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AU COLLÈGE, L’ÉGALITÉ FILLES-GARÇONS EN HAUT DE L’AFFICHE

CD92/Julia Brechler

Cinquante classes du territoire, participantes au projet départemental Ô Lab citoyen, se sont lancées cette année dans la création d’une œuvre originale représentant l’égalité filles-garçons, comme au Plessis-Robinson et à Bagneux.

La présentation des projets en classe permet aux sixièmes de développer leur aisance à l’oral. Pour nombre d’entre eux, il s’agit du tout premier exposé.© CD92/Julia Brechler

Face à une trentaine de paires d’yeux, les orateurs débutants sont plus ou moins assurés. De temps à autre, une pancarte se lève pour leur enjoindre de parler plus fort, d’articuler, de mieux regarder l’auditoire. Souvent les trois à la fois… « C’est l’un de leurs tout premiers exposés, indique Raphaëlle Riba, leur professeur d’éducation morale et civique (EMC) au collège Claude-Nicolas-Ledoux du Plessis-Robinson. Nous avons mis en place ce système d’élèves conseillers pour leur permettre de rectifier leur attitude au fur et à mesure grâce aux conseils des copains. » Ses trois classes de sixième présentent les affiches réalisées en autonomie à partir de ses consignes qui viennent prolonger le chapitre du cours sur le vivre-ensemble. « Nous avons abordé la lutte contre les discriminations de façon générale. Ô Lab Citoyen nous permet de creuser le sujet de l’égalité filles-garçons. Les élèves sont très investis, ils ont envie d’attirer l’attention du jury avec leur affiche ! » Si les élèves étaient libres de décliner le thème général de bien des façons, c’est le sujet des jeux et des jouets qui les a le plus intéressés, préféré à l’égalité (ou à l’inégalité) entre les sexes en politique, dans le monde du travail, à la maison, dans la mode… Que cela soit dit : les garçons ont le droit à la dînette et aux poupées ; les filles aux chemins de fer miniatures et aux jeux vidéo ! Dans leurs illustrations pullulent les sigles hommes/femmes, le signe égal, les balances ou les visages doubles – « comme dans le clip Tous les mêmes de Stromae » compare Rostome. De leur côté, Jessica et Tia ont opté, l’une pour un dessin réaliste, l’autre pour une gouache représentant le personnage du Soldat rose. « On avait offert le livre à mon frère, raconte-t-elle. Cela parle d’un jouet dont personne ne veut parce qu’il ne correspond pas aux normes ; les filles ne veulent pas jouer à la guerre et les garçons ne veulent pas d’un jouet rose. » Derrière l’égalité de principe, les stéréotypes sexistes ne sont jamais loin. « Il y a déjà des choses qui leur posent question, à la maison ou au collège, estime l’enseignante. Il est important d’en parler. » Dans la classe, Romane et Tia s’en étonnent encore, il s’est trouvé des garçons pour être « choqués » par la danse en cours de sport. 

Guidés par leur enseignante spécialisée, ces élèves de classe Ulis ont utilisé la plateforme de design en ligne Canva pour concevoir leur affiche.© CD92/Julia Brechler

Œuvre citoyenne 

À cet âge critique où l’on juge les autres autant que l’on est jugé ou jaugé, Ô Lab Citoyen contribue au développement de la capacité de discernement et d’argumentation des jeunes. « Des préjugés de toutes sortes circulent au collège et peuvent influer sur leurs comportements. Nous souhaitons les aider à en prendre conscience et favoriser une meilleure compréhension de l’autre », souligne Nathalie Yvon, responsable de l’unité des projets éducatifs territoriaux au Département. « Cela nous permet aussi de mieux connaître cette génération, de savoir comment elle perçoit les choses, comment elle évolue », complète Teddy Fabre, responsable du dispositif. Le projet voit des enseignants de toutes disciplines, d’histoire-géographie et d’EMC comme d’arts plastiques, faire équipe avec les médiateurs et les conseillers principaux d’éducation impliqués sur les questions de « climat scolaire ». Les thématiques retenues s’inspirent des échanges avec la communauté éducative : après les valeurs en 2022, le respect en 2023, l’égalité filles-garçons a cette fois été retenue en articulation avec la stratégie égalité femmes-hommes du Département. « Ce sont les jeunes qui vont faire le monde de demain. Nous leur demandons de faire des constats mais aussi de rechercher des exemples ou des expériences positives afin d’améliorer les relations filles-garçons. » Les participants pouvaient s’exprimer par l’intermédiaire de la BD, d’un photomontage ou d’une affiche et les œuvres devaient être aussi convaincantes qu’esthétiques. « Pour moi la partie créative a été la plus difficile, il a fallu trouver le slogan, puis l’idée du dessin », confie Tia. Dans sa classe, après un retour critique à l’oral, chaque affiche a été notée grâce à un système d’étoiles prenant en compte le respect du sujet, la lisibilité, le texte d’accroche et l’illustration… Quel que soit le nombre de productions, deux ou trois œuvres seulement devaient être remises par collège. 

