La complexité et l’urgence sociale et sanitaire des situations sont prises en compte pour l’admission. Photo : CD92/Olivier Ravoire
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Un projet innovant pour les adultes autistes

Aux Mureaux, le foyer d’accueil médicalisé interdépartemental Patrick-Devedjian a ouvert ses portes en octobre. Un nouvel établissement très attendu par les familles de personnes souffrant de troubles du spectre autistique ou de troubles psychiques.

Sydney, Québec, Marrakech ou encore Moscou, chaque unité de vie du nouvel établissement est à elle seule un voyage. « On voulait éviter quelque chose de trop figé », explique le directeur, Boujma Gouirir. Des noms soulignés  sur les portes par des pictogrammes, cabine téléphonique, chameau ou feuille d’érable, pour ceux qui ne savent pas lire et « pour que tout le monde se repère plus facilement car le bâtiment est vaste ». Ils sont une vingtaine à avoir posé leurs valises au mois d’octobre au foyer d’accueil médicalisé interdépartemental Patrick-Devedjian. « Au début, les familles craignent que leur enfant ne se perde ou ne trouve pas sa place mais elles se rendent compte très vite que les unités de vie sont à taille humaine », poursuit le directeur. Chacune d’entre elles constitue un ensemble autonome, organisé autour d’un salon central. Mais aussi un lieu de soins, de loisirs, et de sociabilité quand cela est possible…

 

Boujma Gouirir est le directeur de ce foyer d’accueil médicalisé de cent seize places, à ce jour le plus important des quatre-vingt-dix gérés par la Fondation des Amis de l’Atelier.© CD92/Olivier Ravoire

Situations inextricables

Avec ce projet interdépartemental, les Départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines ont voulu pallier le manque criant de places pour les personnes souffrant de troubles du spectre autistique (TSA) ou de troubles psychiques. « Dans nos deux départements, on estime à quatre cents le nombre de familles confrontées à ces situations inextricables », rappelle Georges Siffredi, président des Hauts-de-Seine. Le projet avait été lancé il y a six ans par l’ancien président, Patrick Devedjian, et Pierre Bédier, président des Yvelines. « Ce Fam a été notre première coopération opérationnelle. Novateur tant par sa taille que par sa conception, il est la preuve que l’interdépartementalisation fonctionne », souligne-t-il. Le bâtiment de 10 000 m2 est sorti de terre en deux ans sur un terrain mis à disposition par les Yvelines, dans l’enceinte du centre hospitalier intercommunal de Meulan-Mureaux (Chimm), sur le site de Bécheville. Trente et un millions d’euros ont été investis dans le projet, avec l’aide du Fonds de solidarité interdépartemental (FS2i) tandis que l’Agence régionale de santé contribuera à hauteur de six millions par an aux coûts de fonctionnement, soit la moitié du budget. Sur ce même site de Bécheville est prévu un pôle d’excellence public/privé autour des questions de santé et d’autonomie, avec d’ores et déjà la présence d’une  Agence interdépartementale de l’autonomie ou à l’avenir, un « campus des métiers de santé et d’aide à la personne ». 

Les cent seize places, également réparties entre Alto-Séquanais et Yvelinois, font du Fam « la plus grosse structure à ce jour » des quatre-vingt dix gérés par la Fondation de l’Atelier, retenue après un appel à projet en 2017. Il s’agit en fait de deux foyers en un, avec soixante-six places pour les personnes souffrant de TSA et 50 pour celles en situation de handicap psychique. Avec des modes de prise en charge diversifiés et complémentaires : à l’hébergement traditionnel s’ajoute ainsi le semi-internat, pour les familles souhaitant garder un lien quotidien avec leur enfant, ou encore l’accueil séquentiel pour celles qui ont besoin de répit. Côté TSA, plusieurs niveaux d’accompagnement sont prévus pour mieux prendre en compte, notamment, la dimension sensorielle de l’autisme. Une unité « d’accueil renforcé de transition » de quatre places accueille les personnes les plus en souffrance.

Le nouvel établissement a été inauguré le 16 septembre, en présence des sept présidents de Département franciliens. Il pourrait servir de modèle au plan régional.© CD92/Olivier Ravoire

Pluridisciplinarité

La petite taille des unités de vie, 5 à 6 places pour les TSA, 8 à 9 pour les troubles psychiques, contribue au confort général. « L’ensemble du bâtiment a été pensé en amont du projet, explique Boujma Gouirir. Les espaces sont modulables et grâce aux contrôles d’accès, l’exploration du bâtiment peut varier selon la personne : certains auront besoin d’un espace contrôlé, d’autres pourront circuler davantage. » Les équipes paramédicales, médicales et éducatives travaillent dans un esprit pluridisciplinaire. « Ce regard croisé est essentiel pour obtenir la vision la plus précise et complète possible de la personne, souligne le Dr Jean-Pierre Chesson, médecin coordonnateur. L’identification des pathologies et de leurs incidences sur les troubles du comportement, par exemple, rejoint le travail éducatif. » L’autonomie, à restaurer, conserver ou développer sera au centre de l’accompagnement. « Jusqu’ici beaucoup de nos résidents vivaient chez leurs parents, d’autres en hôpital psychiatrique. En arrivant, ils expriment pour la première fois certaines choses », poursuit le praticien. Selon le profil, le projet d’accompagnement diffère. Pour les uns, il s’agit de cibler « la communication, la sensibilité, les besoins d’expression », pour les autres la priorité sera plutôt « la réhabilitation psychosociale » : « Plus la personne va comprendre sa maladie, mieux elle va réussir à vivre avec et aller vers l’autonomie », résume Boujma Gouirir. Des activités sportives ou culturelles, ouvertes sur la cité, pourront réunir ces deux publics, ce qui, là encore, fait du Fam un projet sans équivalent en France.

Le Fam est la pièce maîtresse d’une plateforme comprenant aussi un service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah) de quatre antennes, ouvert en 2018, et deux pôles de compétences et de prestations externalisés, en 2019, répartis sur les deux territoires. « Dans le cadre de leur schéma commun d’organisation sociale et médico-sociale, nos Départements visent une diversification des solutions proposées afin d’être en mesure d’apporter une réponse adaptée à tous les parcours de vie », rappelle Georges Siffredi. Au total, ce sont donc 300 familles qui bénéficient d’un accompagnement en établissement ou à domicile.

Le premier chapitre de la vie de l’établissement, celui de l’accueil, est loin d’être refermé puisque les arrivées vont se poursuivre, avec l’ouverture d’une nouvelle unité chaque mois dans chacun des deux secteurs. « La plupart de nos résidents découvrent la vie au sein d’une structure, ce qui est un bouleversement. Nous voulons qu’ils se sentent bien et épanouis dans leur nouveau lieu de vie. Il va donc y avoir des ajustements tant pour s’adapter aux personnes que dans le fonctionnement des équipes », explique Boujma Gouirir.
Près de deux cents emplois seront créés grâce à cette nouvelle structure qui recherche toujours à l’heure actuelle psychologues, psychomotriciens, éducateurs spécialisés ou encore moniteurs-éducateurs. 

Pauline Vinatier

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