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YVES-DU-MANOIR LE CHANTIER D’UNE RENAISSANCE

Le dernier des quatre terrains de football, en pelouse synthétique, vient tout juste d’être livré. CD92/Stephanie Gutierrez Ortega

Le stade départemental Yves-du-Manoir, engagé dans un contre la montre pour accomplir sa mue, doit être mis à la disposition du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (COJO) l’an prochain.

Deux ans. C’est la durée éclair du chantier, qui permit au Racing Club de France (RCF) et à son architecte fétiche, Louis Faure-Dujarric, d’honorer leur engagement. Celui d’édifier dans les délais, à Colombes, le stade de la VIIIe olympiade de l’histoire moderne, en 1924. Un siècle plus tard, il en faudra autant au Département – propriétaire des lieux depuis 2003 – pour finaliser la refonte complète de ce qui est désormais le stade départemental Yves-du-Manoir. Les travaux engagés sont de nature à assurer le succès des Jeux de Paris 2024 dans les Hauts-de-Seine, puisque le site a été retenu pour héberger les épreuves officielles de hockey sur gazon. Au terme de sa transformation, devant s’achever fin 2023, la plaine de jeu rénovée comptera trois tribunes et dix terrains de sport praticables toute l’année, parmi lesquels quatre seront dédiés au football et trois au rugby. Futur siège de la Fédération, du Centre National d’Entraînement des Équipes de France et d’une partie des activités du Racing Club de France de Hockey, cet écrin sportif comportera deux terrains exclusivement consacrés aux entraînements et aux compétitions de cette discipline. À même d’être foulée, tant par des rugbymen que par des amateurs du ballon rond, une nouvelle surface de jeu sera déployée après les Jeux sur le terrain d’honneur, débarrassé de son célèbre anneau d’athlétisme relocalisé à l’est de la parcelle. La démolition des virages nord et sud de l’enceinte principale a amorcé, en décembre 2021, ce renouveau nécessaire. Âme tenace d’un stade maintes fois promis à l’abandon ou à la destruction, sa tribune historique tient, elle, toujours debout.

Comme un saut dans le temps… La dentelle métallique de la tribune historique délaisse peu à peu son gris piqué de rouille pour son bleu vif de naissance.© CD92/Stephanie Gutierrez-Ortega
Du haut de sa nacelle, un ouvrier réceptionne, puis aligne les poutres de la tribune de rugby, faites d’un bois en provenance des forêts du Jura.© CD92/Willy Labre

Patrimoine préservé

Du haut de son grand âge, elle n’a pas manqué de jouer des tours aux responsables du chantier. « Toute rénovation réserve, après tout, son lot de surprises, relativise Chantal Aragon, responsable du Stade Yves-du-Manoir pour le Département. Tuyauterie, électricité, étanchéité… Le plus gros du travail, aussi inattendu qu’invisible à l’œil nu, n’en était pas moins indispensable pour rendre sa partie centrale de nouveau utilisable ». Après avoir franchi la porte en fer forgé, siglée RCF, à l’embouchure du tunnel menant sous les gradins, les athlètes pourront se réfugier dans des vestiaires modernisés. Les courageux pourront même plonger dans un bassin d’ablution d’eau froide et ainsi récupérer musculairement de leurs efforts harassants. La zone VIP, le salon réservé à la presse ainsi que des espaces de stockage ont également été revus. À l’extérieur, en accord avec les recommandations de l’architecte en chef du Patrimoine mandaté par le Département, les poutrelles de métal riveté, aux volumes déliés, revêtiront leur livrée d’origine : un chatoyant bleu roi. Quant à la légère toiture de tôle crénelée, elle sera conservée telle quelle. Idem pour la façade donnant sur la rue, qui fait tout de même l’objet d’un rafraîchissement.

