On a été formés, maintenant, c’est à nous de le faire avec les autres », expliquent fièrement Shana et Inès. Les petits ont bien participé, ils étaient trop choux et gentils. » Enfin, les organisateurs ont prévu un kit à utiliser à la maison, contenant, entre autres, un mousseur à fixer sur le robinet, qui réduit le débit, ou encore un thermomètre à utiliser en période de chauffe – sachant qu’un degré de moins dans une pièce équivaut à 7 % d’énergie en moins consommée. C’est ainsi que l’air de rien, le concours CUBE. S jette des ponts entre les aspects les plus techniques de l’énergie et ses implications sociétales, de la crise énergétique au réchauffement climatique.

Pauline Vinatier

Une nouvelle promotion pour cette rentrée

En septembre, la base nautique du parc départemental de l’Île de Monsieur, à Sèvres, accueille la restitution de la promotion 2022-2023 avec ses cinq collèges – Jean-Perrin à Nanterre, Louis-Pasteur à Gennevilliers, Léonard-de-Vinci à Châtenay-Malabry, Romain-Rolland et Joliot-Curie à Bagneux – et le lancement d’une nouvelle grappe de six collèges pour 2023-2024. L’occasion de revenir sur le classement et d’échanger sur les bonnes pratiques. À ceci, s’ajoute la remise des prix nationale, qui départagera une centaine de collèges, est prévue au quatrième trimestre. En plus des prix d’économies d’énergie, des distinctions thématiques seront décernées : meilleur événement, meilleure animation, coup de cœur du jury, etc.

www.cube-s.org 

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