Les collégiens conseillent leurs camarades pendant l’exposé et sont incités à émettre des critiques constructives.© CD92/Julia Brechler

Trop fragile

À Bagneux, les élèves de l’unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis) de Romain-Rolland ont joué, eux aussi, le jeu de l’affiche, en mode 100 % numérique cette fois, grâce à la plateforme de design graphique en ligne Canva. « Mes élèves peuvent avoir des difficultés de lecture, d’écriture ou de planification des tâches ; cet outil leur offre des designs prêts à l’emploi qu’ils n’ont plus qu’à personnaliser », explique l’enseignante spécialisée Siham Ghoufrane. Ces élèves de 3e, pour la plupart, partiront en CAP ou en bac pro l’année prochaine, si bien que le sujet de l’orientation et l’égalité dans le monde professionnel s’est imposé de lui-même. « En septembre, nous nous sommes rendus au centre d’information et d’orientation de Montrouge. C’est là que j’ai pris conscience de leurs représentations, confie l’enseignante. Certains ont formulé des remarques sur les choix émis par des filles, tels que couvreur ou métallurgiste, l’armée ou l’informatique, suggérant que cela risquait d’être trop exigeant pour elles ou qu’elles étaient trop fragiles… » Le début d’un travail de fond sur les représentations, les stéréotypes et les inégalités professionnelles, marqué par la découverte de parcours de femmes scientifiques grâce à l’exposition « Sciences Factor – Femmes de la Tech » au centre d’information et de documentation ou encore par des recherches documentaires sur la place faite aux femmes par les médias. « On a beaucoup parlé de tous ces sujets, raconte Siham Ghoufrane. En tant qu’enseignante, je suis là pour leur donner une ouverture d’esprit qui leur permettra de faire des choix, non en fonction de leur genre mais de leur personnalité. » Dès la 3e, voire la 4e, elle les pousse à effectuer des « mini-stages » en lycée professionnel ou en entreprise. « Certains sont tentés de reproduire les schémas familiaux ou culturels. À l’heure du choix, ils doivent être le mieux informés possible ». Ce grâce à quoi Kelly, férue de stylisme, parle encore avec animation de sa découverte de Chanel tandis Alicia, amatrice de « manèges à sensation », s’apprête à découvrir la formation de couvreur dans un lycée professionnel quoi que les autres en pensent : « Si j’ai des craintes, c’est uniquement que cela soit dur physiquement. » 

C’est le sujet des jeux et des jouets qui les a le plus intéressés

Le groupe balnéolais a choisi d’approfondir le sujet de l’orientation et de l’égalité professionnelle.© CD92/Julia Brechler

Faire fi des préjugés… c’est le message que ces élèves cherchent à faire passer avec leur affiche qui sera titrée « On recherche… », suivi d’une liste d’oiseaux rares : femmes serruriers, pilotes d’avion, jardiniers… Après le choix du template sur Canva, les recherches iconographiques confirment ce que les collégiens avertis savaient déjà, les images se dérobant à leurs requêtes sans cesse reformulées. « Il y a beaucoup moins de filles dans ces métiers-là », résume Sabri. De même, la quête d’un sage-homme (sic) les voit dérouler des pages et des pages en ligne jusqu’à ce qu’une clé lexicale, « maïeuticien », leur offre l’image libre de droits tant attendue. Pour finir, ils devront s’entendre pour fusionner leurs travaux en une affiche ou deux. Cela impliquera de « coopérer, discuter, décider quel est le message le plus pertinent » et, là encore, de développer de nouvelles compétences. « Le mode projet donne du sens à leurs apprentissages et, à la fin, ils ont la satisfaction de montrer aux autres que la classe Ulis a fait quelque chose d’utile. » L’émulation n’est pas moindre au Plessis-Robinson, où chacun s’empresse de partager ses trouvailles avec les autres. Cela ne fait que dix ans « que la loi autorise les femmes à porter un pantalon », leur indique Romane (l’ordonnance leur interdisant de porter ce type de vêtement, remontant à plus de deux siècles, a été abrogée Nldr) et « en Ligue 1 de football le salaire d’un homme est plus de 10 fois supérieur à celui d’une femme », leur apprend Clément, ce qui suscite l’indignation générale. Le chemin parcouru par les collégiens dans le cadre d’Ô Lab Citoyen compte ainsi tout autant que les œuvres réalisées et valorisées par le Département qui enregistre cette année une participation record avec 51 classes. « Quel que soit le thème, les jeunes nous surprennent ; ils font preuve de créativité, d’imagination et d’enthousiasme, se réjouissent les organisateurs. En définitive, ils aiment réfléchir ! »

Pauline Vinatier

Un concert le 21 mars pour les classes participantes

Un « concert récompense » viendra clôturer cette troisième édition le 21 mars lors du festival Chorus des Hauts-de-Seine. « Nous avons souhaité leur donner un vrai contact avec l’art. C’est un temps très festif qui plaît beaucoup, et pour certains le tout premier concert de leur vie. » Deux expositions, l’une sur grand écran le jour du concert à La Seine Musicale, l’autre sur la plateforme numérique oZe, présenteront l’ensemble des réalisations. Les productions sont également valorisées au sein des établissements comme au collège Romain-Rolland où, après avoir été exposées en classe, au CDI, en salle d’étude et dans les couloirs ou lors des journées portes ouvertes, les affiches orneront les carnets de correspondance.

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