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AVEC NOha, LE PARASPORT TORD LE COU AUX PRÉJUGÉS

CD92/Olivier Ravoire

Le troisième axe du programme départemental « Natation, Olympisme et Handicap » (NOHa) développe la compréhension par les élèves des défis rencontrés au quotidien par les personnes à mobilité réduite.

Frétillant d’impatience, Wassim, 11 ans, pousse son « bolide » hors du gymnase, un instant transformé en atelier-garage. Moyennant un contrôle technique sourcilleux, sa mécanique roulante a été déclarée apte. Une poussée de roues plus tard et le voilà qui file, assis, vers ce qui est malgré les apparences son cours de sport… « L’idée, pour cette deuxième séance, explique Natacha Calvo-Bastien, professeur d’E.P.S. au collège Jean-Jaurès (Clichy), est d’introduire les balles rebondissantes et d’amener le dribble, pour se rapprocher le plus possible des conditions réelles de la discipline. » Répartis en binômes, « avec leur meilleur ami pour la vie », les enfants et leur insouciance se partagent à tour de rôle les douze fauteuils de sport fournis par le Département. Pourvu d’une coque robuste, à la livrée écarlate ou bleu vif pour dissocier chaque équipe, ce matériel est adapté au basket, au rugby à sept mais aussi – et c’est l’objet du cours – au handfauteuil. « Cette pratique permet de déconstruire les représentations conventionnelles du sport et d’explorer d’autres façons de se mouvoir, précise l’enseignante. Elle sollicite différents corps musculaires et revêt un intérêt sur le plan de la motricité. »

Avec leur look d’auto-tamponneuses, les fauteuils procurent de bonnes sensations.© CD92/Olivier Ravoire

Empathie et inclusivité

Parce qu’elle chamboule aussi les sens et la perception de l’espace par les élèves, un rappel des consignes de déplacement entame l’initiation. Pour certains, c’est un baptême du feu, mais des manœuvres simples comme tourner, stopper ou accélérer, n’ont vite plus de secret pour eux. Comme un poisson dans l’eau, Iliam excelle avec sa conduite vive mais maîtrisée, et n’hésite pas à lâcher la main courante, pour célébrer crânement ses buts marqués. Un remarquable tour de main, qu’il doit à une sensibilisation antérieure à la question du handicap : « À l’école, un de mes amis atteint de trisomie avait l’habitude de me prêter son fauteuil à la récré », se souvient l’élève de 6e, qui indique « s’amuser autant » que sur ses deux jambes. Malgré un aspect ludique, Mayssa, gênée, préfère réprimer sa joie. Maintenant qu’elle se trouve dans la peau d’un sportif en situation de handicap, elle perçoit avec empathie les obstacles qui assombrissent leur vie. « Le handicap n’est plus pour eux un tabou, à l’inverse de ma génération, souligne Natacha Calvo-Bastien. Mes élèves n’ont aucune réticence à monter sur un fauteuil et je les évalue sur ce qu’ils en retirent sur le plan des valeurs, comme le respect de l’autre ou l’inclusivité. » Pour dispenser au mieux ces bienfaits, les cinq enseignants du collège adhérents au projet replacent opportunément du vocabulaire, de manière à infléchir les préjugés sur le handicap et corriger les réflexions qui ont la dent dure. « Grâce au dispositif NOHa, il est ainsi proposé aux professeurs d’E.P.S. de 37 collèges volontaires de conduire un cycle de parasport de dix heures, explique Rosemary Chevalier, chef du service développement à la direction de la Jeunesse au Département. Pour sa mise en œuvre, le Département a proposé aux enseignants concernés une action de formation et a mis à la disposition des établissements du matériel parasportif, sous forme de kits, accompagnés d’un livret pédagogique. » Un budget de 1,2 Ma été consacré au déploiement de ce 3e axe du programme départemental NOHa, complémentaire de l’apprentissage de la natation et d’une découverte des valeurs de l’olympisme. 

On utilise plus la parole que les gestes, et cela nous force à nous écouter les uns et les autres

Le jeu de la « passe à dix » permet d’introduire progressivement les points du règlement.© CD92/Olivier Ravoire

Invitation à la paranatation

Cécifoot, goalball, volley assis, parathlétisme… D’ici la fin de l’année scolaire, plusieurs centaines de collégiens auront été éveillés à sept disciplines parmi les vingt-deux aujourd’hui reconnues par le Comité international paralympique (CIP). À celles-ci s’ajoute le hand fauteuil, un sport toujours en quête de cette reconnaissance malgré de nombreux atouts. À l’instar d’autres sports adaptés, son usage du fauteuil lisse les aptitudes physiques et permet de jouer en parfaite mixité de genre ou d’âge, en s’ouvrant à des rencontres mêlant valides et invalides dans la limite de l’équité. En milieu scolaire, ses vertus font aussi merveille. « Cela change notre manière de communiquer, a remarqué Myriam, 11 ans, sifflet d’arbitrage en main. Privés de nos jambes, on utilise plus la parole que les gestes, et cela nous force à nous écouter les uns et les autres. » Constat plus vrai encore lors des séances de cécifoot (football à l’aveugle), également dispensées au collège, le handfauteuil crée ainsi des situations où l’absence de coopération conduit à des incompréhensions, immédiatement sanctionnées par le score. S’il préfère la rapidité de jeu du basket conventionnel, le hand fauteuil a de quoi tenter Iliam, qui a « bien envie de s’inscrire en club ». Myriam, qui prend plaisir à décortiquer les différences de règlements, prévoit déjà de se « scotcher » devant la retransmission des Jeux Paralympiques, du 28 août au 8 septembre. « Ce cycle de sensibilisation prendra tout son sens avec l’invitation, lancée à tous les participants, à assister aux épreuves de paranatation qui se tiendront à Paris La Défense Arena, explique le président du Département Georges Siffredi. Ces jeunes se trouveront alors au cœur de la compétition et découvriront cet univers dans lequel la France compte de grandes chances de médailles. »

Nicolas Gomont

 
 
 

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