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Légende vivante

Herbie Hancock est de retour à l’affiche de La Défense Jazz Festival du 20 au 26 juin.

Il y a bientôt quinze ans, le légendaire pianiste-compositeur-arrangeur-grand-manitou du jazz tous azimuts avait mis la dalle en fusion en clôture du festival de 2008. Herbie Hancock revient en jeune homme, soixante ans de carrière depuis son premier album comme leader. Miles Davis, dont il fut le pianiste, disait qu’il était l’étape après Bud Powell et Thelonious Monk et qu’il n’avait toujours pas entendu celui qui viendrait ensuite. Ils sont sans doute plus nombreux sur les rangs aujourd’hui, mais aucun n’a exploité à ce point son talent pour les itinéraires inattendus, les compagnonnages expressifs, le passage des frontières en contrebande avec la musique pour unique bagage. On ne sait pas encore dans quelle formation il se produira, mais électrique ou acoustique, jazz, funk, pop ou world, au piano ou synthé en bandoulière, Herbie Hancock, ça ne se rate pas. Parmi les noms confirmés au moment où nous bouclons, on ne présentera pas Ibrahim Maalouf avec l’un de ses projets hybrides – hip-hop cette fois – qui ont le « savoir-plaire » au plus grand nombre. Mais plutôt la création originale de la jeune violoniste franco-irlandaise Fiona Monbet, formée à la fois au CNSM de Paris et au Centre des musiques Didier-Lockwood, véritable Maelström – pour reprendre le titre de son dernier album – dans le flux des musiques écrites, improvisées, savantes, populaires, acoustiques, électroniques… Daïda, groupe lauréat du concours international 2021, sera aussi de la partie, sous la conduite percussive de Vincent Tortiller. 

Photo : CD92/Jean-Luc Dolmaire

Beethoven en liberté

Laurence Equilbey s’engage à la tête d’Insula orchestra dans l’un des opéras fondateurs du romantisme : Fidelio de Beethoven.

Unique opéra du compositeur, Fidelio est un héritage de la musique d’avant, dans le sillage par exemple de La Flûte enchantée de Mozart, avec ses alternances de chant et de dialogues parlés ; il annonce, avant le Freischütz de Weber, le romantisme wagnérien. C’est d’ailleurs après ce même Freischütz monté en 2019 dans une mise en scène féerique inspirée par la magie nouvelle, que Laurence Equilbey aborde Fidelio, pièce au cœur historique et émotionnel du répertoire d’Insula orchestra. Un opéra qui aurait pu s’appeler Leonore : le Fidelio du titre étant le nom masculin emprunté par l’épouse pour sauver son Florestan de mari, enfermé dans les geôles d’un tyran et sur le point d’être exécuté sans procès. Quand Beethoven s’attache aux idéaux de liberté de son siècle, nous entendons dans le nôtre des résonances familières. David Bobée revient travailler avec Laurence Equilbey après sa mise en scène spectaculaire et spectrale de La Nonne sanglante de Gounod en 2018. Blocs de béton, métal rouillé, éboulement d’un monde, David Bobée est peu enclin au ronronnement d’un théâtre détaché des réalités sociales et politiques : « L’héroïsme de quelques-uns est impuissant à transformer le monde… s’il ne rencontre pas sur son chemin la bonté ordinaire des humbles et l’intégrité des puissants. » La soprano irlandaise Sinéad Campbell Wallace est une spécialiste du rôle de Léonore et le ténor français Stanislas de Barbeyrac chantera Florestan, en compagnie du chœur accentus, du 14 au 18 mai dans l’auditorium Patrick-Devedjian à La Seine Musicale. 

Photo : © David Bobée et Léa Jézéquel

 

Métro boulot tango !

À défaut de casquettes, Ricardo Mosner a plusieurs chapeaux au-dessus de ses lunettes et de son accent argentin. Plasticien, écrivain, il a joué au théâtre avec Marcia Moretto, la Marcia Baïla des Rita Mitsouko – il a d’ailleurs dessiné le visuel du titre -, il décline le tango sous toutes ses formes, fut membre des Papous dans la tête, sorte d’Oulipo radiophonique, et vient d’exposer à la Maison des Arts de Bagneux à l’occasion de l’inauguration d’une fresque hors du commun sur le mur d’enceinte du Centre de dépannage des trains de la ligne 4. Le joueur de lettres l’a intitulée « b.a. – ba de Xugabne ». C’est un bas-relief métallique, peint d’une palette jaune soleil, bleu des ombres et noir pour les mains dans le cambouis, qui rend un hommage monumental aux travailleurs inconnus du métro et de son chantier : une quarantaine de personnages, deux mètres de haut, cent mètres de long ! Réalisée dans le cadre de l’opération Art dans la ville, l’œuvre est permanente et sa vitalité intemporelle, radieuse, dansante.

Photo : © NT14

Les desseins du dessin

Le dessin est-il « le père de tous les arts » ? Si la question exprimée à la Renaissance ne se pose plus exactement ainsi de nos jours, la réponse est incontestablement oui de l’âge des cavernes à celui de la modernité du XXe siècle. La preuve par deux cents feuilles, visibles en deux temps aux Anciennes Écuries du Domaine départemental de Sceaux : Le Trait et l’Ombre. Le premier acte, du 6 mai au 17 août, réunit sanguines, pierres noires, encres et pastels du XVIe au XVIIIe siècle, signés Poussin, Boucher, Fragonard et beaucoup d’autres, moins exposés, dont le talent rare est à découvrir. Les œuvres viennent du cabinet des arts graphiques du Musée des Beaux-Arts d’Orléans, l’un des plus riches de France avec ses 14 000 pièces. Ce partenariat prolonge ceux de la dernière décennie avec les musées de Montauban, d’Angers et de Besançon, installant celui du Domaine départemental de Sceaux comme un lieu d’importance nationale pour l’étude et la valorisation du dessin, premier geste dans l’expression du goût français de Louis XIV à Napoléon III et de ses « desseins » culturels.

Photo : © CD92/Photographie Mathieu Lombard

Graff & Urbex

Lek est le plus vieux, né Frédéric Malek à Paris en 1971, Sowat le cadet, à Marseille en 1978 sous le nom de Mathieu Kendrick. Ils forment depuis douze ans un duo de graffeurs complices et si talentueux qu’ils ont été les premiers du genre à être pensionnaires de la prestigieuse Villa Médicis à Rome. Le street art des deux passionnés d’« urbex » – l’exploration plus ou moins clandestine des ruines des villes – prend parfois des proportions monumentales, induisant souvent la collaboration de nombreux compagnons d’aérosol. Mausolée était une résidence artistique sauvage sur les quatre hectares d’un supermarché abandonné ; les sous-sols bétonnés du Palais de Tokyo n’ont pas échappé à leurs bombes ; ils ont usé d’un tunnelier peint à leurs couleurs pour graffer le prolongement de la ligne 14… Sous le titre Duography – Lek & Sowat, l’atelier Grognard à Rueil leur donne carte blanche pour une première exposition rétrospective : un parcours immersif – et paradoxal dans une pratique essentiellement éphémère – composé d’esquisses, photos, vidéos et fragments, jusqu’au 3 juillet. 

Photo : © Laurent Nicolas

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