Photo : CD92/Olivier Ravoire
Posté dans exposition

À Suresnes, les étoiles du hip hop

Depuis 2007, le festival Suresnes Cités danse consacré au hip hop s’enrichit avec Cités danse connexions, un dispositif d’accompagnement des jeunes danseurs vers la création chorégraphique.

Noir. Lumière. Puis de nouveau le noir puis la lumière. In Between teste en permanence nos perceptions grâce aux projecteurs qui s’allument et s’éteignent mais aussi grâce à l’illusion. Jouant avec ses cheveux, ses vêtements, des accessoires, Ingrid Estarque n’est pas magicienne. Enfin, pas seulement. Cette danseuse, biberonnée à la fois au classique, au hip hop et à la danse contemporaine, a découvert il y a cinq ans la « magie nouvelle » qui se mélange à d’autres formes d’art. « Ce n’est pas de la magie traditionnelle où le magicien est au centre du numéro. Ici, les tours viennent alimenter la dramaturgie du spectacle », explique l’artiste. Pendant une semaine, Ingrid Estarque est en résidence sur la scène de l’Aéroplane au théâtre Jean-Vilar de Suresnes pour travailler cette nouvelle création solo. Elle ajuste, avec sa régisseuse et son assistante chorégraphe, la mise en scène puis les lumières. « C’est une chance de répéter ici. J’ai pu avoir trois résidences au lieu de deux et cela permet d’avoir le plateau pour moi et de me mettre dans les conditions réelles du spectacle. »

La danseuse et chorégraphe Ingrid Estarque est sur la scène de Suresnes Cités danse en janvier pour présenter sa nouvelle création In Between.© CD92/Olivier Ravoire

Comme deux autres spectacles à l’affiche cette année, In Between entre dans le dispositif Cités danse connexions soutenu par le Département. Né en 2007, ce « petit frère » de Suresnes cités danse, qui lui va bientôt devenir trentenaire, est en fait son prolongement et son complément tout à fait naturel. « Il y a le festival, qui est un temps en janvier avec beaucoup de productions, mais nous avions envie d’avoir une action plus continue tout au long de l’année », résume Olivier Meyer, directeur du théâtre, qui développe son credo : soutenir la jeune création chorégraphique hip hop en repérant de jeunes danseurs et en les aidant à monter leurs spectacles. « Le but est de nous renouveler et de créer une génération d’artistes à qui nous donnons leur chance », poursuit-il. Pour cela, la recette fait des miracles depuis quatorze ans : un accueil en résidence grâce à trois studios de répétition, la mise à disposition de moyens techniques et humains et, pour certains spectacles, une aide financière grâce à la co-production comme c’est le cas pour In Between. « Il y a un accompagnement du théâtre qui nous donne par exemple des dates de représentation. La production est la partie la plus difficile et la plus prenante quand on monte un spectacle. Avec le contexte sanitaire, certains d’entre eux n’ont pas pu se faire », concède la danseuse.

Ce sont des enfants de Suresnes qui reviennent dans leur maison à la fois accueillante et exigeante.

