Buddy, capable de déchiffrer le langage corporel, manifeste en retour ses propres « émotions ». © Blue Frog Robotics
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GRAND ÂGE, UN COMPAGNON VENU D’AILLEURS

Robot « communicant et émotionnel », Buddy divertit et assiste les personnes âgées en perte d’autonomie. Un projet soutenu par l’incubateur interdépartemental E-tonomy Boost.

 

Son corps replet évoque le gentil RD2-D2 de Star Wars et sa taille le rapproche d’un animal de compagnie. Le temps de la conversation, Buddy fait entendre de petits rires cristallins, le « visage », un écran tactile, tourné vers son créateur : « En le regardant, vous vous dites que ce n’est pas lui qui va diriger votre vie ou prendre le pouvoir dans la maison ! », sourit Rodolphe Hasselvander. En revanche Buddy sait se rendre utile et agréable. Ses innombrables capteurs permettent des interactions avec l’utilisateur par écran interposé, commande vocale ou à distance et il est capable de déchiffrer le langage corporel. Son visage affiche des « émotions » changeantes. Une caresse sur son plastron blanc et voilà que se pixellise un sourire et que s’écarquillent ses yeux immenses de personnage de manga. Une chiquenaude fera naître une moue et, délaissé, il boudera. « On a designé ce robot pour générer de l’émotion car c’est en créant du lien qu’on peut proposer ensuite des services, explique l’ingénieur. Je suis persuadé que demain on vivra avec les robots comme aujourd’hui avec des smartphones mais, pour cela, il faut donner aux gens l’envie de les adopter. »

L’ingénieur Rodolphe Hasselvander, « père de Buddy », en est persuadé : l’essor du robot de compagnie est proche.©CD92/Julia Brechler

« Aider les aidants »

Cette approche tient compte de la psychologie des personnes âgées, souvent réticentes à accepter de l’aide. « Elles vous diront qu’elles n’ont besoin de rien mais ne refuseront pas une compagnie. » Buddy peut leur passer de la musique ou leur raconter des blagues, stimuler leur mémoire à coup de quizz et, ni vu ni connu, rappeler les rendez-vous importants ou les prises de médicaments – des injonctions parfois moins bien accueillies quand elles viennent d’un tiers. Le robot, s’il s’exprime, ne peut tenir de vraie conversation – « ce que personne ne sait faire aujourd’hui » – mais offre une présence rassurante pour la personne mais aussi pour ses proches qui peuvent l’appeler et le contrôler à distance. De quoi éviter des déplacements inutiles, voire l’intervention des secours en cas d’inquiétude.

Avant Buddy, l’ingénieur, « fasciné par les robots depuis [son] plus jeune âge », créait des machines de pointe pour l’automobile, la construction ou l’armée. « Dès que le robot se met à réagir à ce qui se passe autour de lui, j’ai l’impression d’avoir donné la vie », raconte-t-il. Si ses créatures lui échappaient jusqu’alors pour passer entre les mains des clients, il garde la paternité pleine et entière de Buddy, né en 2014. Alors témoin impuissant de la perte d’autonomie de sa grand-mère, il raconte avoir « bidouillé » un robot de compagnie pour venir en aide aux personnes âgées et à leurs proches. Le succès du prototype au concours mondial d’innovation, destiné aux jeunes pousses hexagonales, a entraîné la création de Blue Frog Robotics. Depuis, suscitant l’intérêt au-delà des frontières, Buddy a reçu, entre autres prix, celui des prestigieux Best of Innovation Awards en 2018 au Consumer Electronics Show de Las Vegas tandis que la start-up a levé à ses débuts plus d’un million d’euros en financement participatif, une prouesse.

Dans tous les foyers ?

Buddy est un projet évolutif et nourri en permanence par la R&D. Les ingénieurs de Blue Frog Robotics travaillent par exemple en ce moment sur la mise en place d’un système de rondes et d’alertes automatisées pour vérifier que tout va bien au domicile. En open source, le projet est ouvert à tous les  développeurs, « un choix stratégique », pour favoriser l’émergence de nouvelles applications, bientôt téléchargeables : jeux, quizz, cartes… « Nous n’avons pas le monopole de la bonne idée, explique le père de Buddy. La Gameboy a marché parce qu’il y a eu Tetris, un jeu développé par un indépendant. » Car l’année 2023 sera celle de la commercialisation auprès du grand public, au prix de 2 000 euros environ. Deux mille premiers exemplaires ont déjà été déployés en B to B auprès de l’Éducation nationale – pour permettre aux enfants malades de suivre les cours à distance – et dans de nombreux Ehpad. « Nous avons eu des retours terrain très intéressants. Dans les maisons de retraite, par exemple, nous nous sommes rendus compte que les résidents n’osaient pas faire le premier pas et parler au robot. On a décidé de le rendre plus proactif. »

L’épisode Covid a « fait évoluer les mentalités » et l’essor du robot de compagnie est proche, estime Rodolphe Hasselvander, qui se souvient qu’au début des années 2000, à son arrivée sur le marché du travail, les robots grand public étaient rares et chers. « Les rapports humains ne pourront jamais être supplantés par des machines, affirme-t-il, parant aux objections que soulève ce « copain » tout de plastique et de métal. Mais mettre quelqu’un derrière chaque personne âgée 24 h/24 est un vœu pieux et a un coût. Le robot, lui, est accessible ; il ne remplace pas l’humain mais il créé du lien et occupe la personne sur le temps où elle est seule. ». La start-up vient d’ailleurs de créer un poste pour anticiper ces implications éthiques. 

Pauline Vinatier
buddytherobot.com

« Booster » les solutions innovantes pour l’autonomie

En 2020/2022, douze start-ups ont été accompagnées par E-tonomy Boost dont Chez Jeannette et Blue Frog Robotics et la deuxième promotion est en marche. Ce programme, porté par l’agence interdépartementale de l’autonomie 78/92, est dédié aux porteurs de projets du secteur social et médico-social qui proposent des réponses innovantes face aux enjeux du vieillissement de la population. Dès janvier 2023 et pour six mois, les entreprises sélectionnées bénéficieront d’une mise en réseau, d’un coaching individuel et d’un accompagnement complet – business model, design thinking, stratégie, conseil juridique, marketing… L’appel à candidature, lancé après le salon E-tonomy Job organisé au campus des Mureaux le 4 octobre dernier, est ouvert jusqu’à fin novembre.

www.agence-autonomy.fr

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