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André-Malraux la nature au pied des tours

 

Sur vingt-cinq hectares au cœur de Nanterre, le parc départemental André-Malraux est un site étonnant à l’histoire singulière qui a achevé son aménagement il y a quarante ans.

Au pied des tours de Paris La Défense, le parc André-Malraux bouleverse à l’époque les codes du parc urbain. Ouvert en permanence, il invite à la détente et au jeu avec ses grandes pelouses et inclut également la culture avec des sculptures comme le totem « Giga » la vie de Jean-Charles de Castelbajac.©Illustration Rokovoko

Le contraste est saisissant. Presque dans le prolongement de la cime des arbres, les tours de La Défense et celles, singulières,  Aillaud de Nanterre semblent à la fois si loin et si proches. Le parc André-Malraux est une curieuse oasis de verdure en plein cœur de la ville.

Un parc né du néant. Au début du XXe siècle, la plaine de Nanterre qui s’étend des pentes du mont Valérien jusqu’à la Seine à l’ouest, était peu urbanisée, composée de cultures maraîchères, de jardins ouvriers, de carrières et de champignonnières, et encore occupée par les vaches et les moutons. Dans les années cinquante, de nombreux immigrés travaillant dans les usines à proximité viennent s’y installer : le quartier se transforme alors en l’un des plus vastes bidonvilles de la région parisienne, organisé en ruelles. Sans assainissement ni eau, il accueille jusqu’à dix mille habitants, soit 10 % de la population de la ville.

Dans les années soixante, André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles, décide, dans le cadre d’un vaste projet urbanistique, la création du parc. À cette époque, les premiers immeubles collectifs sont construits, permettant de reloger les habitants des bidonvilles. Et le quartier d’affaires de La Défense voit le jour dans le prolongement de l’axe historique de Paris. L’idée est d’apposer la nature à la verticalité du quartier d’affaires et de créer un ensemble harmonieux entre tours, logements collectifs et jardins. Le projet est approuvé en 1964 et possède même une vocation culturelle avec la construction à proximité de l’École nationale d’architecture, d’une Maison de la culture qui deviendra le théâtre des Amandiers et de l’École de danse de l’Opéra de Paris.

Grâce à son étang de deux hectares, le parc possède une grande richesse ornithologique avec une trentaine d’espèces d’oiseaux différentes. Le parc a également une vocation sportive avec un parcours d’agrès et un mur d’escalade.©Illustration Rokovoko
©Illustration Rokovoko

Pleins et vides

Les travaux commencent en 1971 sous la direction du paysagiste Jacques Sgard. Grand amateur de peinture, celui-ci imagine un parc ouvert sur la ville, tout en courbes et en spirales colorées à la manière d’un tableau et construit autour de trois buttes réalisées avec les remblais extraits des fondations des tours de La Défense. « La plantation de résineux sombres a été privilégiée pour accentuer le relief et donner l’impression paysagère de montagne », se souvient Christophe Renvoisé-Le Gal, chef du service territorial nord qui comprend notamment le parc André-Malraux. Mais ces remblais composés de marnes vertes et de marnes calcaires rocheuses empêchaient le bon développement du milieu végétal. Ainsi, de la terre végétalisée récupérée des travaux de construction des pistes de l’aéroport de Roissy a été ajoutée dans des vastes fosses afin d’éviter que les végétaux ne soient asphyxiés. Le 16 avril 1977, il ouvre au public et les travaux se sont déroulés en six tranches jusqu’en 1980. Le nom actuel du parc, lui, sera donné en 1979 en hommage à celui qui aura initié le projet. Le parc est confié à l’Épad (Établissement public d’aménagement de La Défense) mais sera géré par le Département qui devient l’unique propriétaire du site en 2000.

Du haut de ces collines se dévoilent de belles perspectives jouant sur les pleins et les vides, entre l’étendue de deux hectares qui se prolonge avec l’étang et d’autres espaces plus densément plantés. Autre particularité : il est également ouvert en permanence sur la ville et les éléments qui l’entourent comme les immeubles d’habitation et équipements publics culturels et sportifs. Seules quelques barrières et lisières végétales marquent les limites du site et un cheminement a été conservé du nord au sud afin de relier les quartiers d’habitation au RER via l’esplanade Charles-de-Gaulle et ses grandes colonnes. Aujourd’hui, le parc est donc directement prolongé par les Jardins de l’Arche, lui-même prolongement de Paris La Défense.

Première partie ouverte au public, le jardin de collection – appelé « Jardin de plantes » à sa création – s’étend sur près de 5 000 mètres carrés et surplombe l’ensemble du parc. Intimiste, il s’adresse aux amoureux des plantes avec plus de quatre cents espèces plantées au gré de ses allées sinueuses. Ici, le promeneur retrouve des rhododendrons, de la bruyère, des magnolias et des azalées et même quelques curiosités ramenées d’Angleterre en 1973 comme des séquoias pleureurs ou des marronniers à feuilles laciniées. Plus bas, près de la prairie, le jardin des fleurs rassemble des rosiers botaniques et a été aménagé plus tard, en 1979. D’autres espèces comme l’érable, le tilleul, le frêne, le marronnier et le pin noir peuvent paraître communes mais elles répondaient aux critères de rapidité de croissance, d’adaptation au climat urbain et de robustesse de l’époque. « Mais la propagation de maladies survenues ces dernières décennies nous ont contraints à diversifier les plantations, ajoute Christophe Renvoisé-Le Gal. Sur les buttes, elles ont été remplacées par du cèdre de l’Atlas ou du pin d’Alep, mieux adaptés aux changements climatiques de plus en plus récurrents. Les mails et bosquets de marronniers sont remplacés progressivement par des essences plus résistantes à la sécheresse et les grandes plantations d’arbustes spécifiques des années 70 ont fait place à des mélanges diversifiés, créant ainsi un aspect plus libre et plus sauvage. »

