Illustration : Pinel
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LE SPORTDATING DONNE DES AILES AUX FUTURS CHAMPIONS

À un an des Jeux de Paris, le Département et la CCI des Hauts-de-Seine facilitent la mise en relation des athlètes de haut niveau du territoire et des entreprises désireuses de s’associer aux valeurs du sport. Un premier sportdating a eu lieu en mai dernier à Paris La Défense Arena.

Les défier sur leur terrain serait pure folie. Pourtant, face à un chef d’entreprise, certains d’entre eux perdent leurs moyens. Au parc nautique départemental de l’Île de Monsieur, une quinzaine d’athlètes bénéficient d’une matinée de coaching en amont du tout premier sportdating départemental pour apprendre à mieux se valoriser et tenter ainsi de décrocher le partenariat de leurs rêves : contrat de travail, à temps plein ou partiel, stage, reconversion, sponsoring ou mécénat… « Les sportifs sont souvent timides et réservés et ne se mettent pas assez en avant alors que ce sont des personnes exceptionnelles, estime Sylvie Marchal, formatrice avec Astrid Cordeau. On aura gagné si on arrive à faire ressortir une histoire pour chacun d’entre eux, ce sera un atout aux yeux des entreprises. » Il en va du financement de leur prochaine saison – pour certains d’entre eux, celle des Jeux olympiques et paralympiques (JOP), qui viendront décupler les frais : préparation physique et mentale, nutrition, matériel, déplacements… Parmi les prétendants à ces Olympiades, le judoka Alexandre Édiri, l’archère Mélodie Richard ou encore le touche-à-tout Ibrahim Guirassy – le joueur de basket-fauteuil espère aussi s’aligner en lancer de javelot et de poids ! En plein envol à 24 ans, le trampoliniste Pierre Gouzou cherche lui aussi un soutien financier plutôt qu’un contrat de travail mais n’en prépare pas moins l’avenir. « Je n’ai pas d’idée précise de ce que je veux faire dans dix ans et je compte arrêter le plus tard possible mais le sportdating me permettra de développer mon réseau », explique le diplômé en « entraînement sportif ». S’il surfe sur la vague des JOP, l’événement entend s’adresser à tous les licenciés dans un club des Hauts-de-Seine, inscrits sur les listes ministérielles de haut niveau, du plus capé au jeune prometteur. Ainsi, certains regardent davantage vers 2028, comme la handballeuse Chloé Houzé, en quête d’un contrat d’apprentissage ou le judoka Thimothée Guichen, d’un mécène pour ses débuts en senior. La notion de « philanthropie » associée au mécène appelle d’ailleurs une clarification : « On attendra toujours quelque chose de vous, avertit Astrid Cordeau. Vous ne ferez pas de publicité mais pourriez être amenés à devenir ambassadeurs de la marque ». En guise d’échauffement, chacun se présente en deux minutes chrono, exercice qui exige d’aller à l’essentiel et de bannir toute fausse pudeur – selon les disciplines et le niveau, le coût d’une saison peut aller de 10 000 euros à plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Timidité réciproque

Sur le principe du jobdating, ou pour les plus bouillants du speedating, l’objectif est de créer une relation gagnant-gagnant entre deux univers. « Tout le monde n’a pas la chance de pouvoir vivre de son sport. De nombreux sportifs de haut niveau qui, demain, représenteront notre Département et notre pays, sont des amateurs. Il leur est difficile d’allier compétition de haut niveau et vie professionnelle. Tout doit être mis en œuvre pour les aider et les conforter sur ce plan », explique Georges Siffredi, président du Département. De leur côté, les entreprises regardent bien souvent les athlètes avec convoitise sans pour autant les approcher. « Le sport a beau faire partie de la vie de tous les jours, il y a une forme de timidité envers le monde sportif, d’où l’intérêt de ce genre d’événement », estime Patrick Ponthier de la Chambre de commerce et d’industrie, fondateur du club « GO JO-P 92 » rassemblant 600 adhérents autour des opportunités suscitées par les Jeux. Faire équipe avec un sportif n’est pas des moindres et ouvre la voie à des actions de communication originales – séminaires, événements commerciaux… – tout en facilitant la promotion de valeurs fédératrices auprès des collaborateurs. « L’esprit d’équipe, le sens du leadership, le fait de savoir se relever après une difficulté sont transposables du monde du sport vers le monde du travail, explique Marilyne Felgueiras, chargée du sportdating à la direction des actions sportives du Département. Certes, les athlètes ont parfois moins d’expérience mais cela s’acquiert, alors qu’un salarié lambda n’a pas forcément les savoirs et les valeurs qu’ils ont accumulés grâce au sport. » Des dispositifs comme le contrat d’insertion professionnelle et le pacte de performance, présentés dans le détail aux entreprises en amont du sportdating, permettent en outre de compenser le coût des absences et en cas de médaille, a fortiori olympique, c’est le jackpot.

