© Archives Départementales des Hauts-de-Seine
Posté dans exposition

Fascinantes cités radieuses

Les Archives départementales présentent, à partir du 23 mars et jusqu’au 10 juillet, plus de cent images et documents relatifs aux Expositions universelles françaises.

© Archives Départementales des Hauts-de-Seine.
 

Entre 1855 et 1900, il y en eut cinq qui ont drainé un nombre inconcevable de visiteurs et, bien que chaque fois montées dans la capitale, elles ont marqué notre territoire. D’abord en raison des reliques architecturales que la bonne fortune y a déposées, ensuite parce qu’elles ont parfois failli se tenir chez nous. L’exposition Des projets aux vestiges, les Hauts-de-Seine et les Expositions universelles est avant tout le récit illustré d’une fascination jamais démentie pour ces manifestations d’un autre âge, déraisonnables quoique motivées par la raison triomphante de la civilisation occidentale. À regarder les gravures minutieuses et spectaculaires d’alors, on se croirait plongé dans les bandes dessinées de Schuiten et Peeters, mais dans une version lumineuse, comme si Les Cités obscures étaient encore des cités radieuses. Passionné, Julien Le Magueresse est, pour rester dans le domaine, L’Archiviste de La Tour au rez-de-chaussée de laquelle se tient l’exposition : « Le grand mot qui revient tout le temps à l’époque, c’est celui de “progrès”. Les Expositions universelles offraient un côté découverte, le monde venait à Paris, l’avenir était radieux. Même si à l’origine elles sont avant tout consacrées à l’industrie et aux techniques, le public en retient surtout l’aspect divertissement, parfois un peu clinquant, qui prend peu à peu le pas sur les fumées grasses et les canons… » 

Inauguration de l’Exposition universelle de 1878 au Palais du Champ-de-Mars.© Archives Départementales des Hauts-de-Seine.
Intérieur du Palais des illusions, Exposition universelle de 1900.© Archives Départementales des Hauts-de-Seine.

Les Anglais ayant tiré les premiers en 1851 avec le Crystal Palace de Londres, la première Exposition universelle française, en 1855, est celle de l’apprentissage, avec cinq millions de visiteurs. De l’affirmation politique aussi : il s’agissait d’installer solennellement le régime impérial de Napoléon III – comme il s’agira en 1878 de signer la revanche de la République, et en 1889 d’ériger la France en phare du monde pour le centenaire de la Révolution. On construit pour l’occasion un premier Palais de l’Industrie sur deux hectares et plus de deux cents mètres le long de l’avenue des Champs-Élysées. Au sommet du portique monumental, le groupe sculpté La France couronnant d’or l’Art et l’Industrie en demeure aujourd’hui le dernier vestige, survivant dans le parc de Saint-Cloud. Les Expositions universelles suivantes monteront leurs propres architectures gigantesques et éphémères, preuves que décidément les temps ont bien changé. Le Palais de l’Exposition de 1867 invente une circulation à la fois centrifuge et transversale qui sert de classification des produits et des techniques, sorte de Wikipédia in situ avec liens hypertextes en dur… L’Exposition de 1878 – la plus conforme à l’esprit d’origine avant que la fête foraine ne s’impose – est aussi la plus repérée sur le territoire des Hauts-de-Seine, en raison des nombreux vestiges qui y furent remontés plus ou moins partiellement : Pavillon des Indes et Pavillon de la Suède et de la Norvège à Courbevoie, gare de l’architecte Lisch à Asnières, fragments du Palais de l’Industrie comme éléments du Hangar Y à Meudon… L’Exposition de 1889, la première électrifiée ce qui permet les nocturnes, est bien sûr celle de la tour de Gustave Eiffel, érigée en moins de deux ans grâce à l’organisation impeccable de l’usine de Levallois. Et plus modestement du Pavillon de Haïti-Hawaï, redécouvert très récemment sous la forme d’une habitation privée à La Garenne-Colombes. La dernière des Expositions à caractère universel bascule en 1900 dans le vertige : 120 hectares de palais et de pavillons multiples, l’ambition de dresser rien de moins que le bilan du siècle, de fusionner avec les Jeux Olympiques, et de présenter au monde le métropolitain, après le téléphone, l’électricité, le cinéma, l’automobile et on en passe des sessions précédentes.

La tête de la statue de La Liberté exposée en 1878.© Archives Départementales des Hauts-de-Seine.
Porte monumentale, place de la Concorde, Exposition universelle de 1878.© oArchives Départementales des Hauts-de-Seine.
Le « Palais Omnibus » de l’Exposition universelle de 1867 proposait un classement topographique des objets présentés.© Archives Départementales des Hauts-de-Seine.

L’alternative de La Défense

Les projets d’Expositions universelles alto-séquanaises, motivés entre autres par des questions d’espace – l’Exposition de 1900 recevra plus de cinquante millions de visiteurs ! – sont multiples, récurrents à partir de 1878, et font l’objet d’un lobbying constant des promoteurs, mais se heurteront jusqu’au bout à l’inflexibilité de Paris qui n’a tout de même pas l’intention de laisser échapper la manne commerciale. Deux lieux reviennent comme alternative : le parc de Saint-Cloud, qui a d’ailleurs failli pour l’occasion être annexé par la capitale ; et le site de La Défense dont on peut, sans faire preuve de trop d’imagination, penser que le Cnit puis le quartier d’affaires sont des résurgences de ces projets.

Aux Archives départementales, la visite s’achève par l’évocation des Expositions internationales qui succéderont, dont celle de 1937, marquée symboliquement par l’affrontement architectural entre le Pavillon de l’Allemagne et celui de l’URSS. Mais cette fois, le vent a tourné : après les cités radieuses, voici venir le temps des inquiétantes cités obscures. 

Didier Lamare
Nanterre, Archives départementales, du 23 mars au 10 juillet archives.
hauts-de-seine.fr

 
 
 

Les commentaires sont fermés.