Manon Balaÿ dite Gaadjika, Cheetos, huile sur toile
Posté dans exposition

Des écrans dans le Salon

Après avoir été repoussée d’un an, la 65e édition du Salon de Montrouge est annoncée du 22 au 31 octobre.

L’essentiel est sauvé, l’historique salon d’art contemporain toutes tendances confondues, qui se tient chaque année à Montrouge depuis 1955, aura bien lieu après la marche sautée en 2020 : c’était bien la première fois dans le milieu que le mot viral ne s’appliquait pas à un message sur Twitter ! Les cinquante artistes retenus après le parcours de sélection piaffent dans leurs ateliers depuis plus d’un an. Ils étaient environ 1 500 à avoir déposé un dossier de candidature, un peu moins de 20 % demeuraient à l’issue du premier travail « d’écrémage » – la langue anglaise use du terme « distillation » – mené par Marie Gautier et Ami Barak, avant de passer devant le comité de sélection, sous la direction d’Emma Lavigne, présidente du Palais de Tokyo à Paris. Les cinquante finalement retenus, dont trente artistes femmes, viennent au-delà de la France de neuf pays, transformant pour quelques semaines Montrouge en capitale de l’art contemporain. Ou plutôt de l’art émergent. « Le Salon n’a pas de critère d’âge pour ses candidats. Ce n’est pas un salon de la “jeune création”, c’est un salon de la “scène émergente”. On peut être artiste émergent à 40 ans, à 50 ans, comme Gauguin ou Dubuffet. Vous pouvez être jeune et très vieux dans votre tête, ou être assez avancé en âge avec un esprit juvénile. Nous présentons des artistes actifs, mais d’une manière débutante, qui participent à différentes manifestations de groupe, parfois dans des lieux improbables, et n’ont pas beaucoup de moyens. Pour ces artistes, le Salon de Montrouge est effectivement un moment clé dans “la mise à feu du troisième étage de la fusée”. »

Camille Beauplan, Presque l’autonomie, acrylique sur toile.

Art du temps

Comme chaque année, le parcours dans la scénographie imaginée au Beffroi par Vincent Le Bourdon – est structuré selon deux ou trois thèmes apparus naturellement au cours des sélections, comme l’émanation des artistes et de l’air du temps. Trois chapitres cette année : Sur la route de l’hybride ; Chorégraphies du quotidien ; Micro-secousses sismiques à l’âge post-internet. Les deux premiers parlent d’eux-mêmes, le troisième nécessitant peut-être une clarification du curateur – comme on appelle à l’anglo-saxonne le commissaire d’exposition : « Internet s’est infiltré un peu partout, les artistes ont tous un compte Instagram. Il y a une façon de diffuser son travail, de le penser pour ces outils-là qui “déteint” sur l’œuvre elle-même. Certaines œuvres sont plus “instagrammables” que d’autres, cela implique une certaine façon de concevoir l’œuvre en fonction d’une story qui va avoir une diffusion sur smartphone. »

Mais que le visiteur réel ne se sente pas contraint par ces balises, dont les territoires parfois se chevauchent : elles ne servent qu’à rythmer la promenade et ouvrir des perspectives sur l’émotion qui demeure le seul guide. Qu’est-ce donc qui émerge dans l’art aujourd’hui ? De l’évanescence ici, une certaine culture pop là, et parfois un esprit de narration, littéraire ou cinématographique, voire une approche de bande dessinée. « Vous avez remarqué que la palette chromatique de ces artistes est plutôt exubérante ! souligne Ami Barak. On aurait pu penser les temps tellement stressants qu’on serait dans les gris et les noirs, mais là, c’est comme si les artistes cherchaient dans la couleur une bouée de sauvetage… »

En une année pas comme les autres, certaines œuvres auront parfois été remplacées par d’autres, plus récentes. Notre sélection, est subjective et en cela contestable. Elle n’est qu’un des regards possibles sur un horizon qu’on aimerait bien voir se dégager.

Didier Lamare
www.salondemontrouge.com

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