Franz Ludwig Catel Atrani, vue depuis la mer. 8 mai 1812. © BnF Crayon, plume et encre brune.
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L’archéologue, le peintre et l’écrivain

À Châtenay-Malabry, la Maison de Chateaubriand présente du 18 septembre au 19 décembre, en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France, les dessins réalisés par Franz Ludwig Catel au cours d’un voyage dans le royaume de Naples en 1812.

Franz Ludwig Catel, Paestum, temples de Hera et de Neptune. Crayon, plume, lavis d’encre brune et sépia.© BnF

L’exposition ne réunit pas le bon, la brute et le truand, mais trois personnages on ne peut plus sérieux lancés ensemble en 1812 dans un périple inconfortable – à dos de mulet sur des chemins défoncés – à travers le royaume de Naples, de sa capitale jusqu’au bout de la Calabre, sous le règne pour quelques années encore de Joachim Murat, beau-frère de Napoléon Ier. À commencer par le plus en vue des trois, le peintre Franz Ludwig Catel (1778-1856) dont les visiteurs découvrent une quarantaine de dessins restaurés issus des collections de la Bibliothèque nationale de France. Il chemine six semaines durant avec l’archéologue Aubin Louis Millin. Vallée-aux-Loups oblige, on pense évidemment au Grand Tour artistique et spécialement au voyage en Orient de Chateaubriand, qui date d’à peine six ans auparavant. Mais le lien est encore plus serré car un jeune écrivain de 22 ans accompagne l’archéologue et le peintre : Astolphe de Custine, fils de Delphine de Sabran, passion amoureuse de l’auteur de René, pour lesquels, l’écrivain et le livre, Astolphe éprouve une admiration inspirante.

Selon la formule de Bernard Degout, son directeur, « la Maison de Chateaubriand ne se définit pas comme un musée, mais comme une maison d’écrivain patrimoniale, dédiée à Chateaubriand et au romantisme, accueillante à tous les habitants et hospitalière aux auteurs contemporains. La présence de la littérature y est déterminante ». C’est ainsi que cette exposition y trouve une place exacte, qui associe les œuvres d’un peintre prussien installé à Rome ayant rencontré et illustré Goethe, d’un archéologue arpenteur scientifique des ruines antiques, et d’un jeune écrivain, fils d’une passion amoureuse de Chateaubriand et admirateur du grand homme.

Franz Ludwig Catel. Agropoli, deux figures de gens du peuple. 12 mai 1812. Crayon, plume et encre noire.© BnF

Plumes romantiques

Pareille exposition où l’image laisse transparaître la littérature en filigrane incite à en retrouver les épisodes dans Mémoires et Voyages, publié par Custine en 1830, où il relate le voyage en Calabre d’une plume romantique, même si elle est moins affûtée que celle de son mentor : « J’ai passé une grande partie du jour assis sur les murailles qui marquent l’enceinte de l’antique Paestum. Il en reste trois temples presqu’intacts, au milieu d’une plaine déserte et nue ; et ces ruines produisent sur l’âme une impression extraordinaire ! Ici, l’homme a tout l’avantage sur la nature. Abattez les temples, Paestum n’est plus qu’une solitude sans caractère, une plaine marécageuse, inculte et entourée de montagnes arides ; avec ses monuments, c’est un désert poétique et dont je préfère l’aspect à celui des plus riantes campagnes. Où sont aujourd’hui les peuples qui laisseront aux générations à venir des modèles du sublime en architecture ? »

Nous avons parcouru aujourd’hui un pays fort singulier ; si vous ne vous en fiez pas à mon avis, vous en croirez M. Catel, notre compagnon de voyage, qui juge la nature en peintre.

Astolphe de Custine

La précision architecturale des dessins de Catel – perspective parfaite, jeu aérien des plans échelonnés – s’explique peut-être par l’usage d’une chambre claire (« camera lucida ») – l’équivalent en plein air de la « camera obscura » – dispositif optique assez courants chez les peintres au XIXe siècle et qui aide l’œil et la main, accélérant le travail sur le motif. Une telle « machine à dessiner » est exposée et fera l’objet d’une conférence parmi les nombreuses animations culturelles annoncées : concert, lecture, atelier. Sous le titre L’archéologue, le peintre et l’écrivain paraît un ouvrage relatif à l’exposition, qui n’en est pas exactement le catalogue mais un vagabondage – très documenté – autour des trois personnalités de ce voyage romantique. Où l’on pourra entre autres remettre les mots de Custine en regard des dessins de Catel, ce qui ne manque ni de charme ni de poésie, ni parfois d’une certaine drôlerie.

Didier Lamare
Un peintre romantique dans la Calabre napoléonienne, Franz Ludwig Catel, dessins de la Bibliothèque nationale de France, du 18 septembre au 19 décembre à la Maison de Chateaubriand.
vallee-aux-loups.hauts-de-seine.fr.

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