Énergies renouvelables

Des enjeux liés au développement durable ont présidé à la remise à neuf de l’ensemble de la plaine de jeu, conforme aux exigences d’accessibilité et aux possibilités techniques du XXIe siècle. « La moitié de l’énergie consommée sur place sera d’origine renouvelable, indique Sébastien Beaucamp, chef de projet au sein de la direction des bâtiments au Département. Des panneaux solaires complèteront l’énergie fournie par une centrale à cogénération, alimentée par de l’huile de colza, et capable de produire à la fois de l’électricité et de l’eau chaude sanitaire ». Résolument innovants, les deux bâtiments neufs en sont aussi l’illustration : la pluie s’abattant sur leurs toitures sera collectée en complément de l’eau d’un puits, foré sur la parcelle, pour l’arrosage et l’alimentation des sanitaires. Le premier de ces édifices surplombe le terrain de compétition de hockey sur gazon.

Six terrains terminés

Avec sa tribune de 1 000 places, il mêle des fondations et un rez-de-chaussée en béton, aux normes de la crue décennale, à deux étages en bois labellisé, issu de forêts françaises. Sa façade la plus exposée est d’ores et déjà protégée de pare-soleils, où s’intercaleront prochainement des panneaux perforés en forme de moucharabiehs, pour maintenir un air frais dans ce bâtiment non climatisé. Une dernière main devrait être apportée aux finitions à la toute fin de l’année. La seconde construction réunira, une fois achevée, les bureaux attribués aux sections football et rugby du Racing Club de France, ainsi que les vestiaires de leurs licenciés. Cet ensemble – plus reculé – se fond discrètement dans le paysage grâce à son toit végétalisé. Vouée aux rencontres de rugby, sa tribune de 300 places attend encore la pose de strapontins et sa salle de musculation, au plafond rehaussé, ses volumineux ergos. En amont des aménagements intérieurs, ses murs, où sèche encore l’enduit frais, se parent de matelas isolants. En contrepoint, on apprête les sols avant de couler les dalles et poser les parquets. « Six des dix terrains, dénombre Chantal Aragon, ont déjà été réceptionnés à la rentrée 2023. En accord avec le vœu du Département de perturber le moins possible les activités des scolaires et des associations sportives locales, le chantier a été mené en site occupé, dix mois dans l’année ». Sans causer de problème de sécurité, cette cohabitation entre ouvriers et usagers, se limitant à « des ballons volant dans la zone de chantier », a permis d’étrenner les pelouses en herbe synthétique, à l’épreuve du réchauffement climatique.

 

La façade éco-construite de la tribune de hockey régule intelligemment son apport solaire, préservant la fraîcheur intérieure par fortes chaleurs.© CD92/Stéphanie Gutierrez-Ortéga

Une tribune de 15 000 places

Depuis le 5 juin, le stade a entamé sa seconde fermeture estivale pour cause de travaux. Aujourd’hui, 300 ouvriers s’affairent sur place pour terminer le dernier terrain de football, réduit pour l’heure à une aire de stockage et poursuivre le déploiement des cheminements piétonniers en béton poreux. En lien avec l’objectif de recycler 90 % des déchets du chantier, les 10 000 tonnes de terres excavées durant le terrassement seront réemployées à la création de vergers, traversés d’un parcours de santé devant serpenter au nord de l’aire sportive. Les joggeurs pourront profiter des agrès jalonnant ses abords. « En dépit des impondérables et compte tenu de l’avancée des travaux, l’ensemble de la plaine de jeu sera livré à temps, assure Chantal Aragon. L’échéance qui se rapproche ne nous laisse, de toute façon, pas le choix ». Cette pression montante augure la prise de possession du site par Paris 2024, au premier semestre de l’année olympique. Les organisateurs auront six mois pour terminer les aménagements nécessaires à l’accueil des spectateurs, déjà bien entamés avec la pose cet été de la pelouse sur les trois terrains de hockey sur gazon retenus pour les entraînements et la compétition. Une tribune temporaire devra être élevée autour du terrain d’honneur – terrain de compétition numéro un pour les JOP – faisant grimper à près de 10 000 le nombre de places disponibles. « Il leur faudra aussi percer l’entrée principale, rue Pierre de Coubertin, et retirer pour ce faire une partie des grilles de clôture », complète Chantal Aragon. Les environs du stade mériteront également quelques retouches, avant leur réfection intégrale programmée après les Jeux, dans le cadre de l’extension du tramway T1 jusqu’à Colombes, dont le tracé prévisionnel prévoit la construction d’une gare au pied des terrains de football. Un autre chantier d’ampleur mené par le Département… 

Nicolas Gomont

 
 

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