Chorégraphes émergents

Petit à petit, Cités danse connexions a su constituer son propre écosystème, véritable cercle vertueux, avec des danseurs qui viennent d’abord se produire lors du festival, qui sont ensuite repérés et accompagnés avant de prendre leur envol pour parfois refranchir les portes de Jean-Vilar. Amala Dianor et Jann Gallois, tous deux passés par la case Suresnes, sont par exemple aujourd’hui associés avec les plus grandes scènes nationales comme le Centquatre à Paris. « Ces artistes, ce sont des enfants de Suresnes qui reviennent dans leur maison à la fois accueillante et exigeante », lance Olivier Meyer. Ingrid Estarque ne fait pas exception : elle était déjà présente en 2015 pour le Gardien du temps de François Lamargot, en 2017 lors du spectacle de Farid Berki donné pour les vingt-cinq ans du festival et pour assister en 2018 au (S)acre de David Drouard. « C’est une danseuse très singulière avec une forte présence, note Olivier Meyer. Nous avons tout de suite repéré sa force. Elle n’était pas forcément connue comme chorégraphe mais quand on lui a dit qu’on pouvait l’accompagner, elle nous a proposé ce solo. » « C’est un festival que j’aime car il a vu naître plusieurs générations de chorégraphes et de danseurs devenus chorégraphes, reprend Ingrid Estarque. J’étais venue voir un spectacle dans les années 90 puis je suis revenue à l’âge de dix-neuf ans pour travailler avec d’autres danseurs et aujourd’hui, je me retrouve ici pour une création : c’est hallucinant ! » Cependant, les chemins qui mènent à Cités danse connexions sont variés. « Nous recevons énormément de propositions et de dossiers chaque année et nous sélectionnons certains danseurs sur images », explique Olivier Meyer.

Ce spectacle a bénéficié du soutien du Département via le dispositif Cités danse connexions qui existe depuis 2007 en marge du festival.© CD92/Olivier Ravoire

Cycle(s)

Après avoir commencé par la danse classique à quatre ans, le hip hop à treize puis les danses contemporaines en école de danse, Ingrid Estarque a créé sa compagnie In il y a dix ans. Ce spectacle est en gestation depuis maintenant deux ans. « Il a fallu coucher mes idées sur le papier et le cheminement a été long entre ce que j’ai dans la tête et ce que je présente aujourd’hui aux spectateurs. » Danser de nouveau seule sur scène, dix ans après un premier solo. Boucler la boucle. La réalité du festival rejoint l’imaginaire de la création pour Ingrid Estarque car son spectacle est avant tout une histoire de cycle : celui du travail, des émotions. « Cette notion est très présente car notre vie est constituée de petits cycles émotionnels dans un grand. Si nous ne réglons pas les petits, alors les choses reviennent à vous à la fin du grand. Ce spectacle, c’est une manière de dire que tout a un début et une fin, que tout naît et meurt. » Cette notion cyclique se matérialise par le choix des musiques ou les inspirations chorégraphiques comme la danse soufie des derviches tourneurs. « Elles mettent le spectateur dans un état contemplatif. J’ai choisi des mantras qui le bercent, l’emportent et font appel à son inconscient. Je lui laisse ainsi la liberté d’imaginer ce qu’il voit sur scène. J’aime le principe de la double lecture. » Quant à son titre, In Between, il évoque tout naturellement l’entre-deux. « C’est être entre la notion du dehors et celle du dedans. Nous luttons contre nous-mêmes et contre des éléments extérieurs. Parfois, il y a trop de bruit à l’extérieur alors qu’il faudrait écouter ses émotions intérieures et non les cacher ». Une version courte d’environ trente-cinq minutes de ce voyage introspectif et planant sera présentée au festival Suresnes cités danse. Une version allongée de quinze minutes sera, elle, amenée à voyager. « J’aime beaucoup les performances in situ, celles qui vous imposent un challenge, conclut Ingrid Estarque. Le spectacle pourrait donc se jouer cet été dans des jardins ou des châteaux… » 

Mélanie Le Beller

Suresnes cités danse, 29e !

Après une édition 2020 hors les murs au théâtre André-Malraux de Rueil, Suresnes Cités danse réinvestit un Jean-Vilar rénové depuis l’année dernière. Jusqu’au 31 janvier, douze spectacles -dont trois créations – se jouent sur la scène suresnoise. Outre Ingrid Estarque, les deux autres Cités danse connexions réunissent d’un côté Maxime Cozic et Mélina Boubetra et de l’autre les deux breakers Camille Regneault et Julien Saint-Maximin de la compagnie Yeah Yellow. Cette 29e édition réunit également des habitués comme Amala Dianor, Jann Gallois, Kader Attou ou Farid Berki. n

Programme et billetterie sur www.suresnes-cites-danse.com

Les commentaires sont fermés.