Richesse ornithologique

Le parc met aussi en avant sa diversité ornithologique autour de son étang de deux hectares. Celui-ci est composé d’un petit et d’un grand bassin reliés par un canal. On observe ici une trentaine d’espèces d’oiseaux différentes, dont vingt-trois identifiées comme nicheuses en 2018, comme par exemple le bruant des roseaux, la rousserole effarvatte nicheuse, le chardonneret élégant, le verdier d’Europe et le pic-vert. « Une des richesses écologiques de ce parc est liée également à la présence dans les mares et dans l’étang d’une belle population de grenouilles rousses et crapauds communs, ainsi que la classique grenouille verte rieuse », poursuit Olivier Bouviala, chef du service études, paysages, patrimoine et environnement au conseil départemental. La simplicité de la composition végétale a été favorisée, avec une sélection d’espèces robustes et adaptées au sol, constitué de remblais calcaires, comme des érables planes, sycomores ou champêtres et des essences tolérantes comme le sorbier, l’alisier, le charme ou le bouleau. Autour du plan d’eau artificiel, les berges plantées de roseaux, de joncs et d’autres plantes des marais comme l’iris aquatique constituent un refuge pour les canards, foulques, poules d’eau et hérons cendrés. Depuis 2007, le site est labellisé « Refuge LPO » (Ligue de protection des oiseaux), ce qui renforce un peu plus la vocation écologique du parc en tant qu’espace de biodiversité.

Le parc André-Malraux, comme quinze autres parcs départementaux, est labellisé Espace végétal écologique (Eve®) depuis 2012 et a mené ainsi un travail sur différents critères comme la gestion de l’énergie, des déchets et du bruit. « Les massifs d’arbustes et de vivaces sont « mulchés » (couverts, ndlr) par du broyat de végétaux pour en garder l’eau et améliorer la texture du sol. L’utilisation des souffleurs thermiques très bruyants est proscrite et des zones de silence ont été déterminées. Les déchets issus des tontes, des tailles et de la chute des feuilles sont compostés in situ et réutilisés dans les massifs. Ainsi rien ne se perd », explique Christophe Renvoisé-Le Gal. Un traitement particulier est réservé à l’eau. « Là encore rien ne se perd, poursuit-il. Les eaux de pluie et de ruissellement étaient autrefois conduites à l’égout. Aujourd’hui, lorsque des travaux de réfection des allées sont réalisés, les regards recevant les eaux de pluie sont systématiquement supprimés et les eaux conduites vers les massifs par des noues destinées à l’infiltration. Seules certaines pelouses sont encore arrosées par de l’eau de forage pour conserver un confort d’accueil aux usagers. » Les plantations aquatiques (roselière, joncs…) permettent l’oxygénation de l’eau et la requalification des allées avec un nouveau revêtement et des cheminements plus étroits qui ont permis de gagner 5 % en surface végétale pour conserver plus d’eau pluviale sur le site. L’eau utilisée pour l’aire de jeux subit cette année une petite transformation : auparavant traitée au chlore comme toutes les eaux de baignade, elle sera désormais non traitée et réutilisée d’une part pour l’arrosage du parc et d’autre part pour le remplissage de l’étang en période estivale. Enfin l’éclairage du parc est assuré par des LED, plus économes en énergie, et le parc se met cette année au tri avec des nouvelles corbeilles pour les visiteurs.

Si l’esprit général des lieux n’a pas changé, au fil du temps, divers équipements et équipements de loisirs sont venus compléter le tableau. En 1994, un mur d’escalade de 350 mètres carrés en béton armé a été construit au sommet de l’un des tertres. Il est aujourd’hui géré par une association et accueille débutants et confirmés. À l’heure de midi, le parc se transforme en terrain d’entraînement pour les coureurs venus du quartier d’affaires. Pour eux, les agrès ont été remplacés et forment un parcours sportif bien défini avec en plus, la création d’un espace de street workout, discipline à mi-chemin entre la gymnastique et la musculation. Enfin les enfants ont aussi leurs propres aires de détente avec un manège installé en permanence, une grande aire de jeux traditionnels et une autre aquatique de 1 200 m2 avec pédiluves et rideaux d’eau de plus de mille mètres carrés en lieu et place de l’ancienne pataugeoire, le tout collant à l’esprit du parc, dans un esprit « plage ». Enfin, en 2017, l’ensemble du personnel a pris ses quartiers dans de nouveaux bâtiments, tout au sud du parc. Sans cesse modifié, le parc a su conserver, à l’aube de ses quarante ans, son caractère architectural et paysager remarquable qui a inspiré tant d’autres parcs urbains.

Mélanie Le Beller
www.hauts-de-seine.fr,
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