Une partie des participants posent entre deux entretiens. De nombreuses disciplines sont représentées : judo, escrime, athlétisme, vélo, trampoline, tir à l’arc, basket, handball…©CD92/Willy Labre

Yeux doux

Le jour J, les candidats, munis d’un CV mentionnant leur double projet sportif et professionnel, papillonnent à leur guise entre les stands. Le panel va de la TPE aux grands groupes mêlant BTP, intérim, restauration, banque, beauté, événementiel, assurance, petite enfance, automobile, santé… À la tête de la société de conseil commercial Cinq-Huitième, Claude Fernandez, pour étoffer son équipe de cinq salariés, recruterait bien un athlète. « Cela créerait une émulation, un bénéfice en termes d’image et surtout cela serait une satisfaction d’accompagner un sportif sur le long terme. » Le dirigeant réginaburgien est passé, adolescent, par le pôle espoir rugby du lycée Lakanal de Sceaux. « Je sais à quel point cela peut être compliqué quand on est amateur », sourit-il. Pour aider les uns et les autres à passer du rêve à la pratique, la matinée est ponctuée de témoignages de pionniers du partenariat. « L’une des clés est de travailler avec le management du sportif pour adapter au plus près la charge de travail, détaille Cédric Mocellin chez EDF. Les absences ne posent pas de problème particulier aux yeux des autres salariés, au contraire cela créé une émulation. » Le Team EDF rassemble à ce jour une trentaine d’athlètes, dont la judokate alto-séquanaise Clarisse Agbegnenou.

Suivant les conseils des coachs – ne pas hésiter à sortir du lot – la fleurettiste Esther Bonny arbore pour l’occasion un inoubliable sac à main rose bonbon. « En tant qu’athlète “partenaire” de l’Insep, je n’ai pas accès à toutes les prestations, expose-t-elle au fil des entretiens. Je cherche une entreprise qui puisse m’aider à aller plus loin dans mes performances, avec laquelle construire un lien de partage. » Avec Chloé Lamoureux, des cosmétiques Payot, tactique, elle met en avant sa coquetterie – « les ongles vernis sous les gants » – et son sport alliant rigueur et beauté du geste. Concentrée, son interlocutrice enchaîne les questions : volume d’entraînement, usages des réseaux sociaux, somme sollicitée… « Je trouve important d’avoir un lien avec l’identité de l’entreprise ; cette dualité entre sport de combat et féminité faisait partie des éléments que j’avais identifiés grâce au coaching », analyse Esther après coup. Des athlètes parasportifs ont également fait le déplacement, en escrime, athlétisme, cyclisme, badminton, et le confirment : dans le parasport, le financement d’une carrière s’avère souvent des plus compliqués : « Dans mon sport, les meilleurs peuvent toucher jusqu’à 100 000 euros de primes par an grâce à leurs victoires en tournoi. En parasport, c’est zéro… », explique ainsi le badiste Mathieu Thomas, 8e mondial en simple, 4e en double. « La médiatisation moindre du parasport le rend en outre moins attractif pour les sponsors », ajoute l’athlète qui prépare un documentaire sur son vécu pour faire « changer les regards ».

Georges Siffredi aux côtés de Thierry Millet et de Patrick Ponthier, référent et fondateur du club GO JO-P 92 créé en vue des Jeux.©CD92/Willy Labre
L’objectif est de permettre aux sportifs de haut niveau de décrocher un partenariat sur mesure.©CD92/Willy Labre

« Conclure »

Ce premier sportdating, dans le cadre hautement symbolique de Paris La Défense Arena, futur site olympique pour la natation et le waterpolo, aura suscité environ cent soixante entretiens. La seconde mi-temps se joue désormais à guichets fermés entre les entreprises et les candidats, chaudement incités à recontacter leur interlocuteur pour « conclure ». D’ores et déjà, avoir pu réunir soixante-dix participants, dont trente athlètes et quarante entreprises, est une réussite. « Auparavant, il y avait des mises en relation par le bouche-à-oreille mais un tel événement clé en main est totalement inédit. Ni les uns ni les autres n’avaient jusqu’ici accès à un tel vivier », se félicite Marilyne Felgueiras. Avec des Jeux qui reviennent tous les quatre ans et des championnats internationaux chaque année, les besoins ne devraient pas tarir à l’avenir. 

Pauline Vinatier
hauts-de-seine.fr 

Un soutien renforcé au haut niveau

Le Département ne subventionne pas moins d’une cinquantaine de clubs du territoire évoluant en haut niveau, en 1ère et 2ème division, ainsi que six centres de formations agréés, dont quatre appartiennent à l’un des clubs labellisés « clubs des Hauts-de-Seine » : Racing 92, Nanterre 92, BLR 92, Boulogne 92, Paris 92, Metropolitans 92, CAM 92 et Mariannes 92 à compter de la saison prochaine. La palette des aides ne s’arrête pas là. Une prime de 6 000 € est ainsi allouée aux équipes championnes de France ou titrées en Coupe de France, en Championnat et Coupe d’Europe et une prime de 4 000 € aux équipes de jeunes titrées au plan national. Par ailleurs, le Département soutien les clubs parasportifs de haut niveau en fonctionnement et pour l’acquisition d’équipements et de matériel adapté. Enfin les aides prévues pour les Jeux de Tokyo sont reconduites et amplifiées pour ces nouvelles Olympiades. D’une part les bourses de préparation – 3 500 € en 2022 et 2023, 4 000 € en 2024 – et d’autre part les primes aux médaillés – 10 000 € pour l’or, 7 500 € pour l’argent, 5 000 € pour le bronze. Au total plus de 8,5 M€ sont consacrés au sport de haut niveau en 2023.

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